Après deux EP depuis 2021, le producteur de musique électronique Lydsten (connu pour avoir partagé la scène avec Irène Drésel ou Alt-J notamment) revient avec Bias, 6 titres composés à l’aide de ses machines et de son piano droit.
Un rectangle granitique noir kubrickien en partie immergé dans l’eau, une onde autour signalant l’instantanéité du mouvement, un reflet enflammé et des buissons et roseaux qui se dessinent sur un ciel sans couleur, tel est la pochette de Bias, dernier EP de Lydsten. Ce n’est sûrement pas un hasard si les quatre éléments composant la matière de l’univers sont représentés sur cette pochette, comme une métaphore visuelle et annonciatrice du caractère minéral et organique des textures en mouvement qui ruissellent dans ce nouvel opus de Lydsten.
Aidé de son piano droit pour nous donner à entendre des vibrations acoustiques naturelles en symbiose avec le magma synthétique de ses claviers, le Franco-danois propose une musique en perpétuel mouvement (dynamique, panoramique, timbral) alternant sans cesse entre puissantes montées technoïdes et douces notes de pianos mates et feutrées.
Dynamique
L’artiste se joue habilement des silences et des climax, faisant la part belle au crescendo ou au pianissimo, nous faisant tantôt passer d’une puissante énergie libératrice à une douce introspection mélancolique, comme ces quelques notes de piano cristallines qui viennent clôturer une très longue montée en puissance dans le morceau Burn.
Panoramique
Des subs et basses bien définies, s’enracinant profondément sous la terre, aux arpèges de synthétiseurs aigus virevoltants haut dans les airs, en passant par la multitude de pistes naviguant de gauche à droite, explorant le caractère binaural de nos deux oreilles, les sons tourbillonnent dans cet EP semblant vouloir explorer toutes les parties de la biosphère.
Stabilisé par un kick et un piano plus centrés, l’espace sonore exploré dans ces productions appelle aux grands espaces. Cette exploration spatiale des arrangements vient créer une surprise auditive constante même dans des passages plus “répétitifs” de l’EP.
Timbral
Du synthétiseur aigu saturé comme une lame de rasoir au pad le plus filtré et cotonneux, Lydsten sait jouer de différentes textures pour éveiller nos sens à des paysages sonores en mouvement. Dans cet EP, les sons semblent souvent se mouvoir et se transformer au fur et à mesure que les morceaux avancent, comme une matière qui prend vie.
On pourra peut-être regretter dans cette multitude de nappes et d’ambiances sonores un manque de mélodies véritablement identifiables, et se demander avec curiosité ce que pourrait donner cette musique accompagnée de voix. Il n’en reste pas moins que le producteur franco-danois nous offre une vraie proposition artistique avec cet EP, où les morceaux ne sont pas à écouter séparément mais évoluent dans un tout, un voyage propre. Réussissant à créer une atmosphère sonore riche et singulière qui touche presque à la synesthésie, Bias nous fait ressentir non-exhaustivement la caresse d’une brise nordique, la course fugitive du cours d’eau à travers les plaines, ou la lente progression du lichen sur la lave refroidie. À vous de voir où le voyage vous mènera.
Bias (EP, Le Café)
Le 20 juin 2024 au Point Ephemère (Paris)
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