Le quatuor de Manchester avait déjà impressionné avec son premier EP l’année dernière. Maruja revient vendredi 26 avril avec un deuxième, « Connla’s Well », et s’installe tranquillement comme l’un des groupes les plus excitants du moment.

Il est rare pour un groupe d’avoir une identité et un son identifiable dès le premier album et encore moins avec seulement deux EPs sortis en indépendant, à une année d’écart, et dans une scène post-punk britannique au bord de la saturation. C’est pourtant ce que vient de réussir Maruja : après un « Knocknarea » qui nous avait décroché la mâchoire en 2023, le groupe britannique sort « Connla’s Well », un EP de 5 titres. Une vingtaine de minutes seulement, mais assez pour un voyage dans leur univers sombre et fascinant.

L’EP s’ouvre avec un titre instrumental, un morceau éponyme en vrai exercice de montée en tension, où l’on découvre la palette instrumentale de Maruja : batterie, basse, guitare et saxophone. Le titre semble faire référence à une ancienne mythologie irlandaise dans laquelle l’eau de certains puits – cachés – confèrerait sagesse, savoir et inspiration. Les cinq titres sont en effet habités par cette idée de sentiments et de savoirs cachés sur le monde, mais aussi sur soi-même, comme en témoigne les paroles de « The Invisible Man », titre fleuve et épique qui donne le ton de ce que Maruja est capable de faire :

“Let me tell you the story of The Invisible Man
Forgotten himself in the land of the damned
Now no one can reach him, lost in the cracks of reality
Savagery taking his hand, breaking his stance, he’s lost in his glance
No matter, never when I try
Through your eyes, I see emotions that you hide
Ain’t it funny how there’s nothing that will last?
Screwed up looking faces like they had to wear a mask
All I ask is that you’re open for a minute now
Never long enough to grasp
Like the smoke grows from my hands in a flash
With each other, can we last?
The truth, it hides
The truth, it hides
It hides »

Avec une batterie galopante, un saxophone à la fois mystérieux, inquiétant et mélodique, une basse grondante ainsi que la voix scandée de Harry Wilkinson à la manière d’un conteur de légendes, Maruja réussit à nouveau à nous transporter en quelques minutes dans leur univers sensible et onirique.

Solo de saxo et couplets rapés 

Le titre suivant, « Zeitgeist », est le plus direct de l’EP, avec des couplets rapés par Wilkinson – plus charismatique que jamais – impossible de rester impassible devant le rythme effréné et menaçant de ce titre. Le dernier titre avec des paroles, « One Hand Behind the Devil », est une véritable masterclass de post-punk sombre avec une ambiance aussi séduisante qu’écrasante. Les paroles reflètent vraiment ce sentiment de colère sourde qui parcourt l’entièreté du disque :

« Deep as the ocean
Shameless outspoken
Aimless unfocused and lost in life’s motions
Moment got stolen
Faith had been broken
Hopeful hope ain’t worth shit antisocial
Mouthful still boastful
Hungry for more talk
Heat on your shoulders fuck peace when you walk tall
No taming this beast
Flash teeth through a gnarled jaw
Taking this feast whilst you reach for the first draw »

Après un solo de saxophone vraiment magnifique de Joe Carroll, qui décidément brille sur cet EP comme sur le précédent et qui donne vraiment à Maruja une patte unique, le groupe finit sur un autre titre instrumental « Resisting Resistance ». Sur des accords post-rock et à nouveau un jam entre le jazz et le monde onirique du groupe, le voyage se finit sur une note mélancolique et plus sereine. Une façon de nous faire redescendre en douceur de toute cette intensité.

Maruja confirme avec « Connla’s Well » qu’il est un groupe à suivre, qui possède déjà une maturité artistique indéniable et une singularité rare. On attend avec impatience un premier album pour voir comment l’univers musical mais aussi narratif du groupe pourra s’inscrire dans un format plus long, qu’on espère aussi marquant que possible.