Listen Up était aux Transmusicales et aux Bars en Trans’ à Rennes en ce début Décembre. Les 40e et 25e éditions des festivals seront des très grand crus. A déguster immédiatement sans les stocker dans sa cave. On vous oriente vers les pépites qui ont marqué ces trois journées des Transmusicales 2018. Trois journées riches en découvertes, évidemment, que nous avions préparées ici. Trois journées que nous vous restituons en trois temps, un par jour, et trois interviews, l’une des talentueux Pressyes, l’autre de la révélation de cette année : Praa, et enfin celle du « patron » Jean Louis Brossard.

Que de chemin parcouru depuis Juin 1979 et la première date des rencontres Transmusicales dans la mythique Salle de la Cité à Rennes. Les artistes d’alors s’appellent notamment Marquis de Sade ou Fracture. Le jeune programmateur Jean Louis Brossard enclenche une dynamique qui ne le quittera plus, chaque année.

Le festival va progressivement s’élargir aux courants musicaux qui vont traverser Rennes. Le rock, surtout, Rennes s’imposant comme « ville rock » dans les années 80 et 90. Puis le punk, le hip hop, la techno, l’indie, entre autres nombreuses déclinaisons d’une même houlette fédératrice : le groove. Botte secrète et inégalée de Jean Louis Brossard, qu’il entretient soigneusement chaque année. En parcourant le monde et les festivals a la recherche des découvertes musicales de demain. Les prises de risques sont certaines et les projets musicaux présentés souvent inclassables, mais la recette tient toujours. Nombreux sont les groupes qui continuent à être révélés au grand public, hors des circuits indépendants et alternatifs. Ils suivent leurs illustres aînés dont il serait impossible de faire une liste exhaustive ici.

photo : Richard Dumas

Le microcosme rennais est toujours porteur de cette dynamique, autant dans les groupes présentés que pour l’organisation et le relais presse et médias du festival. Le tremplin a fonctionné pour bon nombre de groupes locaux. De Daho ou Niagara a aujourd’hui Praa ou Atoem, en passant par Her, les Juveniles… Les Transmusicales ont essaimé musicalement, infusant les scènes locale et internationale de découvertes qui ont considérablement soutenu leur dynamisme.

Le festival a beaucoup voyagé. Dans la ville d’abord, passant de la Cité au Liberté avec des incursions à l’Ubu. Ailleurs ensuite, via les Tournées des trans’, en France et à l’international. Le festival prend depuis plusieurs années ses quartiers d’Hiver au Parc des Expositions, dans des anciens hangars d’aviation attenant à l’actuel aéroport.

PRAA

PRAA

L’obscurité complète de L’Etage. Un enregistrement de voix douce et mystérieuse qui y résonne. Puis des notes vaporeuses d’orgue, les premières de Y, ouvrent le concert de Praa. Les musiciens apparaissent à la lumière. Puis c’est au tour de la rennaise Marion Lagassat d’entrer en scène, avant de se dévoiler progressivement face à celui-ci, au diapason de jeux de lumière parfaitement calibrés.

La scénographie de fins rideaux blancs tombants forment un fond de scène soyeux et classieux. L’effet est accentué par des lumières tamisées, entrecoupées de flashes stroboscopiques accentuant les intenses montées de fin des morceaux. Le show est intense, millimétré et parfaitement abouti après des mois de résidence dans différentes salles bretonnes et plusieurs concerts des tournées des Transmusicales 2018 .

Cet aboutissement n’empêche pas Praa de nous embarquer avec un grand naturel dans son univers inclassable. Les premiers morceaux sont emprunts d’une coloration R&B et soul apaisante et mesurée. Une esthétique qui trouve son pendant scénique avec une Praa très à l’aise et impériale, qui laisse aller son corps et ses mains avec une grande expressivité. Les musiciens, à la guitare, la basse, la batterie, et parfois au synthé, complètent cette virevoltante chorégraphie.

La mise en scène, parfaitement orchestrée, nous laisse admiratifs, comme le dévoilement des chœurs au bout du quatrième morceau, ou le surgissement sur scène impossible à saisir d’un saxophoniste pour un solo onctueux et endiablé.

Praa prend de plus en plus sa guitare pour apporter des accents groove assurés au live, et nous faire la suivre dans les ondulations très funkys de ses mouvements. Le show culmine avec un Do it all again portant le groupe aux nues, illuminés de mille phares qui scandent le refrain, entièrement et encore, dans un feu d’artifice final.

 

PRESSYES

PRESSYES

La soirée au Parc des Expositions s’ouvre avec un des principaux coups de cœur de Jean Louis Brossard pour ces Transmusicales 2018. En présentant le groupe, il nous notifie qu’il les a invités sans avoir idée de ce que le groupe peut donner sur scène. En effet, le groupe a à peine dix concerts au compteur au moment du festival.

Parmi les vapeurs d’encens, Marlene Lacherstorfer, Alex Kerbl et René Mühlberger, aka Pressyes, s’installent tranquillement. Portant le voyage et l’évasion dans leurs morceaux, leurs paroles et leurs attitudes, ils commencent par nous transporter dans des paysages d’océan, lumière bleutée à l’appui. « If you run into the ocean, you run into me », répété comme un mantra, accueille les vagues du public qui commence à onduler.

Les jeux de lumière tournent vers des tons plus chaleureux pour annoncer Summertime. Le morceau nous baigne dans l’énergie et la douceur d’un début de soirée d’été. En guise de soleil, la pyramide dichroïque suspendue au-dessus du groupe renvoie les rayons des projecteurs pour irradier scène et parterre. Pressyes enchaîne ensuite sur Children of the sun, morceau plus coloré de rap, qui fait entrer le public dans la danse. René Mühlberger y déploie une belle énergie, cosmopolite et solaire, auquel tout le Hall 3 va répondre en balançant ses bras de gauche à droite, en une seule et même vague psychédélique inéchouable.

La richesse des instruments enregistrés sur bande dans de longues heures de travail en studio est pleinement déployée. Chaque morceau est particulièrement soigné, et surtout leur titre phare, On the run. Le refrain du tube électrique de Pressyes est prolongé sans fin par un public qui communie d’une seule voix avec le groupe leur invitation au voyage.

 

 

VURRO

VURRO

Parenthèse pour présenter une autre grande attente de Jean Louis Brossard. Vurro, le one man band d’un taureau espagnol dont la tête squelettique s’agite en tous sens. C’est la grand-messe du n’importe quoi, et on en reste joyeusement bouche bée.

 

KOMODO

KOMODO

La rencontre entre Gino Bombini, également moitié de Skip and Die, et Tommy Eb, dans des jams durant jusqu’à l’aube, a ébloui le Hall 3.

Le concert commence sur un rythme tranquille, où le groupe déroule une pop bien calibrée, avec le très exotique et psychédélique Bengali Crown en point d’orgue. Que ce soit dans l’esthétique sonore comme visuelle, le groupe prend le temps de magnifier les convergences entre les dynamiques afro et hollandaises bien présentes aux Transmusicales 2018, avec une identité qui leur est propre. Une identité mâtinée d’influences psychédéliques et surf rock 60’s. Mais aussi de quelque chose des Temples, de Skip and Die (évidemment), et des Rita Mitsouko (par moments, à travers la voix de Tommy eb).

Cette heureuse rencontre va déborder d’énergie sur scène dans la seconde moitié du concert. On prend enfin la mesure de la puissance de feu du projet, qui au-dessus, très au-dessus ! Oui, le bon gros groupe de rock qui retourne les Transmusicales 2018 est là ! Komodo nous fait chavirer pendant une demi-heure entre solos de percussions endiablés, tsunami surf rock, et stoner orientalisant.

 

OUAI STEPHANE

OUAIS STEPHANE

Ouai Stephane fait partie de ces rares artistes à avoir réalisé le grand chelem Bars en Trans’Transmusicales. Après avoir démoli le bar Le Chantier pendant l’édition 2017 du premier festival, il revient à Rennes avec son poisson et ses étranges machines pour ne plus rien laisser en place dans le Hall 9.

Il envoie une techno aussi implacable qu’inclassable et pleinement emprunte d’humour. L’esprit de ses clips est superbement transposé sur scène, comme le prouve son finish fédérateur. Ouai Stephane invoque l’esprit de la finale de la Coupe du Monde pour faire tonner un « Tous Ensemble, tous ensemble, hey, hey ! » (chant de supporter) repris en chœur par tout le Hall 9, jusqu’au fond des gradins.

Les Transmusicales, c’est aussi ce genre de moments uniques, qui rendent si spéciales les dates des artistes qui y jouent.

 

DOMBRANCE

DOMBRANCE

Les Transmusicales 2018 , un festival si bien rôdé après 40 éditions que les concerts du Hall 9 se succèdent presque sans transition.

On reste dans la techno décalée avec le nouveau projet de Dombrance. La moitié méchée et moustachue de DBFC n’en est pas à son coup d’essai scénique, mais a accroché l’oreille de Jean Louis Brossard pour être programmé dans le festival de découvertes avec des clips à en faire pâlir d’envie les équipes de campagne des dernières élections.

Seule une « raffarinade » nous donnait un aperçu de ce qui allait nous arriver durant ce live. Cette bonne heure avec Dombrance a dépassé toutes les attentes. La prestation est plus efficace qu’un débat du second tour pour mettre tout le monde d’accord dans un bain groove absolu. C’est d’ailleurs le morceau Raffarin qui est présenté d’entrée de jeu, tour à tour en gangster en marcel, puis en superhéros à col blanc. Lui succèderont notamment un Fillon démoniaque et jouant un double jeu, et un Copé baignant dans un océan de pains aux chocolats.

Des images valent parfois mieux qu’un long discours, et Dombrance a parfaitement soigné les visuels de son live. Les artworks d’Olivier Laude, animés par Ulysse Lefort, et la mise en lumière de Nicolas Galloux de Concept K, augmentent une techno colorée et joyeuse.

Dombrance , président !

 

GLITTER

Nouveau détour par le Hall 4 pour aller admirer la techno venue de l’Atlas (et du Nord de la France) délivrée par Glitter. La pépite parisienne joue avec brio des sensations synthétiques et des samples orientalisants dans des boucles nourries à l’EBM, qui n’ont jamais rien de répétitif et nous projettent sans cesse en tous sens.

Les visuels géométriques abstraits audio réactifs déployés derrière elle et le son répercuté depuis tous les côtés de la Green Room subliment une maîtrise musicale décidément bien aboutie.

 

SARA ZINGER

Le Hall 9 dégage un tel magnétisme ce vendredi soir que nous ressentons rapidement le besoin incoercible d’y retourner. La scénographie époustouflante n’y est peut-être pas pour rien. Une étoile de dix poutres treillis sont mises en lumière de manière à projeter tout le hall dans une sorte de dancefloor industriel hyperspatial.

Dans ce cadre de scène fou, la DJ et productrice actuellement marseillaise Sara Zinger est à l’œuvre avec son titre phare : Laurie. Une rapide recherche post festival sur la toile nous oriente vers un commentaire du morceau : « Du Sexy sushi, un peu de Miss Kittin & The Hacker, et un soupçon de Minitel Rose. » C’est exactement ça, avec une grosse énergie époque Pulp, qui va nous rendre dingues pendant une bonne heure. On retrouve ses influences dans les mouvements de danse robotiques et spatiaux induits par sa musique.

Au terme d’une démonstration rare de maîtrise de l’usage des synthétiseurs et de sa voix modulée par-dessus, Sara Zinger achève de chauffer tout le monde en ancrant les Pink Floyd dans le 21e siècle. Sa reprise d’Another Brick in the Wall (qui résonne étrangement avec l’actualité à ce moment-là), et la reprise a capella et d’une seule voix du refrain par le public restera un des grands moments des Transmusicales 2018 .

ATOEM

ATOEM

C’est dans cette atmosphère folle que se lance Atoem (prononcer atome).

Et c’est justement leur titre Atmosphere qui est joué d’entrée de jeu. Atoem y écrit les lettres de noblesse du moment présent de l’électro analogique. Les gros synthétiseurs tout autour d’eux pulsent des basses qui cognent très fort. Ils sont conjugués à une guitare électrique pour maintenir le festival dans le rock jusqu’au bout de la nuit.

Les rennais répondent à la belle confiance que leur a accordée Jean Louis Brossard en concluant magistralement ce vendredi soir des Transmusicales 2018 dans le hall principal du festival.