Après un EP et un album affirmant leur place dans les nuits électroniques underground (Nuit de Noce 2011 et Demain est une autre Nuit 2016), le duo montréalais Essaie Pas revient avec un album plus noir que noir, visionnaire presque.
Si vous deviez choisir un duo pour animer vos “raves” dans la campagne canadienne, vous ne pourriez pas faire autrement que de choisir Essaie Pas, association de deux figures de l’électronique expérimentale montréalaise : le producteur Pierre Guerineau et Marie Davidson (aussi connue pour sa carrière solo).
Travaillant depuis plusieurs années ensemble sur des oeuvres de plus en plus nocturnes, on avait compris que ces deux-là étaient de ceux qui la nuit vous susurrent à l’oreille des choses que vous ne voudriez pas entendre. Et pourtant, vous en redemandiez, avides de vous enfoncer dans les profondeurs abyssales de leur univers froid et entêtant.
Au risque de nous empêcher de dormir correctement cette nuit (et toutes les autres), le duo revient avec un nouvel EP New Path, puisant son inspiration dans le très célèbre Substance mort de Philip K Dick, publié en 1977. Après une incroyable adaptation cinématographique par Richard Linklater, l’oeuvre revit sous les mains habiles des deux musiciens.
Fidèles au décor planté par K. Dick, un monde post-industriel et dystopique, le groupe canadien propose des tracks ponctuées par des passages entiers de ce roman inquiétant déclamés en parlé-chanté. Les six titres qui composent l’album réécrivent l’histoire du personnage principal, Fred, nouvel agent de la brigade du stup, vivant entre paranoïa et schizophrénie.
Revendiquant le choix de thématiques obscures : consommation de drogues dissociatives, perte de contrôle de la technologie, maladie mentale, Essaie Pas accorde son univers esthétique à celui de science-fiction du célèbre auteur. En témoigne notamment le titre Futur Parlé clippé par Christophe Royal King et donnant à voir une société sous vidéo surveillance où l’image humaine devient floue, cryptée.
Mais l’histoire ne fait pas l’album. Et musicalement, le duo nous plonge une nouvelle fois dans son univers fantasmagorique. Une recette qui marche puisqu’expérimentée sur les deux EPs précédents et que l’on avait appréciée. On retrouve donc une musique électronique minimale, aux sonorités post-punk que certains qualifieraient même de minimal wave. Basses entêtante, nappes de synthé, beats angoissants et rythmés ; un mélange de toutes ces choses, mais aussi d’ultrason gênants, de bruitages robotiques évoquant la technologie, de voix grave désincarnée, d’un futur parlé.
Et malgré la mise en garde de Marie Davidson : “dans quelques années il ne restera plus beaucoup de gens dans le futur”, on espère que suffisamment seront là pour écouter cet album et tous les autres à venir. Car New Path est bien la promesse de nouvelles nuits. Essai transformé puisque l’on est conquis.
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