Après plusieurs éditions perturbées par le COVID-19, le Printemps de Bourges revenait en 2022 avec son format original et tout ce qu’on aime tant dans ce festival. Report de deux jours de concerts et de retrouvailles.
Quel plaisir de se retrouver enfin à Bourges avec une édition de son fameux festival fidèle à lui même. Nous avons couvert le mercredi et le jeudi du festival, voici un récapitulatif de tous les concerts qui nous ont fait vibrer !
La captivante Fishbach
Quoi de mieux que de commencer cette édition du Printemps de Bourges avec Fishbach, gagnante des Inouïs 2016, que nous n’avions pas vu sur scène depuis un moment. D’autant que depuis la dernière fois, un nouvel album a sorti le bout de son nez: « Avec les Yeux ». Pour ce retour en live, Flora revient sur ses premiers amours, à savoir en formation solo. Toutefois on est bien loin de ses premières prestations. Si Fishbach a toujours été captivante sur scène, nous la sentons ici comme possédée par son personnage (en témoigne certaines photos).
Des chorégraphies maîtrisées, une scénographie maline et percutante avec laquelle Fishbach joue, danse (des lumières faisant penser à un tapis de courses où elle donne l’impression de marcher dessus de manière aérienne), c’est un beau concert.
Si certains.es regrettent le manque de musiciens.nes avec Flora, cette dernière prend totalement possession de la scène et jongle aisément entre les morceaux de ses deux albums avec une prééminence pour son dernier disque (logique).
Les prêtresse Mansfield.TYA
Quel plaisir d’assister enfin à un des concerts des grandes prêtresses de Mansfield.TYA dans la foulée de celui de Fishbach. Voilà plusieurs années que nous souhaitions voir le duo, donc l’occasion était trop bonne pour découvrir l’expérience de leur live. Dès le début, nous ne sommes pas déçus. On arrive rapidement sur ‘Ni morte ni connue’ et malgré l’heure (19h40), l’ambiance est survoltée comme un milieu de soirée.
Ce qui nous marque depuis notre arrivée à la nouvelle Maison de la Culture de Bourges pour le concert précédent, c’est le côté inter-générationnel du public. De 7 ans à 75 ans, les personnes présentes prennent tous le même plaisir d’être devant Mansfield T.YA malgré le coté club du projet qui aurait pu en refroidir certains.es.
Le duo est fidèle à elle même, avec des punchlines entre deux morceaux à l’image de « C’est la fête de l’entre deux tour, c’est la fête à « en crever » ou encore à nous faire croire qu’ils allaient faire une reprise de Sepultura pour aller encore dans toujours plus de musiques radicales.
Côté morceaux, on sera principalement sur l’album « Monument Ordinaire », sorti l’an dernier et ce n’est pas pour nous déplaire. Le point d’orgue du concert sera sur le titre ‘Auf Wiedersehen’, où nous aurons le droit à du rabe où Rebeka Warrior recommence le refrain après la fin du titre et slam sur tout le public.
La diva Joy Crookes
Changement radical d’ambiance, nous nous retrouvons quelques heures plus tard, après un passage éclair aux Inouïs peu convaincants, dans le Théâtre Jacques Coeur. C’est une première pour nous malgré nos six éditions du Printemps de Bourges car les places dédiées aux journalistes sont très peu nombreuses, mais qu’est ce qu’on ne ferait pas pour assister au concert de la fascinante Joy Crookes?
Bien installés assis dans ce magnifique Théâtre comble, Joy se fait quelque peu désirer avec dix minutes de retard (chose rare au Printemps).
Découverte en 2019 avec son EP « Perception », nous avions déjà eu le plaisir d’assister à son concert lors de son passage à Eurosonic en 2020. Nous souhaitions toutefois découvrir son live depuis la sortie de son premier album « Skin » qui est un des plus beau disque de 2021.
Nous avons pu remarquer que le groupe s’est agrandit depuis 2 ans. En effet, le groupe a ajouté un musicien qui est sur les synthés tout au long du concert, en plus de ceux du bassiste et du guitariste, apportant une vraie valeur ajoutée.
Autre nouveauté : la construction du début des morceaux. Sur la plupart des morceaux, Joy Crookes commence à chanter avec seulement le synthé, suivie par la basse, puis le reste, donnant une ambiance feutrée dans ce théâtre.
Dans ses échanges avec le public, elle joue parfois sur les clichés français comme les anglais aiment tant le faire, entrainant des rires. Avant de commencer ‘Don’t Let Me Down’, elle demande au public comment on dit « Heart Break » en Français, arrive alors un quiproquo ou elle comprend « queule lissé », rire dans la salle sans trop vouloir la reprendre car Joy Crookes commence un morceau. Il faudra attendre 2 titres pour que la correction soit faite.
En milieu de concert, elle redemande un nouveau mot en français : « pussy ». Réponse de quelqu’un du public : « bonjour » pour ne pas choquer les enfants, rire collectif.
Si le cadre donne une dimension autre à son concert, cela reste notre seul bémol. En effet, la salle n’était peut être pas la plus adaptée, tant par le format assis qui en a frustré plus d’un, mais également par les vibrations des murs du théâtre dès que la basse sonnait plus fort.
Meule, notre coup de coeur des Inouïs !
Meule était clairement un véritable coup de coeur à l’écoute de tous les Inouïs du Printemps de Bourges et était en toute logique dans notre sélection de cette édition 2022. Il était également le projet que l’on attendait le plus en live de par la configuration de ce trio : deux personnes à la Batterie et un troisième au Synthé modulaire et guitare.
Première surprise pendant l’attente de leur arrivée sur scène : les deux batteurs partagent la même grosse caisse, permettant ainsi de se faire face et d’être très proche de l’un et de l’autre. A peine arrivés sur scène que cela dépote. Le contraste est réel entre l’ambiance feutrée du théâtre Jacques Coeur et la néo Soul de Joy Crookes et le Krautrock psychédélique de Meule dans la salle du 22. C’est quelque chose qui nous plait particulièrement dans des festivals comme le Printemps de Bourges : la radicalité du contraste d’un concert à l’autre.
Celui qui veulent casser les codes du rock à la papa, Meule a su embarquer dès le début du concert l’ensemble de la salle du 22 pleine à craquer. Premier constat : quelle énergie sur scène! Le deuxième : quelle précision. Ce qui est particulièrement scotchant lors de son live est de voir la précision des deux batteurs qui alternent des moments où ils jouent simultanément la même chose à la perfection (le moindre décalage ne pardonnerait pas) et d’autres moments où chacun joue des rythmiques différentes.
Les influences sont nombreuses et ce qui nous plait tant dans ce projet c’est qu’ils ne ressemblent à aucun autre. Avec ce souhait de proposer une musique différente, on comprend la direction sans sentir le souhait de faire du copier coller de leurs idoles. Le choix du synthé modulaire apporte une vraie valeur ajoutée au projet Meule et permet de faire la différence dans la scène rock française où l’originalité n’est clairement au rendez-vous à part quelques exceptions.
Quelle claque! notre plus grand regret sera le format bien trop court des Auditions des Inouïs (30 minutes), mais à charge de revanche, on retournera assister à un de leur concert dès qu’on aura l’occasion!
Hania Rani , une ode à la contemplation
Tout comme le vide, la musique est le début de tout. Le concert d’Hania Rani nous donne ce sentiment à peine le concert commencé. La pianiste arrive sur la scène de la grande salle de la Maison de la Culture de Bourges, en première partie du concert complet de Sofiane Pamart. Elle commence sa prestation au synthé la faisant être dos au public. Cette mise en place est surprenante car ce synthé aurait pu très bien être mis de sorte à ce qu’elle soit face au public. Mais c’est ce genre de détails qui peuvent montrer le fonctionnement des artistes. Peut-être est-ce un moyen pour elle de retarder le moment de sa présentation. Ou Hania préfère peut être mettre davantage sa musique que sa personne. Tout au long de son concert, nous aurons cette sensation de retrait avec le souhait de permettre de décupler la beauté de sa musique.
Avec une introduction progressive et puissante et productions atmosphériques et plantantes sur son synthé, piano et sonorités électronique se confrontent. Le public est calme, il s’interroge. Quand va-t-elle utiliser les 2 autres pianos sur scène? Il faudra attendre 9 minutes de concert pour le découvrir.
Elle se présente, avec humilité et force est de constater au vu de la captivité du public que toutes les personnes présentes dans la salle sont déjà toutes conquises à peine le premier morceau terminé.
Pendant tout le reste du concert, Hani Rani jonglera avec une aisance sans pareil entre ses trois pianos. Désarçonnant. A peine le piano à queue quitté qu’elle est déjà sur le piano du milieu afin d’y ajouter des nappes organiques dans sa musique.
Côté scénographie, c’est minimaliste mais efficace avec des petits projecteurs en cercle clignotant ou diminuant leur intensité selon les morceaux et permettant des transitions apaisées.
Prolifique avec ses nombreux morceaux, albums, BO et autres collaborations en tout genre (Grzegorz Ciechowski, Dobrawa Czocher ou encore Portico Quartet pour ne citer qu’eux) ces dernières années, elle réalise un nouveau morceau qui sonne comme un début des Doors : planant et contemplatif. Sur ce même titre, un virage s’opère avec des sonorités d’orgues qui donnent une certaine gravité à l’univers musical jusque là proposé par Hania Rani sur ce morceau, donnant l’impression d’une épopée qui se terminerait mal.
Hania Rani étire les transitions comme si elle ne voulait que jamais ses morceaux ne se terminent. Elle rigole, crée une complicité avec le public et ses mimiques montrent à quelle point elle prend plaisir à jouer. Le public est ébloui.
Avant son dernier morceau, elle indique timidement qu’elle doit « terminer mais si jamais y a beaucoup d’applaudissement, je pourrais peut être jouer plus. Je vais vous parler d’une personne qui est tombée amoureuse ». Malheureusement, pour éviter le retard du prochain concert, elle ne pourra pas jouer un dernier morceau malgré les applaudissement à tout rompre par toute la salle.
Hania Rani est une virtuose qui mérite d’être connue. Nous ne pouvons que vous recommander de découvrir son univers fabuleux.
Le côté club de Charlotte Adigery et Bolis Pupul
Après un concert fort en émotion avec Hania Rani, place à la danse et le club avec le duo de choc que sont Charlotte Adigery et Bolis Pupul!
S’ils ne sont pas à leur première collaboration (les deux premiers EP de Charlotte Adigery étaient déjà produits par Bolis Pupul), c’est surtout avec « Tropical Dancer », premier album du duo sorti cette année, qui a fait l’unanimité avec un des meilleurs disque de 2022.
Avant de commencer, le concert est annoncé avec des lumières portant le nom du projet et donnant une sensation d’assister à un live d’un.e grand.e pop Star. Nous sommes en tout cas très vite mis dans le bain par le duo avec pour commencer ‘Hey’ suivi de ‘High Light’ qui fait clairement son effet dans la fosse.
La grande force du projet est, outre les productions très efficaces et reconnaissables de Bolis ainsi que la très belle voix de Charlotte, les textes des morceaux. En effet, il y est distillé beaucoup de cynisme et de critiques sur la société avec tous les travers qu’on lui connait, tout en nous faisant danser.
Si la majorité des morceaux joués sont issus du dernier disque, d’autres morceaux comme ‘Paténipat’ de l’EP « Zandoli » sont réalisés sur scène.
En milieu de concert, essoufflée, Charlotte se débarrasse de ses chaussures à talon pour pouvoir danser et continuer de faire le show. Le public en redemande. La raison? Car elle créé très rapidement un lien avec ce dernier, elle fait des blagues, demande à tout le monde d’enlever son manteau car il faut trop chaud dans la salle. Les personnes présentes sont également taquines et le duo joue avec cette complicité. Ils ont l’air très content d’être présents sur scène, en tout cas ça se sent.
Le concert de Charlotte Adigery et Bolis Pupul arrive sur la fin. Nous aurions voulu qu’il dure le double. Pour l’avant dernier morceau, le duo choisira l’un de leur single, ‘Ceci N’est Pas un Cliché’ pour boucler la boucle de ce concert qui aura su nous faire danser et penser jusqu’au bout. Et pour conclure, quoi de mieux que le titre ‘Thank You’?
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