Listen Up a eu la chance d’assister aux 3 jours du festival de Six-Fours-Les-Plages près de Toulon dans une édition 2023 qui a marqué les esprits. Retour sur nos impressions et moments favoris.

Pour notre équipe, c’était une première au Pointu. Malgré des affiches alléchantes et des photos qui donnaient envie de visiter le cadre incroyable de l’île du Gaou, on n’avait pas eu l’occasion d’y aller. Avec la programmation de cette année, on a décidé que c’était le moment de se jeter dans le bain et donc direction Toulon en train pour faire un aller-retour express dans le Var pour écouter la fine fleur du rock indé contemporain – avec quelques excursions stylistiques mais peu.

Dès le premier soir du vendredi, la navette nous dépose un peu amont de l’île et la promenade de long du port nous met directement dans l’ambiance de ce que sera ce week-end : le climat méditerranéen estival et des festivalier.es heureu.ses et conscient.es de pouvoir profiter d’un événement peu commun. Commence alors la file d’attente – pas la dernière du week-end, et oui malheureusement tout n’est pas encore parfait – et on découvre un pont parsemé de drapeaux avec l’esthétique très réussie du festival signé Arrache toi un Œil.

Sur le site, on comprend rapidement la configuration assez simple du lieu : un grand bar pour les boissons et la nourriture, une grande scène dite de la Plage tout juste derrière et une scène plus petite appelé justement la Pinède encore un peu plus loin. Dès ce premier soir, on voit qu’il y a beaucoup de monde et que le week-end risque d’être bondé. Le festival passera effectivement la barre de son affluence la plus haute qui était l’édition 2019, avec cette année plus de 18000 personnes sur les 3 jours. Signe que le festival a fait son nid, il y aurait 50% de personnes provenant de l’extérieur de la région et pas loin de 10% d’étranger.es.

Commençons par les choses qui fâchent : un défaut d’organisation a causé d’énormes files d’attentes pour obtenir les fameux jetons permettant d’accéder au bar et donc la colère de beaucoup de festivalier.es. Heureusement, l’organisation a pris la mesure du problème et a réagi très vite par un communiqué et des mesures dès le lendemain et il faut reconnaitre que l’organisation était bien plus fluide pour les soirées du samedi et dimanche. Tant que nous sommes sur les petits malus, le Pointu n’échappe pas à un problème qui touche certes beaucoup d’autres festivals : le manque flagrant de parité de genre dans la programmation, avec peu d’artistes féminins et qui de surcroit sont souvent reléguées au début de soirée. Sur tous ces points, et avec le gain de visibilité du festival cette année, nous sommes certains que ces améliorations viendront pour les prochaines éditions.

 

Vendredi

La soirée du vendredi a en tout cas très bien débuté avec Sorry, le groupe londonien qui s’est fait connaître avec deux albums très bien écrits et interprétés, et dont la prestation carrée en live a permis de se mettre doucement dans l’ambiance avec un set court mais élégant. Nous passons ensuite rapidement à la scène de la Pinède pour écouter quelques morceaux du groupe marseillais Avee Mana dont le rock psychédélique assez lourd passe merveilleusement bien sous le coucher de soleil à travers les arbres et une vue magnifique sur la mer en fond de scène. Nous reviendrons malheureusement assez peu sur cette seconde scène, véritable petit festival dans le festival, car soumise à une jauge et donc difficilement accessible si on assiste aux concerts de la scène principale. De retour sur la scène de la Plage, on rentre dans le dur avec un set énergique de Frankie and the Witch Fingers qui ne faillit pas à sa réputation et qui déclenche les premiers pogos de cette édition dans une ambiance qui décolle.

On a le temps de décoller complètement pendant le set de Kurt Vile and the Violators, dont le folk rock très planant fait toujours son effet après toutes ces années. La sympathie naturelle qui se dégage de Kurt en fera un moment très doux et beau. Enfin, on assiste au dernier set de la soirée avec the Brian Jonestown Massacre, le groupe qui s’est fait connaitre d’abord pour les frasques de son leader Anton Newcombe mais qui dorénavant est reconnu à juste titre comme un excellent groupe de rock psychédélique à l’ancienne – à entendre sans aucun aspect péjoratif. Le leader de BJM nous aura tout de même gratifié de quelques saillies toutes personnelles : « my heart is big but my french is shit », « I speak the language of love : alcohol »… Avec une constance sans faille, la machine bien huilée du groupe donne à cette première soirée un sentiment de montée en puissance permanent et on se perd facilement dans les longues compositions répétitives du groupe. Une très belle soirée consacrée au rock psyché dont on ressort avec le sentiment que le Pointu a vraiment choisi la programmation avec attention et soin.

 

Samedi

La deuxième journée du samedi promettait avec à nouveau une programmation des plus alléchantes. Après avoir profité des terrasses et plages de la ville – gros atout il faut quand même le mentionner – on se redirige vers l’île du Gaou pour voir un premier set plein d’énergie de la chanteuse britannique Billy Nomates. Injustement critiqué pour sa performance récente à Glastonbury et malheureusement victime de cyberharcèlement à sa suite, on est heureux de constater que le public du Pointu lui a réservé un accueil des plus chaleureux. Le son est bon – d’ailleurs sur l’ensemble du festival c’est un vrai point fort – et on se met à danser très rapidement sur cette très belle prestation. On profite de la pause pour se prendre une petite bière au bar, service assuré par la brasserie toulonnaise dite Bière de la Rade et qui donne encore plus de cachet à ce festival qui sert des boissons de qualité, bien loin de ce qu’on retrouve classiquement dans tant d’autres festivals de cette ampleur. Le set de Meatbodies confirme tout le bien qu’on pensait de ce groupe, qui livre ni plus ni moins qu’un excellent set aux accents stoner et psyché. Kevin Morby et son groupe confirme également qu’il.elles sont toujours irréprochables et très carré, avec un set très beau et intense qui a manifestement enthousiasmé le public. Kevin insistera sur le fait qu’il s’agit du dernier concert d’une longue tournée, donnant encore du poids aux interprétations de cette soirée.

La fin de soirée – qu’on attendait avec impatience soyons honnêtes – a tenu toutes ses promesses et même plus avec des Viagra Boys aussi fous que d’habitude. Sebastian Murphy et le gang ont instantanément insufflé un vent de folie sur l’île du Gaou avec un « Ain’t no Thief » d’entrée de jeu. Grâce un temps de set conséquent pour un festival, 1h15 pour les têtes d’affiches, le Pointu se distingue aussi à ce niveau et permet aux groupes de faire une setlist qui se rapproche d’un concert classique. Aussi en fin de tournée, les Viagra Boys ont tout donné sur ce concert et les gens ont répondu à la hauteur de l’intensité du groupe. Avec même des surprises dans le choix des morceaux, « Frogstrap » du premier album pas interprété depuis au moins 5 ans selon Murphy, le groupe délivre un set très fort et chaque chanson a un impact évident. Des refrains chantés de « Punk Rock Loser » aux pogos et chaos complet sur « Sports » ou le final frénétique sur « Research Chemicals », on a quand même l’impression de voir un groupe important de notre époque, vraiment inégalé dans son genre. Avec le saxophoniste qui se déchante en mini-short, le claviériste fou en chapeau de cow-boy qui encourage la foule, et un Sebastian Murphy toujours aussi inclassable et unique, c’est un grand moment. A son habitude, Murphy fait de grandes déclarations absurdes en disant qu’il s’agit du dernier concert du groupe et qu’ils vont se réincarner en un projet « singer-songwriter » qui sera « much better than this shit ». On n’espère pas, quand même.

Dimanche

Tout juste remis de nos émotions, on attaque ce dernier jour avec le reste d’énergie dont on dispose. Les britanniques de bdrmm, prononcé « Bedroom », amorce la soirée avec un set shoegaze qui malgré tout est intense et rythmé. Récemment signés sur le label Rock Action Records de Mogwai, le groupe est très prometteur et permet d’entrer en douceur dans cette dernière soirée. On voit ensuite rapidement Parade, le groupe post-punk marseillais qui ambiance fortement la scène de la Pinède à l’ombre – ça fait du bien.

Sur la scène principale, on arrive pile à l’heure pour le set de A Place to Bury Strangers. On avait hâte car la réputation live du groupe les précède, mais on était loin d’imaginer ce qui allait se produire. En commençant directement avec deux guitares entrechoquées et une avalanche de noise, le trio commence fort : les guitares volent – littéralement – en l’air. Après quelques morceaux, le groupe avance tout devant de la scène en formation allégée – plus que quelques toms de batterie – avec toujours autant de fougue et de noise. Un énorme circle pit s’est déjà formé à ce moment-là dans la foule quand le groupe décide en fait d’avancer ensemble dans la fosse et de s’installer au milieu des gens pour une fin de set assez démente. Avec tout le monde en rond autour d’ell.eux, le groupe joue alors des morceaux assez féroces avec un son complètement saturé, et on aura jamais vu autant de personnes portées dans les airs et sur les épaules d’autres. Un vrai moment de folie – où de notre côté on ne voyait pas grand-chose il faut l’avouer – mais où l’hystérie collective était palpable. Un moment vraiment marquant de cette édition.

 

Ensuite, Loyle Carner accompagné de son groupe entame l’avant-dernier set du week-end pour nous. Probablement le choix le plus surprenant en terme de programmation et qui dénote un peu du reste puisque orienté rap britannique, mais il aura suffi de quelques secondes à Loyle Carner pour convaincre l’audience tant le groupe était bon, le son également réglé au milimètre et la voix de Carner affutée. On comprend mieux l’engouement autour de cet artiste après le set, il y a en effet quelque chose d’assez fort qui se passe et on prend énormément de plaisir à l’écouter.

Le dernier set était évidemment très attendu par tout le monde tant Idles est aujourd’hui devenu l’un des plus grands groupes de cette génération avec des fans très dévoué.es. Le concert n’a – comme prévu – pas déçu, le groupe étant aussi intense et féroce qu’à l’accoutumé, enchainant les chansons désormais des classiques contemporains. Joe Talbot, en grande forme, tourbillonne sur la scène, harrangue le public et est très juste dans sa performance, fait même monté un jeune garçon sur scène sous les applaudissements. Les pogos géants dans tous les sens, le groupe profite d’un set à nouveau d’1h15 pour jouer 16 morceaux, en finissant par les plus gros hits « Never Fight a Man with a Perm », « Danny Nedelko »… Bref, un moment très fort.

Pour nous, c’est la fin de cette édition et de ce court séjour à Six-Fours, et on ressort charmé par ce festival qui oscille entre l’intimiste et le grand, et qui est manifestement passé à une autre étape de son histoire avec cette édition. On imagine que la prochaine édition sera celle de la confirmation du Pointu comme un rendez-vous phare des festivals de rock indé français. Avec quelques améliorations évidentes qui sont à faire, on imagine sans peine que le succès sera au rendez-vous pour les années à venir. Et on espère que le temps passera vite jusqu’à juillet prochain !