Quand Black Marble, le maître actuel de la coldwave ensoleillée faire son ‘Private Show’ au Petit Bain fin Janvier, les adeptes de Post punk sensible que nous sommes sont attirés par le concert comme des lucioles par un gros néon U.V. un soir d’été. En diggant du côté de l’artiste qui assure sa première partie, on découvre une bonne claque visuelle et sonore: Brady Keehn s’est échappé quelque temps de Sextile pour pousser à fond un carburateur cyberpunk sur les routes du futur. Il lâche les rugissements de sa Panther Modern emplir les rues d’un Los Angeles de Science-fiction, ambiance Métal hurlant, costumes en cuir qui émergent de la noirceur dans des explosions de néons rouge et bleu.

Le cocktail est détonnant sur scène, où il réussit presque à éclipser Black Marble par la puissance magnétique de son EBM à la fois ultra dansante et donnant un curieux sentiment de danger à venir. Cette espèce de David Bowie du futur n’est pas seulement une bête sur scène, mais aussi un artiste avant-gardiste, qui n’hésite pas à hybrider son art avec des technologies en développement, sur lesquelles il cherche à transmettre un regard résolument optimiste et créatif.

Rencontre avec un Brady fraîchement débarqué de L.A., chauffé à blanc avant son concert.

Panther Modern

D’où vient le nom Panther Modern?

Il vient d’un livre de cyberpunk écrit en 1988, ‘The Neuromancer’, par William Gibson. Dans ce livre il y a un groupe d’adolescents qui sont totalement dingues de cybernétique. Ils sont des cyborgs d’une certaine manière: ils ont des super implants, des corps augmentés, se déplacent à l’aide d’ordinateurs… Ce sont des mercenaires employés pour déclencher des émeutes. Ils ont des vêtements qu’ils peuvent changer de couleurs à volonté. Je me suis toujours dit que si je devais rejoindre un gang… That would be the gang! Donc je me suis dit que j’allais créer mon propre gang, à cette image.

C’est le gang duquel tu fais partie dans la vidéo ‘Ask Yourself’?

Oui, maintenant j’essaie de l’amener dans la réalité. Enfin à la fois dans le virtuel et dans la réalité. C’est une de mes principales inspirations. Le futurisme en est une énorme. Comme direction vers laquelle je veux pousser.

Quel est ton regard sur l’évolution de l’humanité dans le futur?

Ça va être complètement dingue! Je pense que ça va devenir bien plus un genre de ‘Fantasy Land’, un ‘Dream World’ que la manière qu’on a de le voir maintenant. On aura tous des Neurolink d’Elon Musk, des ordinateurs reliés au cerveau. On aura Crispr, une technologie d’édition des gènes. Ça change ton ADN, et au bout d’une dizaine d’années, tu peux changer ta couleur d’yeux, ou ta couleur de peau. Plus de maladies génétiques, plus d’alzheimers, etc… Ça va être dingue! On aura des Crispr babes, des bébés génétiquement codés. Des humains fabriqués génétiquement.

En tant qu’artiste, tu te vois faire partie de ça?

Ouais carrément! Je pourrais aider dans le champ des voyages spatiaux. En tant qu’artiste, des fois c’est difficile de voir l’Art et le futur coïncider. Particulièrement quand les machines deviennent meilleures pour faire de l’Art que les humains eux-même.

Tu utilises les machines pour faire évoluer ton Art? Et différentes techniques comme la réalité augmentée. D’où ça vient? Tu pourrais jouer de ça en live?

Je pourrais complètement utiliser la réalité augmentée en live, c’est une bonne idée, ce serait incroyable! Pour le concert de ce soir, j’ai un t shirt avec un motif dessus. Tu vas sur Instagram, sur mon compte, puis tu vas dans les filtres, tu vas pour capturer une image, et l’image va complètement changer!

(Illustration ci-dessous:)

View this post on Instagram

Sneak up on ur buds

A post shared by PANTHER MODERN (@panthermodern.la) on

Tu parles du ‘Neuromancer’, d’un futur machinique, d’humains modifiés. C’est ça l’Univers de ‘Los Angeles 2020’, ton premier EP?

Oui, absolument. J’ai voulu l’appeler ‘Los Angeles 2020’, en 2019, c’est que quand je le disais tout haut, ça me semblait être le futur lointain. What the fuck!? Mais on est dans le futur! It’s. Right. Now! Let’s make it happen, let’s push! Plus jamais de cette arnaque du passé! Je peux pas croire que je sois toujours à passer sur les radios des Etats-Unis. C’est un truc qui est vieux de 70 ans!

Pour en revenir à l’univers de l’EP, c’était pour parler du futur qui agit aujourd’hui. Les choses sont vraiment en train de changer. Peu de gens sont au courant d’à quel point les choses changent vite. Et c’est là tout mon point. C’est d’essayer d’apporter de la conscience sur à quel point les choses changent vite.

Particulièrement dans les arts visuels. Dans lesquels ça devient de plus en plus dur de déterminer ce qui est réel et ce qui ne l’est plus. Avec la réalité virtuelle, la 3D… Même dans les vidéos, les films tels qu’ils sont faits aujourd’hui, je peux de moins en moins dire ce qui est réel et ce qui ne l’est pas.

Le fait de baigner dans un contexte californien où se trouvent de nombreuses entreprises qui travaillent sur des technologies de pointe dans ces domaines nourrit ton art et ta vision des choses?

Quand tu vis à L.A et que tu vois depuis ton jardin les fusées d’Elon Musk partir pour l’espace tous les deux mois, tu sens que tu vis dans le futur. A la première fusée qui a décollé, les gens pensaient que c’étaient des aliens! Tout L.A. était mort de trouille!

C’est aussi à L.A. qu’on a les tests faits par Uber pour les voitures sans pilote. D’ici 3 ou 4 ans, il est possible qu’il n’y ait plus de conducteurs! C’est tellement proche! En fait tu sens qu’ils sont en train de tester le futur, juste là à côté.

Forcément, tout ça m’inspire. Il y a aussi d’autres artistes qui vont dans cette voie. Comme Holly Herndon, qui utilise l’I.A. pour faire des morceaux. Elle a fait enregistrer des tas de sons à une I.A. Et au bout de 3 ans, elle a réussi à lui faire faire de la musique par elle-même!

Peut être qu’on est la dernière vague d’humains à faire des groupes seulement entre humains. Qu’ensuite d’autres groupes viendront entre humains et I.A.’s.

Toi même, tu utilises des I.A.?

Bien sûr! Pourquoi pas? C’est juste un autre outil. Je n’en ai pas peur. C’est un morceau d’humanité finalement. Ça vient de nous, c’est pas un alien. C’est plus humain qu’un poisson, tu vois. On n’a pas peut des poissons!

A quel moment, tu t’es dit que tu allais commencer le projet Panther Modern, particulièrement de cette manière là?

J’en ai eu l’idée il y a environ 3 ans, quand je jouais avec Sextile.

Je voulais faire quelque chose plus par moi même. Plus cyberpunk et futuriste. Quand on a fait un break avec Sextile, j’ai décidé de me lancer. En gros, ça fait un an. Ça va très vite! Et j’adore ça, c’est moi, c’est ce que j’ai toujours voulu faire, c’est moi qui prend mon pied! Et ça l’est aussi d’explorer le monde via ça, de réfléchir à tous ces liens entre la musique et la technologie, notamment. Je suis reconnaissant d’avoir pu faire ces choix.

Tu as des idées pour faire évoluer tes lives?

Une des directions serait de faire des concerts en réalité virtuelle. Je sens que ça va être un des moyens, particulièrement aux Etats-Unis, où c’est de plus en plus dur de tourner, d’atteindre son audience. Comment tu leur transmet à distance la vibe de l’interaction? Ça peut se faire par la réalité virtuelle.

Il y a beaucoup de choses que j’aimerais essayer, comme la réalité augmentée, ou encore les hologrammes. Des hologrammes projetés, avec lesquels je peux faire des animations, à partir de modèles 3D et les avoir la sur scène. Ça va se faire bientôt! L’entreprise qui s’occupe du logiciel de rendu que j’utilise est en train de travailler dessus.

C’est la première fois que tu joues en Europe?

En tant que Panther Modern, oui. Avec SextileGosh! A Paris, une fois à La Station, et une autre fois au Supersonic. Et on a fait une tournée de 39 shows en 40 jours pour la première fois en Europe. La deuxième fois c’était seulement deux semaines. Mais la France, c’est mon endroit préféré pour jouer. Je te dis pas ça parce qu’on est en train de faire l’interview dans ce pays. Mais ici les gens ont le truc. Peu importe que la salle soit grande ou petite, tout le monde est à fond!

Alors que quand tu joues aux Pays Bas par exemple, tout le monde reste à 15 mètres de la scène! Tu leur dis de venir, et ils font 3 pas en avant. Tu le leur dis à nouveau, et c’est 3 nouveaux pas… Alors qu’ici les gens se foutent à moitié à poil, te poussent dans tous les sens, même sur scène.

Ça devrait te parler ce soir alors! Tu fais la première partie de Black Marble ce soir et pour sa tournée en Europe. Tu le connaissais déjà d’avant?

Oui, je connais Chris depuis 8 ans environ. Je l’ai connu quand il a commencé Black Marble.

Je jouais dans un groupe à New York, qui a eu plusieurs noms, dont un genre « Dark Room », en référence à un morceau de Depeche Mode. En gros un truc où je construisais globalement ce que j’ai apporté dans Sextile: ces idées autour des boites à rythme synchronisées, des sons de synthé… Pour en revenir à Chris, on jouait tous les deux de la basse. J’ai fait du tour managing pour lui à San Francisco. We’re chill.

Tu as bossé avec Maurizio Baggio sur l’EP ‘Los Angeles 2020’. Il a travaillé avec d’autres groupes comme Boy Harsher ou The Soft Moon. Tu sens une continuité entre Panther Modern et ces groupes?

Oui absolument! Je les connais bien d’ailleurs. Luis (Vasquez, de The Soft Moon) est cool, il a fait jouer Sextile avec lui sur leur première tournée. Et je connais Gus et Jay de Boy Harsher depuis pratiquement 13 ans. On était dans la même école d’art.

Je sens une continuité avec eux. J’apprécie énormément leurs styles, leurs musiques et leurs concerts. Je trouve qu’ils sont très professionnels dans tout ce qu’ils font. Ils savent comment aboutir les choses, et travaillent dur pour cela.

Il y a d’autres groupes de L.A. que tu voudrais faire découvrir en France?

Il y a S Product, le projet solo de Melissa avec qui je faisais Sextile.

Flat Worms aussi, je crois qu’ils ont joué au Petit Bain d’ailleurs.

Automatic évidemment, qui ont déjà joué par ici.

Voilà, il y en aurait plein d’autres à découvrir, mais je sors moins ces derniers temps, donc j’ai moins de noms que je pourrais te donner. Je sors moins principalement pour me concentrer sur Panther Modern. Je le développe à fond parce que je serais partant pour bosser pour d’autres personnes, mais en attendant je sens que j’ai besoin de fondations bien solides.

 

Ok, merci mec!