Trois longues années que nous n’avions foulé la Plaine de la Machine à feu. La dernière journée de cette 28ème édition fut l’occasion de faire un point sur l’évolution du festival belge aux 235 000 spectateurs. Un dimanche caniculaire qui, malgré un line-up toujours aussi dense et séduisant, nous amène à nous poser quelques questions.
Dour, as-tu changé ? Vous vous en doutez, la réponse est oui.

Dour, as-tu gagné au jeu des sponsors ?

Pas encore, mais, surprise : tu es très bien parti. Il faut dire que l’on ne t’attendait pas sur ce créneau-là, ou tout du moins plus discrètement. Quand ton cousin belge Les Ardentes a vendu les changements de plateau de sa grande scène à l’écrasante maison Jupiler, tu as vaillamment tenu bon à la tentation du sponsoring à outrance.
Serais-tu en train de plier ? On se le demande quand on voit le stand de l’Evian belge, Spa, aux allures de décor de cinéma avec son mur végétal et sa cascade. Tu me répondras qu’on y fait du trampoline et que ce type de stand de jeux n’est pas nouveau, Coca-Cola en est d’ailleurs le pionnier. On pense également à l’écran géant qui trône en haut de l’imposant stand Proximus : la folie des grandeurs ?

Dour, toujours défricheur ?

Un grand oui, et c’est ta véritable force. Quand on compte le nombre de coups de cœur rien que sur la dernière journée (Italian Boyfriend, Ho99o9, Why the Eye, Fumaça Preta…), on se dit que 5 jours de Dour compenseraient aisément une carence en découvertes.
Ton éternel renouvellement explique en partie cet avant-gardisme. Le Labo, inauguré l’année dernière, vient en renfort de la Petite Maison dans la Prairie jusqu’à la surpasser lors du vendredi après-midi avec l’enchainement bien senti Jacques/Petit Biscuit/Flavien Berger, trois nouvelles vitrines de la scène électronique française.

Dour, es-tu (trop) fidèle ?

Et de neuf ! Toujours plus gourmand, tu as donc ouvert cette année une nouvelle scène, la Cubanisto. Si l’objectif annoncé était la promotion de nouveaux producteurs de musique électronique, le dernier venu de tes chapiteaux fut d’abord la résidence secondaire des saltimbanques de Salut C’est Cool pendant le week-end. Un live, cinq dj set, le record du Cabaret Vert 2014 est battu. Quand s’arrêtera la blague ? Une course à la fidélité et au cool qui nous laisse un peu perplexes.
Cette fidélité réciproque envers certains groupes fait partie de ton ADN et jamais tu ne décevras tes premiers adours. Elle s’est tout naturellement illustrée cette année, parfois à tort (The Vaccines headliners de la première journée, le paquebot Birdy Nam Nam sur le déclin, la déception Factory Floor) comme à raison (la reine Peaches, la confirmation Suuns, l’enthousiasme surprise pour les vieillissants The Subways).
Enfin, saluons ton soutien infaillible à la scène locale (Dan San, Ulysse et Compact Disk Dummies…) pour laquelle tu restes et resteras l’un des meilleurs tremplins.

Dour, t’as pas du LSD ?

C’est le gros point noir de cette édition : un jeune lillois de 26 ans décède d’une overdose de LSD. En Angleterre, ces morts de festivals sont tristement courantes mais dans ton cas, Dour, on opte davantage pour le signal d’alarme que le banal fait divers.
Ce 2ème décès en 2 ans est le résultat d’une hausse du trafic de drogue, et ça ne rigole plus du tout. Anciennement concentrés sur le camping, les dealers ont aujourd’hui comme terrain de jeu l’immense club Red Bull en plein air.
En parallèle, la part de dealers du dimanche dans tes festivaliers grandit à vue d’œil vitreux. Leur but ? Rembourser les 150 euros du pass 5 jours. Si tu ne perds pas d’argent à ce jeu, le basculement de l’alcool aux drogues pourrait faire chuter tes recettes de bar. Tu as trouvé la solution : interdire les bouteilles d’eau dans l’enceinte du festival. En pleine canicule, malin !


Dour, si nous continuerons de venir danser les yeux fermés, nous commençons à nous inquiéter pour toi.
Cet amour, que tu prônes depuis quelques années, n’est-il pas justement simple et libre, tel un oiseau rare que l’on ne peut capturer ? A deux ans de ton 30ème anniversaire, on assiste désormais à un amour de la démesure. Il faut bien évidemment faire face à la concurrence accrue et aux habitudes de consommation d’une génération follement perdue. Cependant, le bilan que l’on en tire gâche un peu la fête.
Le changement ne nous fait pas peur, mais les enfants de Dour que nous sommes ne supporteraient pas que ta formule gagnante se perde dans les tentations financières. Tu vaux mieux que ça, Dour !

Maxime Glrx