A Paris, l’été ne commence pas le 21 Juin, mais avec les premières notes du festival Villette Sonique, dans et autour du parc éponyme. Cette année, la programmation, assurée depuis 15 ans par Etienne Blanchot qui se tourne vers de nouveaux horizons, a été entièrement proposée par un nouveau combo entre Super! et La Route du Rock.

L’esprit est conservé, celui d’un festival défricheur, capable de faire venir les meilleurs représentants, souvent confirmés, de tendances musicales en pleine montée en puissance. Un suivi minutieux des évolutions de la musique aujourd’hui qui en fait un des festivals inratables, que l’on soit ou non Francilien. Un grand cru annoncé à propos duquel on pourra dire:  » tu te souviens, c’est l’année ou tel et tel groupes sont passés! » On vous présente quelques uns de ces groupes dont le passage marquera les esprits.

La programmation complète de la Villette Sonique est à retrouver ici: https://www.facebook.com/events/2104000526313191/

Fontaines D.C

Les boys (in the better land) de Dublin reviennent en France après l’ouragan qu’ils ont lâché dans le Point Ephémère le 22 Avril dernier. Et avant de redonner son vrai nom à la Route du Rock. Fontaines D.C donne un peu plus à chaque concert la sensation d’être un nouveau phénomène rock. Sensation confirmée par la sortie de leur album Dogrel, le 12 Avril dernier ainsi que par leur signature chez Partisan Records, comme Idles. Sensation qui fait plus largement partie d’une nouvelle vague post punk venue d’Irlande, avec notamment leurs amis de The Murder Capital et Just Mustard.

Alors, s’il y a un groupe à ne pas rater pendant la Villette Sonique, c’est bien eux. Parce qu’ils rapportent quelque chose de simple et d’essentiel au rock. Avec beaucoup d’humilité et d’heures de travail. On peut compter sur leur combo batterie saccadée/riffs de guitare ultra percutants/paroles sur des thèmes politiques, sociaux et comportementaux qui dérangent et font mouche, pour faire chavirer le festival. Autant que sur la nonchalance fauvesque et incisive du chanteur, Grian Chatten, soutenue par un talent poétique hors normes.

 

Nova Materia

Le duo Franco-Chilien va encore frapper. Nova, la nouveauté dans le son, tirée de la Materia, la matière, qui compose leurs instruments. Comme de ces tubes métalliques carrés, trafiqués, omniprésents autant sur scène que dans le clip de Follow You All The Way.

Il y a quelque chose de rudimentaire dans le son de Nova Materia. De presque tribal, et pourtant de très nouveau. Qui se mêle à des modulations électroniques assumant autant des parts d’ombre que de lumière portées par le groupe, en restant toujours pleines d’énergie. Energie qui se sera accumulée au fur et à mesure de leurs concerts, comme aux Transmusicales 2018, ou aux Nuits Sonores 2019. Energie qui rayonnera fort, très fort, encore, dans cette édition de la Villette Sonique .

 

Aïsha Devi

Née de parents Suisse et Tibétain, Aïsha Devi fait se rencontrer les deux cultures et en présente le meilleur, à l’aune d’un XXIe siècle bien avancé. En continuité de son projet plus pop sous le patronyme de Kate Wax, sa posture est aujourd’hui plus jusqu’au boutiste.

Le résultat esthétique porte sur des explosions de couleurs, visuelles et sonores, oscillant entre transe psychédélique, tibéto-futurisme, réinvention des codes du spiritualisme et des usages et visions des corps aujourd’hui. Un cocktail qui peut paraître étrange de prime abord, mais qui s’avère diablement efficace en live. Une techno minimale et pointilleuse porte la voix de diva d’Aïsha Devi, devant des visuels projetés époustouflants et jamais vus auparavant. De quoi rester le souffle coupé pendant et après son passage!

 

Apollo Noir

Une des formes émergentes de la techno, c’est le P.4.r.1.5.i.e.n qui la porte.L’esthétique minimalisto-futuriste de sa musique, bien en prise avec des langages issus de l’informatique et des arts A/V est magnifiquement augmentée dans ses clips, notamment P.4.R.1.5 et Post Rejecto.

Son talent hors normes l’a entre autres amené à recevoir le Prix du jury 2018 des Inouïs du Printemps de Bourges et la distinction d’album du mois pour son premier 12 titres A/N sorti chez Tigersushi Records. Il a également à son actif fait featurer Jeanne Added sur son morceau Twist of Men, et co-produit l’album à venir de Buvette (dont l’EP annonciateur Life est disponible à l’écoute ici).

En live, on le retrouve derrière un amas de câbles dont le rangement scientifique laisse échapper des bombes électroniques/IDM qui feront trembler la Grande Halle de la Villette la nuit du 8 au 9 Juin!

 

Danny Brown

Si son importante notoriété déjà acquise amène moins à le ranger dans la catégorie « nouveauté » que les autres artistes de l’article, Danny Brown apporte à la Villette Sonique quelque chose de tout aussi rafraîchissant. Le pur produit de Détroit est peut être le seul mec sur Terre à savoir faire la synthèse dans sa musique entre Joy Division, Alt-J, Cypress Hill et Kendrick Lamar. Et de, au travers de son prog rap, revisiter tous les fondamentaux du genre, pour leur donner d’innombrables voies d’évolution, qui apparaissent alors comme évidentes.

Il n’hésite à aucun moment à être hyper incisif dans ses paroles. Comme par exemple dans Ain’t it funny pour aborder des thèmes difficiles comme le suicide, l’addiction à la drogue et l’alcool et aux réactions de son environnement lorsqu’il rencontre ces problèmes au début de sa carrière. Mais il le fait toujours avec beaucoup de douceur, une voix délurée, un humour noir à s’en tordre les côtes et des dégaines d’enfer.

En gros, Danny Brown, c’est le bon gros cocktail qui fait beaucoup de bien au rap en sublimant ses côtés sombres et en y mettant beaucoup de chaleur. Une générosité sans limites à partager le Vendredi 7 Juin au Périphérique.

 

Kelly Moran

On lui prêterait volontiers des héritages des joueurs d’orgue de barbarie, de musique traditionnelle japonaise, d’Aphex Twin ou de Yann Tiersen. La New Yorkaise Kelly Moran, pianiste virtuose, a développé une voie particulièrement singulière dans la musique. Entre ambient et utilisation particulièrement harmonieuse des possibilités de l’augmentation informatique d’instruments classiques. Son doublage en canon des notes de piano par celles de clavecin constitue la signature la plus marquée des sonorités apaisantes qu’elle fait apprécier. Pratiquement tout dans ce qu’elle joue est baroque, improvisé, et semble être tiré de ce qui l’entoure. Comme des phénomènes naturels et physiques, si l’on se fie aux noms de ses morceaux, comme Water Music, Halogen, Autowave

Son passage au Cabaret Sauvage le Jeudi 6 Juin avec Tim Hecker et Mondkopf promet une immersion dans des univers que rêveries et contemplation révèleront peu à peu. De quoi basculer dans un autre monde. Et ouvrir les imaginaires en même temps que la Villette Sonique.