LAAKE, le musicien dont les doigts parcourent les touches de son piano dans des mouvements aussi fluides que ceux de l’eau, sort son premier album, ‘O’, chez Mercury Records. ‘O’ pour « Orchestraa », le pianiste s’étant entouré d’un orchestre, pièce maîtresse de sa symphonie électronique. Une évolution qui fait prendre de l’ampleur aux chorégraphies que sa musique active dans les torrents de nos neurones.
Un titre ‘O’, qui vient également en cohérence avec un vocabulaire aquatique très présent dans ses précédentes productions, tant visuelles que musicales (son second EP Piaano (2018) et son single River (2019) notamment). L’eau déroule cette fois dans chaque recoin de l’album toute la puissance cinématographique de la musique du producteur. Une profusion visuelle également portée par des morceaux dans lesquels se ressentent par le son des alternances incessantes entre ombre et lumière, clair et obscur, présent et passé.
C’est toute la richesse du déploiement de vocabulaires mélodiques que cette chronique propose de mettre en relief. Une chronique des imaginaires, ceux des paysages d’ ‘O’, univers oniriques qui se succèdent et se superposent, ouvrant par quelques mots des portes sur la magie de la musique de LAAKE.
« Run », des torrents qui dévalent les vallées et avalent leurs avals pour remplir d’ ‘O’ l’Orchestraa de LAAKE. Des cours courant toujours plus rapidement, dont le piano mêle les remous et que le reste de l’orchestre projette dans un tumulte harmonieux. Un jaillissement plus démesuré à chaque cataracte, qui se transforme en « Panic », faisant écumer la crue des affluents dans un grand bain de « touche française ». Des geysers qui percent les bulles s’échappant progressivement des puissantes nappes synthétiques émergeant du brouillard.
Les rives du LAAKE sont atteintes en « November », saison du clair-obscur qui anime le relief des falaises de la mélancolie. La pluie descend doucement des cieux d’opale avant de se déverser en grains réguliers, tempêtes grêlantes de violons et d’orgues qui se répondent pour ne laisser in fine sur le paysage qu’une couche glacée.
Débâcle! Les glaces se cassent, amorçant la fin de la saison blanche. « Broken » les morceaux de banquise, dans un grand fracas à cors divins ouverts, tordus et perdus. L’eau perle au bout du marimba, stalactite creusant des rigoles qui sinuent entre les icebergs. Un goutte à goutte qui bientôt devient ruisseau, puis déluge. L’univers recouvert d’ ‘O’ au bout de « 1989 ». Année de la fin d’un monde, et de nouveaux horizons aux bords du LAAKE.
Horizons lointains vers lesquels les hauts fonds se soulèvent et foncent, furioso. Une « fugue » rythmée, danse nocturne ondoyante sous l’attraction magnétique de la pleine lune. Astre dont l’ ‘O’ clair se reflète dans le lac sombre. Disque d’argent naufragé (« Castaway ») sur les récifs frémissants dessinés par l’orchestre, et qui confie l’engagement de son amour au miroir d’eau.
Dans le ballet des étoiles, l’étendue d’ ‘O’ et le satellite Tallisker chantent les jours passés. « Des alizés comme des boussoles » ; leurs paroles partent aux quatre vents, soufflés par « MIND », l’esprit du LAAKE. Ecritures dessinées de l’eau sur le monde, avant la décrue et le repos des bas fonds sous les vieux chênes.
Flots calmes en apparence. Tension dans les profondeurs. Sur « Faather », les cordes des violons font remonter des tourbillons, qui finissent par exploser en sphères immenses d’ondes basses, maelströms qui s’entrechoquent avant une grande détonation finale. Le souffle de celle-ci désintégrant toute réalité tangible ; il n’y a plus de lumière, d’amour. Seulement une vision, celle des premiers éclats de l’aube, étincelant en tous sens dans une « Diffraction » infinie.
Puis, peu à peu, le nouveau jour se lève. L’obscurité vacille et cède sa place. Le méandre des tons clairs parcourent le paysage sonore et gagnent en intensité. Les « Lights » des rayons solaires percent la dernière nuit et viennent scintiller sur le LAAKE. La lueur court, court sur les surfaces de l’ ‘O’, avant de l’embraser.
Et pour vous faire une idée de certains morceaux d’ ‘O’ en live, retrouvez le concert de LAAKE au Théâtre du Châtelet pendant l’Arte Piano Day!
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