Trois ans après le très réussi Ici le jour (a tout enseveli), Feu ! Chatterton nous offre l’un des plus beaux présents de l’année musicale : L’Oiseleur. Et si l’on doutait encore de leur place, ce deuxième opus les installe définitivement dans le paysage du rock français, un rock aux mille teintes peuplé de souvenirs.
Nous attendions ce retour comme celui d’un ami que l’on avait perdu de vue et d’oreille depuis plusieurs mois. Un ami à cinq têtes, une bande de garçons sans prétention composée d’Arthur, Clément, Raphaël, Sébastien et Antoine qui choisirent de se rassembler sous le doux nom de Feu ! Chatterton il y a quelques années.
Nous étions sortis bousculés, mais quelques peu lassés de l’écoute du premier album, étonnant mais pas toujours cohérent, s’enfonçant parfois dans un lyrisme exacerbé, dans des mélodies forcées. Cependant, plein d’espoir pour ces poètes aux allures surannées, nous peinions à cacher notre impatience quant à l’arrivée d’un nouvel album.
Quand le 30 novembre nous avons écouté attentivement Souvenirs, premier morceau du LP à venir, illustré d’images d’un autre temps, nos doutes disparurent et nous nous sommes dits que le nom d’un groupe n’avait jamais été aussi bien porté. Car il faut le rappeler, Chatterton, jeune poète britannique, préféra se donner la mort à 17 ans que de mourir de faim. Génie incompris, romantique désespéré, succombant à une jeunesse fougueuse et impatiente, Chatterton voit son nom côtoyer ceux d’Apollinaire (Souvenirs), Aragon (Zone Libre), Eluard (Le Départ), et tant d’autres dans ce nouvel album.
Et malgré ces références littéraires presque mainstream l’album se fait moins racoleur, plus introspectif. L’Oiseleur est un recueil de poèmes qui s’écoute comme une histoire, une ode au temps qui passe. Arthur Teboul, de sa voix de dandy convoque l’amour, la perte, les souvenirs, le deuil mais aussi l’espoir de l’après. Au fil des morceaux, c’est la mer que l’on entend, le vent qui caresse nos cheveux, la pierre anthracite que l’on effleure, les oiseaux en vol ou immobiles, les paysages qui défilent, les fruits des vergers que l’on savoure et toutes ces odeurs qui nous enivrent. Et habitant délicieusement ces décors enchanteurs, toutes les femmes qui peuplent l’album : Grace, Anna toute nue, toi, Juliette et sa robe orangée, Ginger et cette femme aux yeux verts.
Pour nous raconter toutes ces histoires, Feu ! Chatterton compose avec la diversité des inspirations musicales de chacun de ses membres. Du rock on l’a dit (Ginger), de l’indé certainement, du rap presque (L’Ivresse), des balades et de la chanson. On retrouve la pâte du premier album, mais dans une version plus aboutie. Rythmes saccadés ou souples, nappes de cordes dramatiques, synthés, guitares sèches ou électriques, tout y est équilibré et au service du texte. Le chanteur chante un peu moins et nous raconte un peu plus. Et on se souvient alors à quel point la langue française est si poétique, si riche et actuelle. Le jeune groupe nous fait alors penser aux plus grands de la chanson française dont l’immense Alain Bashung, chanteur amoureux des belles lettres.
Avec cet album doux et sauvage à la fois, les cinq poètes réussissent un exercice périlleux et rentrent dans la légende.
L’Oiseleur (Disques Barclay, 2018) est disponible depuis le 9 mars et Feu ! Chatterton sera les 9, 10 et 11 avril au Bataclan, le 12 à Rennes pour le présenter sur scène (c’est sold out) ! Ils passeront également le 20 avril à Marseille et le 26 au Printemps de Bourges !
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