Après le succès retentissant de « Après c’est gobelet ! » en 2022, le duo Gwendoline composé de Pierre Barrett et Mickaël Olivette, revient avec son second disque et une signature chez Born Bad Records.
Ce monde est génial, non ? En tout cas, on ne va pas bouder son plaisir à l’écoute de ce nouvel album, « C’est à moi ça », sorti au début du mois de mars. Le succès viral de certains titres du précédent disque comme « Audi Rtt » ou « Chevalier Ricard » n’ont pas encore fini de rythmer les soirées à boire sur le trottoir que Gwendoline est de retour avec 10 nouveaux titres. Si ces premières chansons, d’après le groupe, étaient surtout le résultat de sessions nocturnes avec aucune idée de carrière en tête et seulement l’envie de s’amuser, le succès un peu inattendu du groupe leur permet aujourd’hui de sortir ce deuxième disque, très attendu.
Une chambre d’écho pour génération désespérée
Ces nouveaux titres ne révolutionnent pas complètement la recette du premier opus – on reconnait instantanément la patte du duo : une synth-pop très mélancolique et sombre, volontairement simpliste en apparence, avec des paroles parlées-chantées qui abordent à la fois le quotidien de trentenaires désabusés qui, malgré tout, cherchent à trouver une communauté et un sens. Une simplicité qui n’est plus aussi évidente, puisque force est de constater que Gwendoline a vraiment composé un « album », avec un début, un milieu et une fin. On sent également que le groupe a peaufiné les titres et une écoute attentive révèle plus de subtilités musicales que sur le premier disque.
Le premier titre par exemple, « Conspire », probablement l’un des meilleurs, a une véritable montée instrumentale avec des embellissements synthétiques progressifs, alors que le groupe déclame ces paroles aussi acerbes que fatalistes :
« Paradis fiscal, soleil agréable
Laissez nos banquiers, laissez-les travailler
Les États-Unis, la fierté des armes
Arabie Saoudite, le respect des femmes
Centre commercial, c’est vraiment génial
Centrale nucléaire, une énergie viable
Dans les abattoirs, confort de l’animal
En Amazonie, ils aiment les arbres
Arrêtez de critiquer, retournez dormir
Allez travailler, retournez dormir »
Ce premier titre donne le ton du disque : une ironie palpable ainsi qu’une critique politique féroce mais qui ne cherche pas à changer le monde. On a peut-être l’impression que Gwendoline n’y croit pas assez pour cela. Mais, ce qui est admirable dans ce disque, c’est justement cela : un groupe qui cherche à être une chambre d’écho pour une génération désespérée des peu de possibilités qu’elle a, du sentiment d’impuissance flagrant qui transpire partout, mais aussi une forme de courage à affronter ce désespoir social. « Palace Meetic », un des titres les plus doux-amers de l’album illustre bien cela :
« J’ai roulé toute la nuit
Fais les 3-8 comme un crevard toute l’année
Direction la côte et l’soleil
J’vois bien les moules-frites dans mon assiette
J’pourrais m’offrir une heure de jet-ski
Graver tout ça dans ma tête
Quand les gosses auront faim
J’leur achèterai des paninis
On sera bien dans la mer
Qu’est-ce qu’on sera bien en maillot de bain
L’apéro dans l’bungalow
Autour d’une partie de tarot
cvec des amis éphémères
De la même classe que nous
J’vais m’empiffrer de tout
Cramer mon fric dans des souvenirs
Avant d’rendre les clefs
Avant d’reprendre le taff
Avant d’passer ma vie à repenser à l’été »
Gwendoline, ce n’est pas que ça non plus, et le groupe n’a pas oublié de nous procurer certains titres accrocheurs et festifs comme « Clubs », « Rock 2000 », « Pinata » ou « Héros National », qui, croyez-en notre expérience, remue bien les foules. Il faut également citer « Le sang de papa et maman », qui pourrait également être un condensé d’un cours sur la reproduction sociale des élites.
Prêts pour le succès, mais le veulent-ils ?
Lors du dernier passage du groupe en live à Paris au Festival des Inrocks au 104, le nouveau set live du groupe a montré la puissance de ces nouveaux titres qui n’ont rien à envier aux anciens, et dont les paroles sont déjà assimilées par les fans. Sortes d’hymnes de la génération « schlag », les chansons de Gwendoline sont un défouloir en musique, une façon de crier son malaise en communion et dans la joie.
Le groupe finit le disque avec « Parce que j’ai rêvé d’être riche », qui symbolise bien le sentiment doux-amer qui traverse l’ensemble de l’album, entre aspirations à quelque chose de mieux et la constatation que ce mieux ne donne pas tant envie que ça. A grand coup d’assertions coupées par la phrase titre, « parce que j’ai rêvé d’être riche » chantée avec toujours plus d’intensité par une chorale, le groupe dresse un portrait sombre et troublant :
« J’ai vendu mes organes
J’ai tout sacrifié
Un pari bien placé
J’me suis tapé des vieilles
J’ai bien capitalisé
J’ai essayé d’écrire un tube
J’ai arnaqué ma famille
J’ai vendu mon bébé
J’ai voté pour Manu
J’suis allé boire au Penny Lane
Je pars plus en vacances
J’voulais arrêter d’fumer
J’ai monté une chaine Youtube
J’ai supporté le PSG
J’ai plein d’cartes de fidélité
J’veux faire d’la musique assistées
J’veux faire des concerts avec un PC
J’veux arrêter de m’isoler
J’vais faire semblant d’rigoler
J’vais plus avoir aucune pitié
J’fais d’la télé-réalité
J’achète des tickets à gratter
J’me fais des potes à mon travail
Finie la solidarité
Tous les 28 s’actualiser
J’me suis mis à voter à droite
J’pars en vacances chez mes parents »
Bref, ce deuxième album est une franche réussite pour un groupe dont on a craint qu’il ne serait qu’une passade mais qui confirme tout le bien qu’on pensait de lui. Avec des chansons lorgnant entre Sleaford Mods et Joy Division, le duo rennais aujourd’hui basé à Brest a tout pour obtenir le succès qu’il mérite – mais le veulent-ils ?
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