Kalika nous dévoile son premier album «Adieu les monstres» et confirme la place de guerrière Pop qu’elle avait déjà commencé à assumer avec son ancien EP «Latcho Drom» sorti l’année dernière. Les titres «Olala» ou «Chaudasse» avaient alors eu l’effet d’une tornade sur les codes d’une industrie qui peinent à évoluer. Libre, crue, foudroyante, Kalika n’y va pas par quatre chemins pour s’exprimer et ce n’est pas pour nous déplaire.
Le choix de son nom d’artiste tombe ainsi sous le sens: Kalika vient de Sara-la-Kali, sainte vénérée par la communauté des Gitans de Sainte-Marie-de-la-Mer mais aussi de Kali, déesse indienne de la destruction et de la reconstruction.
Un album qui traite de l’adolescence difficile de l’artiste
Dans cet album, il s’agit pour la chanteuse de se libérer de ses monstres du passé et s’emparer ainsi des thèmes de la sexualité, du harcèlement scolaire, du machisme ou des relations toxiques… Des sujets lourds et complexes mais très actuels que Kalika aborde frontalement comme pour balayer d’un revers de la main les reliquats du passé de son adolescence, et détruire par la même nos monstres à tous.
L’album est produit par Balthazar Picard, son guitariste et binôme de toujours. Les deux artistes ont grandi ensemble puisque c’est aussi le premier album qu’il produit de A à Z. Impliqué dans l’avant-garde pop, il est aussi le producteur d’autres artistes talentueux comme Charlie Motto ou Nina Versyp.
Kalika réinvente la Trash Pop
«Adieu les monstres» évolue ainsi dans un univers à la croisée entre la chanson française et l’électro, genre musical qu’elle qualifie elle-même de «Trash Pop» : rythmiques dansantes, mélodies entraînantes, paroles engagées et crues… tout est là pour nous bousculer.
Les sonorités et les paroles de sa musique nous évoquent indéniablement l’artiste Yelle. A l’époque, à la fin des années 2007, lorsque le futur hit «Je veux te voir» sortait, Yelle marquait les esprits avec ses punchlines explicites, et avait permis de libérer la parole sur des sujets alors tabous : sexualité féminine, drague….
Leur collaboration dans le morceau «Les glaçons» sonne alors comme une évidence. Yelle s’est même présentée comme «sa mère» spirituelle tant la ressemblance est frappante. De même que les fans de Yelle sont en grande partie constitués de personnes issues de la communauté queer, «Les glaçons» et d’autres titres de Kalika comme « Chaudasse » ont été beaucoup repris, à l’occasion de shows de Drag Queen notamment.
Un stylisme hors pair
Aussi, comment parler de Kalika sans mentionner son style vestimentaire sans pareil? A l’image de ses paroles et de son énergie sur scène, dans cet album, Kalika colle à son univers trash, et ce jusqu’au bout des ongles: strass dentaires, leggings ou jupes à couleurs flashy, maquillage en couche épaisse, extension blondes et roses, ongles à la Edouard aux mains d’argent version girly…Moitié Bratz, moitié héroïne de manga, Kalika sait marquer les esprits avec un style bien à elle.
Track by track
L’album s’ouvre sur un hommage à sa communauté, le «Kalika Gang», et nous invite à la rejoindre: une communauté où chacun peut être ce que bon lui semble, et où les différences sont sublimées, même ceux «qui ont des chicos de travers».
Pour Kalika, ses fans ont une place toute particulière puisque sa communauté a été au coeur de sa campagne album à travers des jeux de piste ou encore la création d’un skyblog où ont été dévoilées des exclusivités (Tracklist, Couverture de l’album, photos exclusives de Kalika adolescente).
Cet album est riche d’enseignements et s’il sublime Kalika, comme dans son dernier EP, on y découvre aussi sa sensibilité et sa vulnérabilité, de grandes absentes jusqu’alors.
Dans «Pas en sucre», la chanteuse assume «j’suis pas en sucre mais j’suis pas non plus en béton».
Dans «Peur de mourir», Il s’agit pour la chanteuse de dépeindre les moments où elle se questionne sur sa place dans le monde lorsque le moral n’est pas au beau fixe, alors que dans «Drama drama», la chanteuse assume pleinement son tempérament excessif et nous donne à tous.t.es la force d’assumer notre folie et de s’affranchir du regard de l’autre. Assumer ses démons et ses faiblesses nous rend indéniablement plus forts.
Kalika a choisi le story telling pour parler de ses expériences de coeur: une histoire d’amour toxique étouffante entre «Sarah et Stéphane», un règlement de compte au moment de la rupture dans «Le diable», un crime passionnel dans «Primer Amor», ou encore «L’été est mort».
«Tepu dans le noir» traite de la phase de self-empowerment au moment d’une rupture amoureuse. Kalika nous dépeint alors le moment où après la séparation, la femme qu’elle était s’est affranchie de l’emprise de la relation pour aller de l’avant.
Dans «Personne», Kalika collabore avec le rappeur Youv Dee pour parler de leur relation à la célébrité, un «La Fama» (Rosalia et The Weeknd) à la française.
« Superficielle », Kalika s’adresse à elle-même petite pour donner les conseils qu’elle aurait voulu recevoir afin de mieux gérer le harcèlement scolaire qu’elle a apparemment subi: se construire une armure, connaître sa valeur, et bien s’entourer («il n’est jamais trop tard pour changer de potos») pour se construire de manière saine.
Cette track est certainement la plus forte de l’album puisqu’elle s’adresse à la fois à la jeune Kalika, mais aussi à toutes les femmes, jadis jeunes filles en quête de construction, qui cherchaient alors leurs limites (comportementales, vestimentaires).
A la suite, vient le fameux titre avec Yelle «Les glaçons» où les deux artistes chantent en coeur qu’elles ont «sucé tous les glaçons», avec un tas de jeux de mots ingénieux et assez explicites. Il s’agit ici évidemment d’assumer pleinement leur sexualité féminine avec une bonne dose d’humour («je ne sais plus où donner de la langue»). Ce titre a été coproduit par Grand Marnier, le producteur et batteur de Yelle, et Balthazar Picard.
Le clip est réalisé par Kalika elle-même qui confirme son appétence pour une direction artistique visuelle forte: le clip a lieu dans une patinoire et contient des effets spéciaux assez réussis.
Le titre «18 ans» décrit l’émancipation lors du passage à l’âge adulte, l’envol que l’on prend tous à notre majorité, «Je m’en vais/ De ton sein / Oh maman je m’en vais». Kalika nous explique que si cette liberté est au départ salvatrice, elle peut parfois être difficile à assumer sur le long terme car l’on devient responsable de soi-même.
Revient alors l’envie d’être un enfant et d’être choyé par ses parents: «Je veux retrouver toutes mes guirlandes / Mes poupées et puis mes jouets».
« Adieu les monstres » est à l’image de Kalika: tumultueux, détonnant, dérangeant et surtout authentique. Kalika est une grande artiste en devenir et on vous conseille d’aller l’écouter les yeux fermés et d’aller à son concert à La Cigale le 16 Juin.
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