Putain, 4 ans!
Quatre ans qu’elle n’avait pas été programmée. Quatre longues années à se languir de son absence. La pluie, la vraie, bretonne, glaciale à la Route du Rock 2019, est revenue transformer le Fort Saint Père en terrain miné, pour la plus grande joie des aficionados du look ciré-jaune et bottes de cuir.
D’habitude, quand des trombes d’eau s’abattent sur un festival, le public se barre. A la Route du Rock, il reste. Mieux, pour lui c’est l’occasion d’apprécier les concerts sous un autre angle. Plus chaotique, plus ténébreux. Plus Rock ‘n roll. Et de s’abandonner à la franche camaraderie d’un coin de table partagé avec des centaines d’inconnus sous la même tonnelle servant d’abri de fortune.
Coup de bol pour nous, les premières gouttes se sont mises à tomber à l’instant où on finissait notre interview en plein air de Pottery (à retrouver ici).
DEERHUNTER
Les québécois piaffaient d’impatience à entendre Deerhunter claquer leurs lignes de basse pendant nos questions. On est allés voir ce que ça donnait pour eux.
© Nicolas Joubard
Et pour donner, ça donnait!
La classieuse bande de Bradford Cox a tenu son monde en hypnose tout du long d’un concert d’une rare intensité. Et d’une rare cohérence avec le cadre. Un ‘Desire lines’ aux accents rauques et à la guitare traînante collant parfaitement avec un ciel plus électrique à chaque seconde. La mélancolie flamboyante des natifs d’Atlanta fait frissonner les pierres du vieux Fort, qui réverbèrent la lumineuse noirceur de Deerhunter.
Ca a par contre fini par donner un peu trop, les guitares gueulant un interminable larsen à plein volume. On a suivi nos oreilles parties se mettre à l’abri devant le concert de Pottery.
POTTERY
Etant l’une des plus grosses attentes du festival, avec Crows, par ses programmateurs, les Montréalais de Pottery ont été plus que largement à la hauteur. Les sept morceaux de leur album au sobre titre « No. 1 » nous avaient bien teasé, et c’est non sans une certaine délectation qu’on les voit les dérouler l’un après l’autre avec une énergie du tonnerre. A chaque nouvel enchaînement, on se retourne les uns vers les autres, échangeant force acquiescement et pouces levés. Comprendre « on est en face d’un groupe qui déchire ».
Leur groove énergique de début de set nous fait complètement oublier la pluie qui ruisselle sur nos doc’s. Un rythme éfréné, égréné avec un grain de folie à la Devo, dont l’influence est pregnante, bien assumée et ravageuse. Tant dans l’humour surréaliste des paroles de Pottery que dans la discordance de leurs morceaux et les sonorités de synthés. Sonorités qui explosent complètement dans leur bouillant ‘Techno Time’, que scandent les cinq musiciens à l’unison pendant de longues minutes, et dont on attend la sortie avec impatience.
Enfin, Pottery, c’est rock, à consonance garage, option déchainés. Les spectateurs lâchent tout, survoltés par leur ‘Lady Solinas’ de haute volée, à ces maudits bêtes de scène. La révélation de ce troisième soir au Fort Saint Père, c’est définitivement eux!
THE GROWLERS
Chauds pour danser jusqu’au bout de la nuit, la même gigue endiablée que devant les canadiens, on se cale devant The Growlers avec l’espoir qu’ils seront autant à fond que leurs voisins du Nord.
Las. Un grand poète s’était écrié lors d’une précédente édition du festival « C’est la route du Rock ici, pas la route où on se fait chier! » On n’est pas loin de faire notre sa citation devant une prestation qui peine à décoller.
Pourtant, il y avait quelque chose de séduisant dans la nonchalance empreinte d’arrogance de Brooks Nielsen (chant), le surf rock relâché de leur album ‘Natural Affair’ à venir, le soleil Californien dans leur musique qui fait oublier un instant le temps bien pourri. Même l’énergie de leur ‘Chinese Fontain’ et la magnificience de ‘Someday’, pourtant à la confluence de BJM et The Strokes (y’a pire) n’y font rien. On est plus dans la ‘Monotonia’ devant eux. Ce n’était pas pour cette fois, tant pis. Ils repassent à Paname dans quelques mois; on gage qu’une rencontre avec eux dans la salle plus intimiste du Trabendo fera passer son lot d’émotions.
METRONOMY
Eux maîtrisent les (très) grandes scènes et nous relancent dans une énergie dansante, grandiose. Metronomy ont réalisé un show brillant, comme leur plancher led dont les jeux de lumière se mêlent avec justesse aux combinaisons des musiciens. Une scénographie qui sublime leur musique en rehaussant tout ce qui s’en dégage d’électrique et de définitivement accrocheur.
Après les avoir croisé aux loges des artistes en train de faire un ping pong avec des fans à eux avant notre interview de Pottery, quelle joie de les retrouver sur scène avec la même détermination qu’avec une raquette entre les mains. Avec une introduction instrumentale toute en douceur, Metronomy rentre rapidement dans le cœur du sujet avec ‘Heatbreaker’, premier tube des comparses signés chez Because Music. Ils ne s’arrêtent pas en si bon chemin puisque arrive une pluie de morceaux de « référence » dans la discographie du groupe avec ‘The Bay’, ‘Everything Goes My Way’ ou encore ‘Reservoir’. Le public conquis chante à tue tête tous ces tubes qui auront rythmé sa vie durant les 10 années de carrière du groupe!
La pluie revient à nouveau, mais avec elle, un nouveau titre en exclusivité pour le public malouin ravi : ‘Wedding Bells’. S’enchaîne alors les titres du nouvel album « Metronomy Forever » qui sortira le 13 septembre. Comme toujours, Metronomy aura su captiver un public venu nombreux les écouter. Pour les plus férus de rock et pour rendre hommage au festival, le groupe aura terminé son concert avec son titre où les riffs de guitare et l’énergie ne manquent pas : ‘You Could Easily Have Me’ .
DAVID AUGUST
© Nicolas Joubard
La pluie s’abat de plus en plus fort sur le Fort Saint Père, mais pas autant que les premiers kicks du D’angelo de David August. Accompagné par trois immenses écrans, il rend dingue les festivaliers avec une techno planante bien calée sur des visuels d’océan à l’envers en noir et blanc. Vu les hectolitres d’eau qu’on se mange, on est dans le thème.
Programmé à une heure où l’ambiance est plutôt calme dans les clubs allemands où il a l’habitude de jouer, il n’envoie pas toute la sauce d’emblée, et l’énergie retombe un peu en début de set. A la surprise des festivaliers surchauffés, mais qui n’en seront que plus heureux quand David va déverser ses trombes techno de Goliath sur une dernière demi heure d’anthologie. ‘The life of Merisi’ en Peak Time. L’esprit Rock est aussi présent dans l’electro et la techno, et à ce moment, ça prend tout son sens.
OKTOBER LIEBER
Une heure du matin. C’est maintenant un déluge qui s’abat sur le Fort Saint Père. Il va falloir une arche aussi solide que le Fort Saint Père pour abriter les différentes espèces d’animaux qui ont survécu à trois ou quatre jours de Route du Rock et rempilent pour une interminable dernière nuit!
Qu’importe, on va voir le groupe qu’on attendait le plus pour cette RDR 2019, Oktober Lieber. Les programmateurs avaient sans hésité mis une pièce sur le fait que leur passage serait un des plus forts moments du festival. Bah ouais, clairement, ouais. De bout en bout, et avec la pluie, encore mieux. La météo de fin du monde va sublimer leur live très sombre et orageux. Les stroboscopes de fond de scène lâchent des éclairs sous la pluie battante, transformant le live des deux desdémones en moment d’Apocalypse.
Peu réchapperont au déchaînement des morceaux issus de leur masterpiece d’album ‘The Attaker’. Et surtout aux tourbillons sans fin de ‘Her Morphology’.
On renoue avec un retour au camping consistant à éviter les ornières gorgées d’eau. Enfin une vraie route du Rock bien humide!
Les prochaines évolutions du festival devraient se dérouler plus au sec. Puisqu’avant celle de l’Eté prochain, et de l’Hiver en intérieur, l’équipe de la Route du Rock travaille à des développements à Rennes et Nantes.
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