Listen Up a rencontré le crew de Escape From Acapulco, EFA pour les intimes. Trop peu présent dans les médias ou sur la toile, il était temps de se rencontrer pour un portrait à l’occasion de la sortie de leur troisième Ep Alpha Expresso en septembre .

Le Perchoir sera le cadre de notre rencontre, bar cosy dont nous avons déjà parlé lors de précédents articles, cocktail vertigineux et ambiance boisée, on s’installe autour d’une grande table.

Ce sont les frères Warren et Kevin, respectivement batteur et chanteur, qui acceptent de nous rencontrer pour la sortie de l’Ep sur le label Imper Blazer. Six titres condensés de leur rock, pop funkisante douce et maligne très portée sur le 3e degré et avec un zest d’anticonformisme.

EFA, c’est avant tout une histoire de copains, des gars qui veulent être abordables et qui continuent à produire leur son sans vouloir rentrer dans le moule de la pop française. Leur style vous rappellera forcément un air familier, un son que vous avez déjà entendu à la radio, une playlist qui commencerait à partir des 70’s.

« Avant d’être un groupe, c’est une famille » me racontent les deux jeunes trentenaires à l’allure nonchalante. « On a donné nos premiers concerts de 2007, mais entre-temps nous avons lâché la basse pour nous concentrer sur des rythmiques et des sons plus électroniques. On se nourrit de ce que chaque membre apporte ». « Par exemple, Nicolas le guitariste est plus funk, Mathias aux synthés et aux pads est plus pop » alors que Warren et Kevin ont des projets perso plus portés sur la house ou de la techno.

credit Damien Boisson

« Du punk au garage, on a construit notre style selon les phases que le groupe a traversées. »

Ils ont suivi l’évolution musicale des 2 dernières décennies : « Du punk au garage, on a construit notre style selon les phases que le groupe a traversées. On est arrivé à une pop acidulée, mais sans en faire un ensemble trop mielleux.» C’est comme cela que l’on remarque leurs particularités sur scène ou sur leur Ep, ce détachement vis-à-vis de leur musique, « encore perfectible » selon eux, mais qu’ils prennent du plaisir à produire.

Beaucoup d’artistes de la french pop se prêtent au jeu des paroles en français : courageux pour certain, un peu désuet pour d’autres, Warren confirme le choix d’être resté à l’anglais « Les paroles en français réduisent un peu le texte dans notre cas, le français est plus difficile à manier, il convient moins à notre style, on kiffe le côté un peu plus caché de l’anglais »

Comme avec les ingrédients de la bouillabaisse de ta grande tante, c’est très dur de faire la part des influences présentes ici. On nage en plein rock indé nappé de synthé vintage tout ça enrobé sous une pop plus électrique. « On a commencé sur nos batteries, chants, on aime bien bidouiller des platines et des vieux synthés donc on s’est dit pourquoi ne pas essayer de monter un patchwork de ce que l’on maîtrisait déjà. En toute simplicité, on part de ce que l’on a devant nous ».

Très présent sur l’EP et comme dans notre échange, les références pop qui ont inspirés leurs artworks traduisent une fascination pour l’atmosphère déjantée des films de Kung Fu, pour l’univers d’heroic fantasy ou le second degré des blockbusters aux filles bien formées et aux flingues qui ne font que parler.

D’où le nom énigmatique du groupe : un mélange entre « Escape from New York » de John Carpenter et « Fun in Acapulco » de Richard Thorpe. Le premier Ep de la formation « Girls and Guns », a été chapeauté par une bonne culture ciné et jeux vidéos, son nom inspirant plus le titre d’un film avec Vin Diesel que d’un album.

Pour les influences, on est dans le melting pot culturel et musical qui les caractérisent. « On a tout écouté, de Michel Berger à Barbara Streisand, on est des boulimiques de musique ». Un groupe éclectique donc, mais des frangins mélomanes bien poussés par un père qui a viré tous les cd d’Henri Dès pour les biberonner au Queen.

« Si tu trouves que ma musique est kitsch, c’est nous : on s’affirme »

Sur Alpha Expresso, ils cultivent une image entre le fleuri et le cosmique. A défaut de viser un public sur Alpha du Centaure, ils se sont arrêtés « Au Jardin » dans le 8e arrondissement pour la release party.

Dans l’EP, on retrouve ce côté mâle alpha insouciant, s’inspirant des sex-symbols Elvis ou Freddy Mercury, tendres sous des faux airs de machos.

Sur le titre Alpha Expresso, la voix d’Alice Vanor rend l’ensemble très doux, deux voix qui s’enroulent en calice. C’est aussi deux êtres qui se chamboulent, la faiblesse d’un mec compensé par la force des mots et la voix d’une chanteuse (à écouter un peu plus haut).

« Pour rester dans cette ligne rétro, chargée en « good vibes», on a décidé de mettre beaucoup de choeurs et des chants, appuyés par des synthé pour garder cette atmosphère sucrée en apparence, mais assez trash quand on est attentif aux paroles ». A la manière de gamins qui veulent montrer qu’ils peuvent encore faire des conneries, comme sur le clip de Hit&Run : pastiche de boxeurs ensanglantés qui se refusent à se battre pour s’essayer à deux/trois pas de groove.

Autre track, autre ambiance, Poor me a drink c’est le mélange désabusé d’un loubar de banlieue, qui est saoul et sous le balcon de sa copine en lui faisant des déclarations maladroites. Kevin résume «  Je t’aime bébé, je te dis tout ce que j’ai sur le coeur, mais je suis bourré ».

Les tracks de leurs EP font souvent référence aux femmes, sans tomber dans les discours à l’eau de rose,« On veut parler aux meufs, c’est une musique sensible sous une légère couche de virilité feinte un peu déglinguée, c’est classe de parler d’amour, mais on ne veut pas et rentrer dans le mielleux : on ne voudrait pas piquer le taff de George Michael ».

Ce qui surprend dans les premières écoutes de Hit&Run c’est ce côté kitsch ambiant, dans les paroles comme sur l’accompagnement italo-disco. Du tac au tac on me répond « Hit&Run : c’est broes before whores, le marché devrait s’adapter à nous ». Warren continue: « On assume, mais comme on ne parle pas souvent du groupe, c’est comme la signature de l’EP » . Avec Alpha Expresso, EFA s’est fait une carte de visite, Kevin enchaîne « Si tu trouves que ma musique est kitsch , c’est nous : on s’affirme » . Avec le retour du Chic, Nils Rodgers s’affiche sur l’album des Daft Punk : pourquoi ne pas jouer sur ce côté psyché, un peu fondant, mais à leur image : décalé et gonflée d’ironie.

EFA un produit frais et de saison.

Le groupe est un produit francilien, à la manière d’un bon fruit frais dans lequel tu croques, c’est un produit local et de saison. C’est pourquoi ils tournent plutôt l’été comme au Solidays ou Art Rock à Saint-Brieuc. « Les festivals c’est un atmosphère que l’on apprécie, on se sent enfermé dans une salle de concert ». Autant les odeurs de bières et de sueur ne les dérangent pas, mais ils préfèrent les foules un peu plus détendues qui tapent du pied sur de la terre battue.
Le juste milieu a été trouvé lors d’un concert à
Les Grands Voisins futur-ex lieu culturel devenu très vite emblématique du 14e, « ce lieu offre la possibilité d’avoir de l’espace ainsi qu’un rapport intimiste à coup de bisous envoyés depuis la scène ».

 

Sur Instagram, comme dans leurs concerts, c’est une interaction directe avec le public avec des microclips délurés et de poses improvisées .
« 
Les gens peuvent nous suivre au jour le jour et ce sera peut être l’occaz’ pour Emma Watson de enfin nous interpeller sur Insta’ si elle découvre le track de l’EP à son nom ! »

Les derniers glaçons fondent dans mon cocktail, l’entretien se termine et il va être temps de se quitter, à contrecoeur.


Pour le printemps prochain, Warren et Kevin nous expliquent leur projet d’album. Ce sera sûrment des productions plus minimalistes qui iraient plus vers leurs racines électroniques.
« On a plein d’histoires et plein et d’anecdotes à raconter : des galères ou des tranches de vie que l’on trouve importantes de traduire en musique. »

Ce sera aussi l’occasion de remuer les salles parisiennes où les performances sont trop souvent froides et informatisées, EFA est un projet qui leur permet de s’exprimer et de rester dans la musique matérielle.

« Ce sera un Best Of des deux dernières années, on écrit le truc de A à Z : moins porté sur le funky, mais plus énergique dans l’ensemble ». Ils partent dans une maison de campagne dans le 7-7 pour composer « à la fraîche, détendu et décontracté», « on fait une pause pour rentrer en studio et jouer des nouveautés ».


EFA nous laisse l’impression qu’à chaque EP c’est une phase de leurs vies musicale et d’adultes qu’ils transcrivent. Sur Alpha Expresso, il y a une volonté d’évasion, un côté rêveur, nostalgique d’une certaine idée rock de la musique tout en étant futuriste sur le plan créatif et graphique : une certaine nonchalance en somme et la poursuite d’un idéal d’éternels ados qui ne veulent pas vraiment grandir.

Chez Listen Up, on suivra bien attentivement les côtés moins consensuels et seconds degrés des gars d’EFA, nous n’avons pas de dates pour les prochaines sorties ou concerts, mais ce qui est sûr, c’est que eux, ils continueront à jouer et à vouloir faire danser.

Edito musical d’Acapulco :

Warren: https://www.youtube.com/watch?v=2ZBtPf7FOoM
« Si j’ai une moustache aujourd’hui c’est de sa faute, sex-symbol, provocant, grande gueule, et surtout rocknroll. »

Nicolas : https://www.youtube.com/watch?v=cYM3QfpoHAw
« Je suis fan du retour des rappeurs chantants et la scène de Chicago est très lourde ces temps-ci »

Mathias : https://www.youtube.com/watch?v=Up4WjdabA2c
«On est en 1979, j’ai 11 ans et pour mon anniversaire ma mère m’offre ma première platine. On est dans la campagne portugaise, je ne m’y connais pas encore en musique, mais c’est à ce moment-là que je fais la rencontre de Tonio, passionné de musique devenu aveugle en 43 à cause d’un éclat d’obus. Tous les après-midis pendant les vacances Tonio me laisse traîner dans sa boutique et me faisait découvrir les plus grands groupes des années disco. C’est comme ça qu’un beau jour de juillet, alors que tous mes camarades s’amusent aux champs, je mets les mains sur mon premier vinyle d’Electric Light Orchestra. Une musique qui me transporte tout de suite et qui m’accompagnera. Aujourd’hui j’ai 80 ans et je pense avoir vu tout ce qu’il y avait à voir et entendu tout ce qu’il y avait à entendre, mais la seule chose que je retiens c’est cet été passé à écouter ELO et pour cette interview j’ai donc choisi cette chanson. »

Kevin : https://youtu.be/yYY06G4R7zY
« Jouer de la guitare pour une meuf un peu amochée et ouvrir les portes de l’enfer… ça partait pourtant d’une bonne intention. »