Le choix de la couleur dorée pour l’affiche était prémonitoire : l’édition 2017 du festival malouin est rentrée directement dans les annales, portée par une forte affluence. Retour sur un week-end riche en émotions !

Après un été 2016 dépeuplé, le mythique Fort de Saint-Père a fait le plein cette année avec 36 000 spectateurs, soit près du double. Et pour cause : si la météo plutôt clémente rentre en compte, la team Route du Rock a déroulé un line up all stars, sans être en reste de futurs grands. Aucune fausse note, donc. Même le fumier, qui faisait couler beaucoup d’encre dans les heures précédant le festival, s’est finalement fait discret.

Le festival est connu pour son flair légendaire et n’a pas failli à sa réputation. Les spectateurs présents le vendredi soir en ont été témoins avec le set incendiaire du quintet punk du moment, Idles. « Nous sommes trop vieux, alcooliques et avec trop de caractère pour intéresser les maisons de disques » confie le chanteur Joe Talbot à Ouest-France une fois descendu de scène. Pas si sûr… Avec un album sans temps mort et une réception souvent hystérique à chaque concert, on pourrait retrouver les anglais tout en haut de l’affiche à Saint-Malo sous peu. Finissant leur messe punk sur un double slam superposé (exécuté par des professionnels, à ne pas reproduire chez vous), ldles ont interprété leur premier album au nom contractuel (Brutalism) avec la même puissance qu’en studio. Le leader, entre deux balancements de tête à la façon d’un pendule, remercie ses désormais fidèles, en français dans le texte, et déclame par deux fois son amour pour le groupe qui leur succède, Thee Oh Sees. Mais l’élève pourrait prochainement dépasser le maître…

Dans un tout autre registre et alors qu’il a donné un set plus burlesque que pertinent à Rock en Seine, Mac DeMarco a montré en tête d’affiche dans le Fort de Saint-Père toute l’étendue de son génie musical. Après son toujours aussi plaisant Ode to Viceroy, il s’est fendu d’une reprise simplifiée et hilarante du tube de début de siècle A Thousand Miles de Vanessa Carlton. Si ce n’était pas déjà fait, Mac a définitivement fait son chemin jusqu’à nos cœurs ! Alternant entre tubes efficaces et envolées lyriques suspendues, le canadien a clôturé son heure de set avec deux de ses plus beaux titres. A notre gauche, Moonlight on the River, rallongée de 10 minutes, la tête dans les étoiles. A notre droite, Chamber of Reflection, balade contemplative et nostalgique.

En offrant un final idyllique pour ses fans, Mac DeMarco donne également une occasion de contredire ses détracteurs et ceux qui le cataloguent à vie chez les « clowns pour lecteurs prépubères de Konbini ». Une réputation qui le suit depuis le début, et qu’il alimente à notre plus grand regret avec une communication bien rodée. Cette édition de la Route du Rock aura été l’occasion de nous le démontrer, pour preuve la folle rumeur qui courrait dans l’espace VIP quelques heures avec son set. Arrivé comme Monsieur tout-le-monde en navette l’après-midi, DeMarco a réussi à affoler son public, toujours gourmand de ce genre de banalités devenant extraordinaires lorsqu’elles proviennent du quasi trentenaire canadien.

Soulwax

Soulwax – © Mickaël Burlot

La claque du festival ? Très certainement Soulwax, pour une grande partie du public (à revoir ici sur Arte Concert). Leur retour cette année, avec un album des plus incisifs, s’est accompagné d’une tournée ravageuse, conquérant toujours plus de fidèles sur les routes d’Europe. Une simple performance technique ? Non ! Un retour de derrière les fagots alors que leur projet parallèle, 2 Many DJ’s, s’essouflait ? Non ! Une formule bien huilée, qui se repose sur ses acquis ? Non, non et non ! Le duo belge, groupe à la scène, sort les gros bras avec un set aussi complexe que passionnant, arrosé d’un lightshow blanc/rouge calé au millimètre près sur le jeu divin des trois batteurs. Soulwax déroule le grand jeu et livre un manifeste du live électronique en 2017. Echec et mat !

Petit tour sur la plage de Bon Secours, confiée cette année à la team Arte Concert. Chaque début d’après-midi, Prieur de la Marne ouvre le bal, perché sur sa chaise de maitre-nageur, avec des dj sets éclectiques, agréables mais parfois décousus. L’un des highlights de ces trois après-midi plages a été le set de Petit Fantôme. S’offrant une tournée teasing d’un album qui sort le 06 octobre prochain chez Because, Pierre Loustaunau, bien entouré, étonne tant les arrangements pop respirent l’expérience d’un groupe en fin de carrière. Que nenni, cette impression trompeuse démontre la maturité d’un projet qui s’est cherché pendant quelques albums. Aujourd’hui, Petit Fantôme n’est plus le « projet solo d’un ex-Atlas Mountains ». Ses mélodies attachantes s’envolent dans le ciel malouin et chassent les nuages. Sur la plage, les pieds des festivaliers rebondissent sur le sable.

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Plage Arte Concert – © Maxime Glorieux

Attendu au tournant tant il est rare, le trio Future Islands n’a pas déçu. Que de chemin parcouru depuis la dernière tournée, il y a deux ans !, Leur nouvel album, The Far Field, nivèle le live par le haut pour mieux toucher les étoiles bretonnes. Samuel T. Herring, leader toujours aussi charismatique, harangue une foule qui se prend au jeu. Le statut de tête d’affiche de la journée est amplement mérité, un statut loin d’être revendiqué par le chanteur, qui s’en amuse en racontant être arrivé pour la toute première fois en jet privé. Dans le public, la communion est totale et le set paraît trop court. L’un des meilleurs concerts de l’été… en attendant les dates françaises de novembre !

Future Island

Future Island – ©Mickaël Burlot

Le festival s’est refermé sur un set dantesque de Ty Segall, plus en forme que jamais. Ayant adopté la couleur rouge pour cette nouvelle tournée, l’idole des (plus si) jeunes ne peut éviter le parallèle White Stripes. Loin de la pâle copie du feu duo rouge-noir-blanc, Ty Segall a donné pour ce set de clôture un véritable cours de guitar hero à tous les festivaliers, y compris au leader du groupe Yak, Oliver Henry Burslem, qui a pu apprécier depuis le bord de scène la performance de l’ange blond du rock californien.

A l’aube des 30 bougies, comme tout bon trentenaire, le festival devra se poser la question de son identité. Quand le voisinage fait bouger la presse et que la densité de festivaliers devient importante, doit-il quitter son Fort historique et déménager vers de nouveaux horizons ? Ce sera l’enjeu des futures éditions, avec de surcroît le rachat de la mastodonte Rock en Seine par Matthieu Pigasse. En effet, la Route du Rock doit-elle revenir à ses fondements ? La qualité de sa programmation pourrait être davantage savoureuse si son environnement était plus accueillant : ainsi, nous avons regretté le maigre choix de boissons (chez les bières, choix rarement gagnant entre la Kronenbourg et la Skoll), la gestion des flux aux bars et la traditionnelle attente toujours plus longue aux navettes.

Pour finir, mention spéciale au festival et ses partenaires pour la couverture médiatique du week-end : photos avec les carnets de route, streaming des concerts avec Arte Concert, sessions live dans les coins les plus atypiques du festival avec Sourdoreille et pastilles vidéo journalières de l’association Iceberg. Un éventail 360° des multiples facettes du festival le plus cool de France !

Route du Rock

©Mickaël Burlot

par Maxime Glorieux et Maxime Guthfreund