Trois ans que Dev Hynes, aka Blood Orange, n’a pas joué en France. Alors que son album Freetown Sound est l’une des surprises de l’année, l’imprévisible performer était à Tokyo pour un véritable tour de force, tout en délicatesse.
Lorsque le concert s’ouvre sur By Ourselves/Augustine, on sait que l’on va vivre un beau moment. Pour cette première date complète de sa courte tournée asiatique, Dev Hynes, chemise blanche bouffante et pantalon noir, nous a montré à quel point il maniait à merveille le show à l’américaine. Déjà bouillant dès son arrivée, poussé par un public japonais très enthousiaste, Blood Orange remplit alors la salle de son énergie feel-good terriblement bien maîtrisée.
Entre deux pas de voguing et d’un tour sur lui-même, il arme sa guitare pour des envolées mélodiques impressionnantes. Les délicieux cuivres qui se promènent tout au long de l’album sont absents du live à notre plus grand regret mais sont rapidement balayés par un backing band (trois musiciens, une choriste) quasi irréprochable. Le groupe enchaîne les titres du dernier album tout en dispersant ici et là des singles plus anciens, comme un Uncle ACE jouissif. Le point d’orgue de cette soirée sera paradoxalement son moment le plus calme, lors d’une reprise piano/voix de Nobody’s Fault But Mine de Nina Simone. Frissons garantis.
Mais quand même, d’où vient cette frustration qui nous frappe de pleine face, en traversant Tokyo pour rentrer chez soi ? Il avait ouvert le concert avec le premier titre de Freetown Sound et le referme avec le dernier, une petite heure après, sans rappel. Un Better Numb seul au piano, qui nous laisse un étrange goût amer. Il faut dire que l’attente était grande : Dev Hynes n’a pas mis les pieds sur le sol français depuis l’édition 2013 du Pitchfork Festival. Privilégiant les Etats-Unis et l’Asie, les concerts donnés en Europe depuis la sortie de l’album se comptent sur les doigts d’une seule main. Pourtant, l’album a été reçu unanimement par la critique française et s’inscrit comme l’une des meilleures sorties de l’année.
En juin dernier, le prestigieux New York Times le surnommait « New York’s Last Bohemian on the City ». A seulement 30 ans, l’Anglais est connu de tous les milieux artistiques de la grosse pomme, que ce soit en qualité de musicien, producteur, danseur, metteur en scène, mentor… Avare en interview, il n’était malheureusement pas plus bavard lors de ce rare concert japonais. Aucun commentaire sur ce dernier album qui dénonce, entre autres, les bavures policières envers la communauté noire. Aucun commentaire sur les résultats de l’élection américaine. Si la configuration du concert japonais ne prête pas aux bavardages, face à un public peu à l’aise avec la langue de Shakespeare, nous sortons donc de ce concert avec une certaine frustration. De quoi décupler notre attente pour le retour de Blood Orange en terres françaises.
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