Rendez-vous avec Alban Coutoux (à gauche sur la photo) et François Floret (à droite sur la photo), respectivement programmateur et directeur de la Route du Rock, pour parler d’une édition 2019 qui porte bien son nom!
Après une année 2018 qui a laissé une belle place à la scène française (Daho, Charlotte Gainsbourg, Phoenix…) et à l’électro (Ellen Allien, The Black Madonna, Nils Frahm…), l’édition 2019 s’annonce plus anglo-saxonne (Australie et Canada inclus) et promet de taper fort, très fort. On est allés échanger avec les deux principales têtes représentatives du festival autour des raisons de ce recentrement Rock.
Cette interview fait suite à une précédente rencontre ( à lire ici ) qui abordait plus les origines, le développement et le fonctionnement du festival.
En bonus, les deux pionniers nous donnent les 10 morceaux qui font parler leur cœur en ce moment:
Quelle est votre définition du Rock aujourd’hui?
François: C’est super compliqué, parce que ça ne veut plus rien dire aujourd’hui. Ça a été tellement récupéré par tout le monde, par des marques de fringues, de parfums, de bagnoles… Un peu vidé de son sens. Si tu prends une définition du Rock qui revient souvent, c’est peut être une espèce d’énergie brute, spontanée, sans calcul.
Alban: C’est totalement ça. Cette énergie, ce côté un peu fou. C’est cette étincelle là, qui fait que depuis les années 50 le Rock existe. C’est plus une énergie qu’un dogme ou une marque de guitare.
François: Pour relier ça au nom de la Route du Rock, à la base c’est juste un clin d’œil à la Route du Rhum. C’est mieux d’avoir un nom qui transpire ce qui se passe sur l’événement. Cette énergie dont on parle. Mais musicalement on ne propose pas vraiment que du Rock. Il y en a beaucoup, du rock garage, du psyché, du pop rock, mais il y a aussi des machines, de la pop, de l’électronique, du folk… Pour quelqu’un qui ne connait pas le festival, ce n’est pas toujours évident de saisir qu’il y a de tous les styles.
Il y a eu des années, quand on recevait des démos de groupes, ils regardaient dans l’agenda du rock, ils disaient « tiens, festival la route du rock, nous on fait du rock, donc on leur envoie ». A cette époque on écoutait tout.
Vous avez dû découvrir des trucs sympas, non?
François: Non. (Rires)
Alban: Pour répondre à ta question, il vaut mieux aller chercher les groupes plutôt que d’attendre qu’ils t’envoient ce qu’ils font. On a jamais vraiment eu de proposition spontanée qui était concluante.
François: Et pour aller plus loin, concernant les artistes intéressants qui pourraient correspondre à la Route du Rock, il y a une sorte de complexe. Il y a des jeunes artistes français qui font des choses intéressantes, mais de qui on a jamais rien reçu, alors qu’on pourrait les faire jouer. Peut être se disent-ils qu’ils n’ont pas leur place dans la programmation.
Alban: Pour ce qui est de l’élaboration de la programmation, c’est plus un travail du quotidien. Un travail d’écoute, de lecture, de suivi d’actualité, de collaborations avec les labels, avec les agents. Et après il y a le filtre de savoir ce qui correspond ou non au festival.
Tu parles de collaborations, et on avait déjà parlé du fait que vous travaillez souvent avec Super! depuis plusieurs années. Comment s’est passé le travail avec eux concernant la programmation de la Villette Sonique?
Alban: C’est La Villette, suite au départ d’Étienne Blanchot qui a voulu changer le fonctionnement de la programmation, et qui voulait avoir deux entités à s’en occuper. Eux travaillent déjà avec Super! pour le Pitchfork, ou encore la programmation du Trabendo. Ils voulaient travailler avec quelqu’un d’autre et nous ont appelé. On a aussi accepté parce qu’on est hyper fans de ce que faisait Étienne, et de l’idée du festival.
François: C’est ce qu’on a essayé de respecter au mieux. C’était cool comme édition, même si ça a été une année extrêmement compliquée, avec la météo (la tempête Miguel n’a pas épargné le festival ndlr), le changement de lieu dû à la malédiction de Toutankhamon…
Alban: Le son sur la nef Nord de la Grande Halle était trop fort pour la bonne préservation des antiquités présentées pour l’Exposition Toutankhamon (donnée à ce moment là dans la partie Sud de la Grande Halle ndlr).
Pour revenir au Rock, que pensez vous des dynamiques actuelles, des scènes qui montent, comme une nouvelle scène brittanico-irlandaise? Leurs représentants sont bien présents dans cette programmation 2019…
Alban: Cette nouvelle scène dont vous parlez est très énervée, très excitante aussi. C’est en partie dû au climat très dur en Angleterre et en Irlande. Lié à l’incertitude du Brexit ou encore à une situation économique très dure. Il y a beaucoup de décisions politiques contestables, et le climat est à la révolte, à la rébellion. Beaucoup de groupes accompagnent ce qui se passe, comme Fontaines D.C., Shame, Idles, Sleaford Mods… Ils ont tous un côté très politique. On fait parfois un parallèle avec les années 1975-77, l’explosion du punk. La période était aussi très dure économiquement et socialement, et le punk avait pris en importance en réaction à ça. Il y a toujours eu des courants musicaux à contrer et à aller se rebeller contre un état de fait sociétal difficile. Dans l’artistique, ça donne quelque chose de sincère, brut et d’autant plus intéressant!
Aujourd’hui, on sent aussi un retour du Rock en France, non?
François: C’est vrai qu’il y a une résurgence des groupes punk garage. Ça tombe bien, on adore ça. et puis on sent qu’il y a un nouveau public pour cette scène là. Il semble qu’il y a beaucoup de lassitude pour d’autres genres en vogue ces dernières années comme l’urbain. Et que maintenant il y a un retour de l’énergie Rock dont on parlait en début d’interview. Le travail de labels comme Born Bad ou Howlin’ Banana n’y est pas étranger, et le succès du festival Levitation, à Angers, vient souligner ce que tu dis.
Et à Rennes ou à Saint-Malo? Comment ça nourrit éventuellement la route du Rock?
François: Rennes c’est moins rock qu’avant quand même. Les musiques actuelles y sont toutefois hyper vivaces!
Alban: C’est une dynamique. Il n’y a pas vraiment de scène rennaise, mais plein d’esthétiques différentes.
François: Sur la manière dont ça nourrit la route du Rock, on va parler d’équilibre mental. Pour nous c’est cool, parce qu’on vit dedans tout le temps, on est comme des poissons dans l’eau. On se dit qu’on est bien à notre place ici. Qu’on fait partie d’un tout, qui englobe aussi bien ce qui se passe à Rennes et à Saint-Malo. C’est un festival de l’Ille et Vilaine entière. Il y a beaucoup de Rennais qui connaissent parfaitement la Route du Rock. Ce n’est pas qu’un festival Malouin, en soi.
On voit que vous mettez de plus en plus de jeunes artistes sur le devant de la scène, entre vos éditions Été et Hiver, même si on les retrouve plus à la plage pour l’édition Été. Vous faites par exemple jouer Oktober Lieber sur une grande scène cette année.
Alban: Oktober Lieber, c’était évidemment compliqué de les faire jouer sur la plage. Les concernant, on parlait justement de ce qu’est le Rock. Elles, même si c’est plutôt marqué synthwave et techno, leur énergie est complètement Rock. Pour les avoir vues plusieurs fois sur scène, leur cloturing le Samedi soir sera un moment complètement fou! C’est un coup de cœur plus qu’une envie de mettre des jeunes groupes en avant. Et une valeur sûre sur scène, en plus leur disque est super.
François: Ça met un bon coup de pied dans le cul quoi!
Pour cette édition 2019, quels sont les artistes pas forcément connus, mais qui devraient laisser une trace forte de leur passage?
Alban: Fontaines D.C., même s’il n’y a pas vraiment d’enjeu parce qu’on sait que le concert va être super. Après il y a des groupes plus petits, comme Pottery ou Crows. On ne sait pas ce que ça va donner, mais on est vraiment impatients de les découvrir sur scène.
François: On peut en effet mettre une petite pièce sur ces deux groupes là. Il y a Altin Gün aussi. Je craque complètement dessus, j’adore ce mix oriental et rock.
Et des groupes que vous auriez voulu y faire jouer?
François: Courtney Bartnett devait venir, mais elle a eu un empêchement
Alban: Mattiel aussi. Elle vient de sortir un deuxième disque qui est super beau.
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