Ce mercredi 13 avril, la Gaîté Lyrique nous accueille pour un concert qui s’annonce spécial: la norvégienne Jenny Hval débarque avec son groupe pour nous présenter son nouvel album, Classic Objects, sorti le 11 mars dernier chez 4AD.
Pouvoir assister à un concert de Jenny Hval est une chance en soi, tant l’artiste expérimente et prend de nouvelles directions à chaque tournant depuis maintenant le milieu des années 2000. Récemment encore, elle sortait un disque avec son nouveau duo Lost Girls, qui a été accueilli très chaleureusement. Mais c’est bien sous son propre nom qu’elle vient présenter Classic Objects, son premier disque pour le label 4AD après une longue collaboration avec Sacred Bones. Dans la magnifique salle de la Gaîté Lyrique, nous ne pouvions qu’être excités à l’idée de pouvoir assister à cela dans de si bonnes conditions. En arrivant vers 20h, beaucoup de gens se pressent déjà dans la grande salle pour assister à la première partie dans l’ambiance déjà un peu surréel que peut offrir la Gaîté Lyrique avec ses grands espaces blancs, ses projections de diverses couleurs et ses grands écrans au nom et image de l’artiste.
Nous nous décidons donc à rentrer et arrivons tout juste pour le début de la première partie assurée par Clarissa Connelly, qui assure la première partie de Jenny Hval sur toute sa tournée européenne. Elle arrive seule sur scène et alternera des chansons issues de son album The Voyager sorti en 2020. Commençant par son clavier/synthé, elle joue deux chansons avant de marcher sur un câble et d’arrêter brutalement une chanson. En riant, elle se justifiant en disant qu’elle est « trop excitée » de jouer, avant de reprendre le reste du set.
Ses chansons sont assez minimalistes, peut-être que le format seule en scène oblige, mais on y détecte tout de même une atmosphère maitrisée et singulière, qui parfois évoque des musiques un peu new age, voire le black metal quand elle prend une voix gutturale et grave sur certains passages. On rentre progressivement dans son univers influencé par l’histoire ancienne du Danemark d’où elle vient. Après un court set, elle laisse la place au groupe que chacun.e est venu voir ce soir.
Vers 21h, Jenny Hval arrive sur scène avec les 5 membres de son groupe, à savoir un batteur, un guitariste, un bassiste, un pianiste et une claviériste/percussionniste/choriste. Avant même de commencer à jouer, Hval s’amuse à faire quelques blagues pour nous demander de « baisser nos attentes ». Elle ne pouvait pas être plus loin de la réalité, tant dès la première chanson nous avons été conquis par ce que proposait le groupe. Le son est clair, précis, et les chansons semblent se construire avec une facilité déconcertante. On sent que le groupe est sûr de ce qu’il fait, bien qu’attentif au son produit par chacun.e. Les compositions de l’album prennent une dimension encore plus céleste que la version studio, véritable thématique tant de la musique, que de l’artwork du disque mais aussi du show visuel.
Il faut en effet parler des images vidéos projetées sur l’écran géant derrière le groupe pendant leur set. Hval évoquera cependant le fait que « d’habitude, ce n’est pas sur un écran aussi grand », mais on ne va pas s’en offusquer, tant ce contenu visuel apporte quelque chose de très fort à la musique du groupe. On passe dans ces vidéos à des fabrications abstraites qui changent de formes, fusionnent, apparaissent et disparaissent, mais aussi à une vidéo tournée grâce à une caméra posée sur la tête du chien de Hval se baladant dans la nature qui fera sourire au début, puis admirer la beauté des images et l’aspect jouissif de pouvoir le suivre comme ça dans ses explorations.
Le clou du spectacle visuellement arrive cependant à la fin du concert, avec une succession rapides d’images pleines de couleurs qui aboutissent à une représentation de la lune vraiment saisissante au dessus de la scène et de la musique du groupe. La fin du concert est également marquée par un moment plus méditatif où s’inscrit sur l’écran géant « Close your eyes. Listen. There is nothing left to see » pour un moment ambiant. Sans être révolutionnaire sur la forme, ce moment plus introspectif et mélancolique apporte vraiment quelque chose à l’intensité émotionnelle du concert.
Sauf erreur de notre part, le groupe joue exclusivement les chansons du dernier album, et n’en a oublié aucune, donnant au set une vrai sensation de cohérence et de continuité. La voix de Hval perce les sublimes instrumentales, entre rock indé, jazz, percussions plus sud-américaines, et ambiant, et s’envole parfois très haut. Lorsque la chanson demande qu’elle fasse des harmonies avec le reste de son groupe, notamment sa claviériste, nous sommes encore plus bouleversés par ce que nous entendons. Le public est conquis, les applaudissement et cris semblant sincères et puissants. Il règne sur la Gaîté Lyrique une impression d’être complètement emporté dans le monde de Hval, dans un tourbillon mêlant le réel et l’abstrait, les expériences personnels et la sensation d’accéder à quelque chose de plus grand. L’humilité et la simplicité de Hval en sont presque sidérantes.
Hval finit par présenter chaque membre du groupe en faisant remarquer que deux ont une chemise rouge – dont elle – et sont donc la team « sang », deux bleus, et deux jaunes. Cela peut sembler anecdotique mais participe de l’impression générale d’une vrai cohérence et réflexion sur le live présenté ce soir. Le groupe semble vraiment s’être donné les moyens de s’amuser avec ces chansons, tout en ayant un vrai investissement dans l’esthétique et la façon dont le concert sera perçu par les auditeur.ices.
A la fin de la dernière chanson, le groupe disparaît pour finalement apparaître pour un rappel que tout le monde espère. Malheureusement, Hval annonce qu’ils n’ont plus de chansons à jouer, car la dernière jouée était en fait leur rappel. Petite tristesse de ne pas en entendre plus, mais qui confirme que le projet live est bien entièrement dévoué à la promotion de l’album, d’ailleurs presque le seul vendu à la table de merch malgré la discographie conséquente d’Hval (peut-être une simple histoire de changement de label…). Allez, on retourne chez nous avec le disque en poche, en espérant nous plonger dans la musique et revoir dans notre tête les images du concert.
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