La rencontre d’un groupe et d’un festival partageant les mêmes ambitions. Pour la clôture de sa deuxième édition, le Beau Festival avait vu juste avec Ulrika Spacek, qui ont quasiment éclipsé les légendes noise-punk Deerhoof.
Qui arrêtera le Beau Festival ? Pour souffler sa deuxième bougie, le festival du nord-est parisien avait prévu grand, à raison. Exit l’Espace B, le Beau Festival joue aujourd’hui dans la cour des grands, au Trabendo, à seulement deux semaines de Villette Sonique. Hasard du calendrier ou pari gagnant pour l’avenir ? Faisant fi des menaces météorologiques, le festival a subtilement mélangé formations prometteuses (En attendant Ana, Le Couleur, Pantin Plage…) et valeurs sûres (Deerhoof, Ulrika Spacek…). Résultat, alors que Villette Sonique a subi une mue importante avec l’alliance de Super! et de la Route du Rock, le Beau Festival pourrait reprendre le flambeau de la découverte dans l’écrin intimiste du Trabendo.
Pour clôturer en beauté cette deuxième édition décisive, Ulrika Spacek avait vu grand. Chaque titre a droit à un montage vidéo synchronisé et retransmis sur scène comme dans le public. Parfois, des plans live des musiciens se devinent en négatif. Une expérience immersive et visuellement immense lorsqu’elle est doublée de stroboscopes orientés vers le public. On pensait avoir fait le tour des vjing live, Ulrika Spacek nous démontrent le contraire.
Et la musique dans tout ça ? Les titres de leurs deux albums, joués en alternance, habillent cette scénographie inspirée. Les anglais, originaires de Reading, sont l’un des meilleurs groupes à guitare des cinq dernières années. Aujourd’hui, ils remettent leur titre en jeu et leur bassiste, Syd Kemp, se lance dans une course effrénée avec les trois guitares du groupe. La basse est quasiment sautillante et profite du tournant Deerhunter pris par Ulrika Spacek avec son deuxième album, « Modern English Decoration », sorti en juin 2017. La voix de Bradford Cox se dessine dans celle du chanteur de Ulrika Spacek, Rhys Edwards, ou inversement. Ce dernier parle par ailleurs au nom du projet, parfois de façon individuelle, parfois collective.
La dernière fois que les cinq anglais avaient foulé le sol parisien, c’était sur la scène du Point Ephémère en novembre dernier pour une scénographie basée sur des ampoules répondant à leurs rythmes cardiaques respectifs. A l’époque, les ambitions étaient trop larges pour le groupe, qui avait du quitter la scène au bout d’une demi-heure pour coup de mou de leur batteur. Aujourd’hui, le concept visuel développé au Trabendo est aussi ambitieux et totalement maitrisé. Chapeau !
Il serait injuste de ne pas mentionner la belle performance des légendes noise-punk Deerhoof. Un set brut, à l’image du plateau, vide. Les quatre américains, représentés par l’iconique Satomi Matsuzaki au chant, déroulent une prestation à la technicité implacable, portant sur leur épaule vingt-quatre ans d’expérience scénique. La guitare est perçante, sans aucun artifice. Greg Saunier, l’un des deux seuls membres historique, est un monstre rythmique. Son jeu de batterie est sec, précis et assourdissant. L’univers de Deerhoof, s’il est résolument punk à la racine, emprunte les rythmes cassés du math-rock pour constamment déjouer les attentes du spectateur.
Le public, bien plus âgé que celui qui dansait devant First Hate quelques minutes auparavant, est conquis d’avance. Deerhoof, la figure de l’alternatif califronien, ne déçoit pas et permet au Beau Festival de crédibiliser un projet qui n’a pas fini de grandir. Jusqu’à devenir le rendez-vous incontournable du printemps parisien ?
Ecrire un commentaire