(photo couverture : Julien Cornuel)

Il y a des mots qui ne trompent pas. Ceux-ci sont de Thomas Mars, dont le groupe, Phoenix, a clôturé magistralement une édition 2018 en bleu-blanc-rouge.

Les deux frontmen ne sont pas réputés pour être bavards. Et pourtant, Etienne Daho et Thomas Mars ont largement exprimé leur joie d’être à l’affiche de la Route du Rock 2018 durant leurs concerts respectifs. Cette année encore, le festival malouin a démontré qu’il était bien plus qu’une simple étape de tournées marathons. Attendus de pied ferme au Fort de Saint-Père, Phoenix ont livré la plus belle prestation du week-end, juste devant un Etienne Daho en forme olympique le vendredi soir.

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photo : Maxime Glorieux

En 2004, au même endroit, Thomas Mars rejoignait Air sur scène et mettait fin au suspense sur l’identité de l’interprète du titre Playground Love. Quatorze ans après, Phoenix fait résonner une nouvelle fois la mélodie lunaire de la BO de Virgin Suicides de Sofia Coppola. Un moment suspendu, provoquant un silence immédiat de la foule. Interprétée au rappel, cette reprise sonne comme une pause dans un concert ouragan aux effets de lumière spectaculairement maitrisés.

Le groupe versaillais, au sommet de son art, est l’unique responsable de la puissance du set. Portés par le suédois Thomas Hedlund, batteur à la frappe monstre, les quatre membres exécutent instinctivement une pop de stade tout en gardant un pied tremblant, sur le fil. Le résultat est une pléiade de tubes, des plus anciens (Too Young, Lisztomania) aux plus récents (Ti Amo, Entertainment), sans oublier le medley iconique If I Ever Feel Better/Funky Squaredance, toutes guitares devant. Ce soir, pas de miroir de quatre tonnes au-dessus de leur tête mais un écran déroulant des vues d’Italie, terrain de jeu commun de leur enfance. Comme à son habitude, Thomas Mars finit en virée dans l’audience. Le voyage se fera en plusieurs fois, le leader aux boots en daim retenu par les premiers rangs qui ne veulent pas le laisser partir. Et on les comprend !

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photo : Julien Cornuel

Plus tôt dans cette soirée de clôture en béton, Charlotte Gainsbourg, cheveux ébouriffés, a retourné avec délicatesse un public conquis d’avance. Qu’il est dommage de voir le groupe commencer son set alors que le soleil n’est pas encore couché... Il faudra attendre le dansant Deadly Valentine, qui a gagné en intensité depuis le concert de chauffe à la Cigale en avril dernier, pour apprécier pleinement la complexité de la mise en lumière. Jugez plutôt : quatre miroirs de néons suspendus et amovibles et une scène habillée de cadres lumineux clignotants. Dans le texte, celle dont on oublie aisément qu’elle est « fille de » se dévoile comme jamais, évoquant tour à tour sa mère, sa sœur, décédée en 2013 et son père dont elle reprend les titres Charlotte for Ever et Lemon Incest.

Dans l’après-midi, Forever Pavot  rendait à son tour, de façon moins explicite, un hommage à Serge Gainsbourg. Avec son groupe, il interprète la pop 70’s à claviers de son génial dernier album, La Pantoufle. Un pari gagnant alors que le soleil réapparait sur la plage Arte Concert.

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photo : Maxime Glorieux

Autre coup d’œil dans le rétroviseur avec la venue du fantasque Ariel Pink. Accompagné d’un choriste autrefois batteur en bikini, celui qui soufflait ses quarante bougies cette année donne un concert quasi encyclopédique, passant sans complexe de nombreux genres musicaux en revue, de la disco au heavy metal. Idéalement placée en milieu de soirée, cette heure jubilatoire booste un samedi en dents de scie.

Au rayon des réjouissances, Jungle se retrouve en tête de gondole. La machine à danser, dont le second album s’annonce grandiose, ne donne pas un instant de répit à des festivaliers qui n’en demandaient pas. Alors que les parents de l’un des deux leaders sont dans l’assistance, la formation distribue des tubes à la pelle, cachés dans la pénombre d’une mise en scène classieuse. Si Busy Earnin’ reste, une fois n’est pas coutume, le summum du concert, les nouveaux titres sont chacun leur tour acclamés. Et si Jungle n’avaient pas dit leur dernier mot ? 

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photo : Maxime Glorieux

Comment raconter cette 28ème collection été sans évoquer le concert magistral de Patti Smith, point d’honneur du festival. « On est assez têtu. Quand on veut un artiste, on insiste tous les ans ! » confie François Floret, directeur, à Rolling Stone, à propos de la grande Patti. Au vu de la prestation habitée livrée par l’icône seventies, on se dit que l’entêtement paye ! Difficile de ne pas esquisser un sourire niais pendant Because the Night, compliqué de ne pas hurler « Glooooooria » sur la mythique reprise qui ouvre le non moins mythique album Horses.

Un concert gravé dans la pierre brune du Fort de Saint-Père. Bien entourée de son fils Jackson, agent immobilier lorsqu’il ne brille pas à la guitare, Patti Smith nous fait oublier son grand âge grâce à un set généreux. Avec, en prime, une lecture contre la politique de Trump à Jérusalem… et une irrésistible reprise de Beds are Burning de Midnight Oil ! Le concert faisait suite à une (trop rare) rencontre avec Patti Smith, organisée dans le centre-ville de Saint-Malo plus tôt dans la journée. Décidément, la Route du Rock n’est vraiment pas un festival comme les autres !

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photo : Maxime Glorieux