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« Ce qui m’étonnait le plus était l’infini mimétisme de la nature vierge. Ici rien ne répondait à son aspect ; il se créait un monde d’apparences qui cachait la réalité, qui remettait en questions beaucoup de vérités.

Les caïmans à l’affût dans les bas-fonds de la forêt inondée, immobiles, la gueule prête, ressemblaient à des troncs pourris, recouverts d’anatifes ; les lianes avaient l’air de reptiles, les serpents de lianes, quand leurs peaux n’avaient pas de nervures de bois précieux, des ocelles d’ailes de phalène, des écailles d’ananas ou des anneaux de corail ; les plantes aquatiques formaient le tissu serré d’un tapis touffu, cachaient l’eau qui coulait en dessous, prenait l’aspect d’une végétation de terre ferme ;

les écorces tombées prenaient tout à coup une consistance de laurier en saumure ; les champignons étaient des coulées de cuivre, des saupoudrages de soufre près de l’aspect trompeur d’un caméléon un peu trop branche, un peu trop lapis-lazuli, un peu trop plomb strié d’un jaune intense, lequel simulait à présent des éclaboussures de soleil tombées à travers des feuilles qui ne (le) laissaient jamais passer tout entier ».

Extrait de :  Alejo Carpentier, Le partage des eaux, traduit par René Durand.