Le MOFO est de retour du 23 au 25 Janvier 2020! On est allés à la rencontre d’Anaïs Garcia, sa programmatrice, qui nous parle du contexte extra-ordinaire et désormais très festif dans lequel va se dérouler le festival. Mais aussi de sa mascotte la hyène, de Connan Mockasin, et des nombreuses surprises qui auront lieu pendant le festival!
Pour rappel, on vous présente cinq des groupes qui vont jouer pendant le festival, et on vous fait gagner deux places LA!
BONUS! Une playlist de plusieurs coups de cœur musicaux récents d’Anaïs Garcia:
Quel est ton parcours avant d’être programmatrice du MOFO, et en parallèle aujourd’hui ?
Anaïs Garcia: J’ai toujours eu une vie associative. Après mes études j’ai toujours bossé dans la musique. D’abord dans le jazz, dans la production et la communication. Avec mon association de l’époque, Rouge vinyle, on a commencé à organiser des concerts à Mains d’œuvres. On a ensuite commencé à être impliqués comme programmateurs associés, ce dont on ne voulait pas forcément. Je suis ensuite allée bosser à la Station en tant que chargée d’exploitation, pour démarrer le lieu.
J’ai continué à organiser des choses à Mains d’œuvres, et on m’a proposé de d’abord coordonner, puis programmer le MOFO. En parallèle de ça, je travaille pour plusieurs autres festivals. A La Station, mais aussi pour le festival 36h Saint Eustache en tant que chargée de production. Voilà pour les grandes lignes. Je n’ai pas de quotidien fixe.
Question un peu provoc’ : William Delannoy parle de Mains d’œuvres comme d’une « permanence électorale pour les fumeurs de joints. » MOFO serait dans ce cas un meeting électoral pour fumeurs de joints ?
Sur le côté politique de la permanence électorale ou du meeting, je pense qu’on est tous d’accord pour dire qu’on n’est pas d’accord avec le genre de politique que pratique le Maire. Au départ le MOFO c’est pas du tout ça, le festival n’a aucun rapport avec l’actualité politique. Mais avec ce qui s’est passé, vivre une expulsion, se retrouver au chômage, voir des gens tristes et désabusés, et avoir ce sentiment d’impuissance totale, ça a fait qu’on s’est tous un peu politisés. On a tous voulu agir pour une cause qui nous est chère. Et montrer qu’à notre échelle on pouvait défier ce mec.
Sinon, Mains d’œuvres est loin d’être un lieu pour des fumeurs de joints. Comme l’a dit Juliette Bompoint, la directrice, c’est de la diffamation de dire cela. Autour du MOFO, il y aura peut-être des personnes qui consomment différentes choses. Mais c’est avant tout un festival de passionnés de musique, de curieux, de gens qui nous suivent depuis des années.
Le MOFO c’est le festival de Mains d’œuvres, et on verra si les gens seront toujours au rendez-vous-même si c’est en dehors du lieu. Mais de toutes façons, une bonne partie des personnes qui seront là soutiennent la cause de ne pas laisser un élu détruire les lieux culturels en Île de France.
Le festival sera teinté de politique cette année ?
Un minimum. Même si on n’a pas eu le temps d’organiser de conférence à ce sujet. L’infrastructure non plus. Mais le slogan du festival en tant que tel est teinté de politique et un peu provoc’. C’est provoc’ contre provoc’, sauf que nous on sait quand il faut s’arrêter. « Rira bien qui rira le dernier », puis point, on n’en parle plus.
L’ouverture « forcée » vers d’autres lieux, comme le Sultan ou la Station, entre autres, ça peut ouvrir des possibilités pour les prochaines années ?
Au vu de ce que ça implique, ce n’est pas dit. Et pourtant c’est très cool Le Sultan! Mais ça reste moins confortable que d’avoir notre propre lieu, où on connaît tout, de A à Z. Si on a la possibilité d’organiser le MOFO dans Mains d’œuvres l’année prochaine, clairement on le fera.
En parlant de La Station, c’est un endroit qui est vraiment chouette et qu’on apprécie beaucoup, mais rien ne vaut notre lieu. On a 4 000 m² dans lesquels on peut faire ce qu’on veut.
Comment la programmation s’est passée cette année? Des artistes se sont-ils proposés d’eux-même?
Certains oui! En Septembre j’avais quelques idées, mais avec ce qui s’est passé avec l’expulsion ça a un peu mis un frein psychologique pendant deux mois. La priorité dans nos têtes au début ce n’était pas du tout le MOFO. C’était d’abord de savoir ce qui allait se passer avec les emplois, où est-ce qu’on allait aller pour travailler. On est allé travailler dans une galerie d’Art qui s’appelle Amarrage, qu’on nous a prêté.
On a ensuite pu aller à Comme une image, un lieu dédié au Cinéma, un lieu super, avec des vrais bureaux. C’est à partir de là qu’on s’est dit que le MOFO c’est le rendez vous qui chaque année nous permettait de nous remettre en selle, et que quoiqu’il arrive ce serait la bonne occasion pour se retrouver. Et qu’on allait donc le faire cette année
La programmation elle s’est faite sur des coups de cœur, comme chaque année. Je ne fais pas vraiment attention aux sorties d’album ou aux tournées. Un vrai coup de cœur par exemple, c’est KAREL, lui n’est pas du tout en tournée et habite à Amsterdam, n’a jamais joué en France et est très peu connu ici. Mais il n’y a pas vraiment de logique de programmation. Les artistes qui vont jouer pendant le festival ont tous dit oui très rapidement, et ça s’est fait comme ça.
Est ce qu’au delà du feeling il y a une ligne artistique qui se dégage un minimum?
Pas vraiment. En plus je ne sais jamais trop mettre des groupes dans des cases. Ça reste quand même « Rock » ou « Indé », entre guillemets, et pas forcément très connu. Entre musique électronique et rock électronique, un peu expérimental avec Balladur ou Humbros. Il y a du rock un peu plus grunge avec Ellah A. Taun, plus du lo-fi romantique avec Marble Arch. Il y a Lyra Valenza qui est complètement inclassable. Tropical Horses est inclassable aussi. Il y a groupes romantiques comme Discovery Zone ou Fiesta en el Vacio. Mais je ne pense pas qu’on puisse dire que le MOFO est un festival de tel ou tel style.
Ça colle bien à Mains d’œuvres, qui n’est pas forcément un lieu classable non plus.
Oui. Après il y a une ligne directrice à respecter des anciennes éditions. Mais je ne pense pas l’avoir trop suivie plus particulièrement cette année. Ça s’est fait tellement dans l’urgence, que ça s’est fait au feeling. Et puis avec l’envie de faire la fête!
C’est la fête en ce moment?
Ouais! Mercredi on a fait la fête dans la rue. On a installé un barnum, les platines vinyles, une sono, et on a dansé toute la soirée avec des centaines de personnes! C’est vraiment inédit ce qui se passe, ça fait jurisprudence, ça donne vraiment l’impression d’être le petit qui tient tête au gros. Tu te dis qu’il y a vraiment une justice parfois dans ce monde.
Même si ça peut être perçu comme des problèmes de riches, on galère pour trouver ces boulots là, trouver une famille comme celle de Mains d’œuvres, on galère pour trouver un lieu dans lequel on se sent bien. Et il suffit qu’il y ait un mec qui préfère les hôtels aux théâtres pour que ça chamboule tout. Il a fallu être malins, mais au final, on a gagné!
Vous galérez aussi pour faire vivre quelque chose qui rayonne, qui est un grand service au territoire et aux habitants de Saint Ouen. Quelle est l’implication des habitants dans Mains d’œuvres et le MOFO, et au delà, de différentes personnes en Île de France?
Il y a beaucoup de soutien, pour Mains d’œuvres plutôt, et indirectement pour le MOFO. Je pense que beaucoup seront bénévoles. Ce qui est hyper beau à voir, c’est comment les voisins se sont mobilisés. Pour relocaliser les cours de musique notamment. Pour relocaliser les activités, les événements. Les salles de concert nous ont beaucoup aidé aussi.
Plus largement, les soutiens viennent beaucoup des réseaux sociaux. Des personnes qui sont venus soutenir Mains d’œuvres se sont intéressées au MOFO, bien que ce soit la même chose au final. J’ai aussi vu des gens qui soutenaient déjà Mains d’œuvres et qui maintenant soutiennent le MOFO plus qu’avant.
Tu penses que les habitants de Saint Ouen vont plus venir pour cette édition que les autres années? Il y avait parfois l’impression d’être plus dans un festival pour un milieu de la musique indé en Île de France.
Oui, je pense que les habitants vont venir! Pas toujours forcément parce qu’ils vont apprécier la programmation. Le Jeudi par exemple on a organisé une grosse fête, qui au départ devait juste être une fête pour le quartier, pour montrer qu’on était encore là. Avec ce qui s’est passé récemment, ça s’est transformé à la fois en fête de quartier et fête de réouverture.
Il y a une envie de mêler un événement centré sur la musique, qu’est le MOFO, qui est c’est vrai pour les amateurs de musique, Audonien.ne.s ou non, avec le quartier. Surtout que là c’est gratuit, dans toute la rue des Rosiers, et vraiment pour les habitants. C’est aussi pour que les gens viennent, voient qu’on ouvre à nouveau, et qu’on est pas seulement des gros fumeurs de joints anarchistes. Ça va être un super mélange, et le Jeudi va être trop drôle! Ça va être un petit Bars en Trans’, avec que des DJ sets gratuits. C’est inédit, il n’y a jamais eu ça au MOFO avant!
Il va aussi y avoir des lives dans la cour des myrtilles, avec des projections à 360. En tous cas les Audonien.ne.s seront là! Depuis qu’on les entraîne dedans, on sent que les habitants sont à fond derrière nous.
A fond derrière un symbole peut être? Il y avait un requin l’année dernière, des pingouins l’année d’avant, et d’autres animaux chaque année. Aujourd’hui l’emblème du festival c’est une hyène. Peux tu nous parler de cette tradition?
La mascotte a toujours été là. C’est notre chargée de communication qui a toujours voulu ça. J’ai eu mon mot à dire sur le pingouin, le requin et la hyène. Et j’ai plus aimé depuis le requin cette idée de mettre en avant non pas des mascottes mignonnes, mais plutôt des animaux que personne n’aime. Rapidement, tu peux te rendre compte qu’un requin c’est joli.
La hyène c’était un peu dans cette idée là. Tout le monde déteste les hyènes. Pourtant elles ne sont pas méchantes, elles se défendent simplement comme les autres animaux. En plus elles ont autant de force que les lions. Chez les hyènes, ce ne sont que les femmes qui sont cheffes, et fonctionnent toujours en meute. C’est ce côté meute qui m’a plu. Au final nous on est une meute.
Il y avait aussi le côté « on va prendre notre revanche ». Ce n’est pas possible qu’une injustice comme ça nous arrive. On avait quand même des éléments de justice qui jouaient en notre faveur, et on savait qu’on pouvait gagner. On a fait le pari de la hyène, avec le slogan qui est venu directement. « Rira bien qui rira le dernier. » Rire comme des hyènes.
Et une fois qu’on a appris qu’on récupérait le lieu, on a beaucoup ri. Et puis on s’est dit qu’on avait tellement galéré que rire c’était la seule solution.
Est-ce qu’il y aura des surprises? Des artistes qui vont faire un truc en particulier pour marquer le coup?
Oui, il y aura un DJ surprise au Sultan! Qui va venir d’un autre festival en fin de soirée. Il va aussi y avoir quelques performances. Comme celle de Dominique Gilliot, pour laquelle on ne sait pas du tout ce qu’elle va faire.
Et une autre performance orchestrée par Passion Passion et le mec de Jaune, qui va mixer Live et performance. Il va aussi y avoir pas mal de DJ surprises, en plus de ceux annoncés, le Jeudi soir.Cette année on ne pourra par contre pas faire ce qu’on faisait les autres années, des créations originales en résidence, proposées pour la première fois en live à l’occasion du MOFO. A mon grand regret parce que j’adorais ça!
Il va normalement y avoir aussi une performance de danse participative avec le public à La Station!
Après, on va avoir de la scénographie assez cool! Il y a plein de nouvelles personnes de l’équipe de Mains d’œuvres qui sont arrivées, des jeunes, qu’on a mis dessus, et il va y avoir de belles propositions.
Et on espère qu’il y aura une voiture mobile qui fera à la fois DJ set et vente de produits à manger, le Jeudi soir dans Saint Ouen!
On va aussi faire plein de goodies. On a sérigraphié des T-shirts, des affiches…
Est-ce qu’on aura la chance d’y voir le ministre de la Culture?
On verra. Ministère de la Culture DJ set? Peut être pas!
Qui aurais tu aimé faire jouer cette année? Même dans tes rêves les plus fous?
Dans mes rêves les plus fous, il y aurait Connan Mockasin.
J’aurais bien aimé faire jouer Jungle by Night, qui est un des énormes coups de cœurs live de ma vie, vus à Belle-île On Air, cet été. Kokoroko aussi, que j’ai vu à Sienne cet été, dans un jardin, incroyable. Colleen aussi, une femme qui fait une espèce d’ambient-pop magnifique, ça fait deux ans que je veux la faire jouer. TETO PRETO également, qui va jouer au Festival Closer Music dans une semaine. John Maus aussi un jour, j’aimerais bien. On a failli avoir Kevin Morby solo aussi.
Là je te cite dans les gros noms, après il y en a des milliers de plus petits. KAREL cette année, j’y tenais vraiment. En tous cas Jungle by Night complètement. En discutant avec eux après leur concert, ils m’ont dit qu’ils avaient déjà joué une quarantaine de fois à Paris, et que personne ne les a fait jouer dans des grosses salles, comme ils sont neuf sur scène.
Merci à toi de prendre du temps dans tous les rebondissements autour de Mains d’œuvres et toute la préparation du festival!
Merci à vous! Venez au festival, c’est une belle manière de soutenir l’association et surtout de faire la fête! Et écouter des concerts toute la nuit dans un restaurant turc ça ne se présente pas dix mille fois dans une vie à Paris!
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