Pour cette neuvième édition du MaMA, l’équipe du festival a aligné une programmation de haute volée. S’appuyant sur plusieurs valeurs sûres, la rédaction s’est laissée porter le meilleur de Pigalle les 17, 18 et 19 Octobre derniers. Elle a pu apprécier de très belles surprises live, dont nous vous livrons ici l’intensité.
Le premier soir du MaMA festival devait être une mise en jambes tranquille pour gérer le festival dans la durée. Il s’est parfois transformé en partie de jambes en l’air (d’un point de vue strictement chorégraphique) tant les lives bien calibrés des groupes dont nous avons croisé le chemin ont mis le feu aux lieux dans lesquels ils ont joué.
WALTER DEAN
19h30, nous entrons dans le cœur battant du MaMA, La Machine du moulin rouge. A temps pour sentir de profondes nappes de basse nous parvenir au loin. Les jeux de lumière provenant de la scène nous indiquent que Walter Dean a commencé à jouer. Il faut peu de temps pour prendre la mesure du talent de Guillaume Marmin et Jean Baptiste Cognet. Le projet a d’ailleurs déjà fait des émules au Rouxteur festival début Octobre. Nous assistons à un live AV de haute volée, qui présente le meilleur des codes du genre. L’utilisation de moyens pour la scénographie est minimale: trois projecteurs à faisceaux.
Les rais lumineux, augmentés par la musique, prennent appui sur la fumée qui emplit le lieu plongé dans le noir. Puis ils traversent les musiciens à contre-jour, et l’espace avant de nous atteindre. Nous voilà immergés dans un univers hypnotique strié par des figures lumineuses abstraites, auxquelles répondent les longues envolées du violon de Clara Pullone.
D’abord un trait, majestueux. Une longue note basse. Puis plusieurs, qui partent dans toutes les directions, se croisent et chavirent. Elles sont soutenues par le violon et une harmonie mélancolique et sombre. L’ensemble part d’une atmosphère ambient, et se saccade peu à peu vers des textures plus noise. L’ensemble se mue subitement en un orage électronique parfaitement maîtrisé, dont l’explosion finale nous frappe de plein fouet. Le sol n’existe plus.
WALTER DEAN (Guillaume Marmin & Jean-Baptiste Cognet) – Teaser n°1 from Visuaal on Vimeo.
BORN IDIOT
Pas le temps de niaiser, nous cherchons à rejoindre Le Carmen pour se secouer gentiment sur les riffs de Born Idiot. Malheureusement, la salle est comble depuis longtemps. Un gage de qualité pour les rennais qui ancrent peu à peu leur place en haut du paysage indie sauce californienne français.
Session de rattrapage ci-jointe:
CONCRETE KNIVES
Il est encore tôt lorsque les Concrete Knives entament leur set à la Boule Noire. On est pourtant déjà bien entassés dans la fosse. Paraît que c’est complet, tout le monde n’a pas pu rentrer. Bon, cool pour nous alors ! Après 10 ans d’activité, le groupe n’a rien perdu de son énergie et de son enthousiasme. Les guitares sont puissantes, la batterie au taquet, on sent qu’ils prennent un max de plaisir à nous exploser les tympans (remember, if it’s too loud, you’re too old).
La connexion avec le public du MaMA est évidente. Certains doivent les suivre depuis un moment déjà (bonjour papi et mamie au premier rang, vous êtes de la famille ?). Le set est explosif, hypnotique (merci pour la superbe montée sur On the Pavement, masterpiece de leur dernier album). Les refrains sont chantés en duo avec le public. La communion atteint son apogée lorsque la chanteuse descend danser au milieu de la foule, définitivement conquise. Bref, un bon moment de rock comme on les aime !
ZULU ZULU
Retour à La Machine, côté chaufferie. Pour débouler, cette fois, en pleine bamboule orchestrée par les espagnols de Zulu Zulu. Les quatre drôles de zouaves semblent s’être échappés d’un zoo extraterrestre DIY. Ils nous saisissent par une performance très (très) énergique, à l’image notamment de l’excellent Bamboo position.
Le rythme endiablé est soutenu par de grosses nappes de basses qui nous prennent bien au corps. Celles-ci sont relevées par des mélodies claires en provenance de quelque part entre l’Afrique et l’Amérique du Sud, de xylophone ou de guitare électrique entraînantes.
L’arrivée du chanteur (en plus des voix du trio de la formation initiale), déguisé en condor (ou bien en coq, si ce n’est autre chose, on ne saura pas), sous un lâcher de paillettes général ajoute au caractère orgiaque du live. La chaufferie n’est bientôt plus qu’une immense zone de savane métallique. Pour le plus grand plaisir de l’hémisphère droit de notre cerveau, et des deux oreilles qui y sont reliées.
MOULLINEX
Avant de quitter le lieu, nous passons devant le live déjanté de Moullinex. Pas au programme pour nous ce soir, mais la tenue de gourou d’une secte disco agitée avec frénésie par le danseur et chanteur nous fait garder le nom du portugais sur la liste des concerts à voir très prochainement. Et à écouter, son album Hypersex étant sorti le 6 Octobre par Discotexas et !K7.
AZUR
Armé d’un multipad, de pédales, d’un contrôleur, d’une cymbale et de cloches, Azur est venu réveiller le MaMA. Dans une Boule Noire qui se remplit tranquillement, le jeune lillois donne tout ce qu’il a derrière ses potards. Après un lancement dans la retenue, Azur nous balance du gros son, et bien qu’il soit encore tôt dans la soirée cela ne semble pas le refroidir. Côté performance scénique, son live est ultra millimétré et précis, au point qu’il n’a pas le temps de lever les yeux de son set up.
Baguette dans la main droite, il frappe ses pads et ses cymbales tandis que celle de gauche module le son, et tout cela sans fausse note. La musique d’Azur nous fait vite passer d’un tapage de pied un peu frileux à un déhanchement tropical qui fait monter la température. Celles et ceux qui étaient pris ailleurs ce soir, nombreux au vu des espaces libres dans le public clairsemé sont passé(e)s à côté d’une belle énergie. Après le MaMA, ul doute que la cote d’Azur continuera de monter !
LEONIE PERNET
Dans la salle comble du Backstage, Léonie Pernet prend place sur scène avec la musicienne et choriste, Hanaa Ouassim. Elles commencent doucement à la batterie pour faire monter la pression. Léonie Pernet est percussionniste de formation et nous le fait sentir d’entrée de jeu. Après une petite démonstration, elle enchaîne directement avec le tubesque Butterfly pour conquérir le public. On sent Léonie Pernet un peu tendue sur scène. Comme pour évacuer son stress, elle nous glisse une petite salle sur le fait qu’elle pensait jouer dans un pub irlandais. Il n’en fallait pas plus pour que le publicdu MaMA tombe complètement sous son charme scénique.
Alternant entre percussions (batterie, derbouka, tambourin) et synthé, Léonie Pernet et Hanaa Ouassim se complètent aussi bien vocalement qu’aux instruments. Ensemble, elles nous transportent un univers teinté de pop sombre aux influences orientales. Il y a aussi quelque chose d’atmosphérique dans son son. Peut-être des influences de Yuksek, pour qui elle a joué de la batterie. Ou encore de Scratch Massive, avec qui elle a collaboré. Avant son dernier morceau, Léonie Pernet nous adresse un : “Merci pour votre tendresse! Dieu vous bénisse, votre coeur est pur!” avant de laisser nous envelopper l’unique voix de Hanaa Ouassim, qui chante en arabe. En guise de conclusion, Léonie Pernet se laisse emporter dans une transe percussive.
AMMAR 808
Tandis que Léonie continue son concert, une partie de l’équipe de Listen Up retourne dans la chaleur de La Machine. Ammar 808 et deux de ses compères y sont déjà en train de faire onduler la salle, bientôt comble, avec leur rencontre entre low bass machinique et musiques d’Afrique du Nord. La jupe du moulin rouge en est déjà prête à se soulever.
Les trois bêtes de scène mettent le feu à chaque morceau autant qu’entre chacun d’eux. Durant les transitions, Cheb Hassen Tej, donne des voix, son instrument. Il nous harangue avant d’enchaîner sur des improvisations dansées que l’on qualifiera de … surprenantes. On y trouve notamment la danse du gros ventre, pour qui aura vu Le Monde est à toi, de Romain Gavras. Mais elles amorcent à chaque fois avec classe et énergie folle les introductions.
On se prend au jeu de l’imiter et sommes vite happés par la magie de l’ensemble. Magie soutenue par des visuels au psychédélisme bien arrivé au vingt et unième siècle. On se retrouve vite charmés par les flûtes de Ben Cherif Lassed, qui joue du public comme il le ferait avec des serpents. Il passe d’une flûte à l’autre selon les morceaux et notre corps suit ses injonctions sonores. Ces dernières s’accélèrent à la mesure de l’augmentation par Ammar 808, l’homme-machine, de la rapidité et de la puissance des rythmes groovesques qu’il nous délivre.
L’alchimie que mettent en oeuvre les trois comparses nous retient pour allez, un morceau de plus! Puis un dernier pour la route, mais toutes les bonnes choses ont une fin. Les parisiens pourront à nouveau apprécier ce live afro-futuriste enivrant le 14 Décembre au Petit Bain.
ALTIN GÜN
Si nous quittons la machine avant l’heure, c’est pour mieux nous positionner tout devant Altin Gün, backs au Backstage. A raison, puisque la proximité avec le groupe nous fait ressentir d’emblée ce que l’exigüité du plateau condense comme énergie rock contenue dans leur musique.
Malgré cela, les musiciens nous apparaissent peu accoutumés à un tel format de concert. La chanteuse ne peut pas déployer sa volubilité habituelle en se déplaçant d’un bout à l’autre de la scène. Cette dernière ne perd pas pour autant sa pétulance ottomane et déploie sa voix pour nous envoûter, et nous amener pieds et poings liés à déguster chaque morceau comme un délice turc.
Les néerlando-stambouliotes nous plongent avec brio dans le psychédélisme turc des années 70. Avec juste ce qu’il faut de modernité dans le son pour mettre en phase le public et ces sonorités. On retrouve leur travail très maîtrisé avec autant de plaisir que lors de leur prestation mémorable aux Transmusicales 2017.
Le mariage d’une basse bien claquante aux harmonies rondes, de notes psychédéliques d’orgue et de guitares orientales, autant que de percussions saccadées et galopantes, et du chant traditionnel turc est réussi. L’ensemble nous accompagne longtemps après la fin de cette première soirée au MaMA.
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