Avis aux amateurs de Patti Smith, de Frank Zappa ou des Jefferson Airplane. Michelle Blades vient de sortir un album synthétisant les grands courants psyché des années 60 et 70, tout en restant incroyablement personnel.
Mais qui est donc cette prolifique artiste franco panaméenne, qui du haut de ses 27 ans a déjà signé pas moins de 6 albums, et une poignée d’EPs ? Personnellement, nous l’avions découverte sur scène aux côtés de Fishbach, dont elle assurait la basse sur les 140 dates de sa tournée. Mais pour être tout à fait honnête, ce n’était alors pas musicalement qu’elle nous avait fait la plus forte impression. C’était plutôt lorsqu’elle posait sa guitare et se laissait emporter dans des chorégraphies hypnotiques, que se dégageait d’elle une aura chamanique, témoignant d’une personnalité puissante.
Et pour cause, elle a déjà bien vécu. Née au Panama, ses parents l’entraînent à Miami à l’age de 7 ans, pour fuir la dictature locale. Moins de 10 ans plus tard, c’est elle qui fuit le cocon familial, et s’émancipe avec divers petits boulots, allant du journalisme pour la chaîne Focus on South Florida, à la vente de smoothies. Puis elle s’envole pour l’Arizona, et s’intègre dans les communautés anarco, queer, trans, pourvu qu’elle soient underground. On imagine pudiquement les excès liées à ces expériences, mais on devine qu’ils ont participé à forger le caractère d’une aventurière hors norme.
Ce goût de la découverte l’a portée plusieurs fois outre Atlantique, où elle commence à se produire sur scène, apprenant au passage le français. Elle y rencontre les membres du label Midnight Special Records, et sympathise avec Clea Vincent, dont elle réalisera au passage les clips de Château perdu et retiens mon désir. Car oui, elle fait aussi de la vidéo. En fait, elle ne pose aucune limite à sa créativité, et cela se ressent fortement dans son style. Elle écrit la musique comme elle la vit, enregistre avec peu de prises, emprunte des courants musicaux assez divers, qui se croisent, serpentent, divaguent…
Visitor est un condensé de son éclectisme musical, le plus riche et le plus surprenant de tous ses albums. Le titre Politics, en ouverture, est très rythmé. Le phrasé guitare/batterie/claviers, rappelant d’ailleurs les envolées chevaleresques des premiers albums de Genesis, porte un chant scandé, revendicatif. Mais avant même la fin du morceau, le tempo ralentit, et Michelle recouvre une voix douce, mélodieuse, au timbre parfait. C’est le début du voyage. Le reste suivra sur cette lancée, nous entraînant sans cesse là où on ne s’y attend pas. La sympathique balade folk Kiss me on the mouth, enchaîne sur une montée hypnotique pleine de guitares rouillées dans Ring. Deux mondes diamétralement opposés s’affrontent ensuite dans Dr Psych, à la manière d’un film Disney manichéen. Mais c’est Piri piri qui détient la palme du titre le plus surprenant de l’album, qu’on vous laisse découvrir sans plus en dévoiler.
Son oeuvre se vit comme un voyage, une visite du monde tel que Michelle Blades le reçoit, avec une intensivité et une candeur qui en font le charme.
Ecrire un commentaire