Ce n’est pas un mystère : on a attendu cette édition 2021 du MaMA Festival avec impatience. Et c’est avec encore plus d’impatience qu’on attendait le concert de Gargäntua le jeudi soir. Fidèle à sa réputation, le duo a complètement retourné la Machine du Moulin Rouge à grands coups de beats ravageurs, de visuels sombres et de textes mordants.
Juste avant ça, on a été rencontrer les deux membres du groupe, J4N D4RK et GOD3FROY, pour mieux comprendre ce qui se trame derrière un projet aussi radical et intriguant.
Listen Up : Hello les gars, on est super content.es de vous retrouver au MaMA festival ! Pour commencer, pouvez-vous nous parler de vos débuts gargantuesques ?
J4N D4RK : On s’est rencontrés il y a 11 ans, quand on avait 15-16 ans. On n’était pas spécialement amis, on était très différents. Mais on s’est réunis autour de la Drum & Bass… Et de l’étude de l’œuvre de François Rabelais, Gargantua.
Ce qu’on a aimé dans ce livre, c’est la manière dont François Rabelais associe de grandes idées avec de la violence, du cul, du gore… À première vue, ce livre, c’est vraiment une farce. Et puis outre cette première couche, en-dessous du plat farci, il y a de grandes idées.
Très vite, on a voulu nous aussi faire de la musique avec des idées. Il y a la première couche, qui serait ce côté techno-décérébrée, de la musique faite par des machines, froide parfois… à laquelle on essaie d’injecter de l’humain, du risque, du rock. Pas « rock », au sens guitare, mais plutôt en tant qu’état d’esprit.
Listen Up : Votre musique est un mélange de pas mal d’influences différentes. Vous pourriez vous décrire en quelques mots ?
J4N D4RK : Musique post-industrielle, chanson française déviante, pop hardcore…
GOD3FROY : L’idée, c’est de faire de la musique pour danser et penser. Poétique, avec du risque, de l’engagement, de l’humain… Tout ce qui, peut-être, manque à la musique électronique en ce moment. En tous cas, c’est ce qu’on a envie d’entendre, et c’est ce qu’on essaie de faire.
Listen Up : Est-ce que ça vous parait important en 2021 d’avoir des idées, d’être militant et de faire penser à travers la musique ?
J4N D4RK : C’est toujours important. Encore plus maintenant. Je n’ai pas l’impression qu’avec le temps, les gens prennent de plus en plus de risque. J’ai même l’impression que les artistes ont de plus en plus peur de tenter des choses.
Listen Up : En parlant de prendre des risques : vous avez des visuels, des paroles qui sont assez violents. Est-ce que votre but c’est de choquer ?
J4N D4RK : Le but c’est de faire réfléchir à travers ça. Par le biais du choc, on veut que les gens se posent des questions. On fait la musique qu’on aimerait voir, qu’on aimerait écouter. Et à titre personnel, ce qui m’attire, c’est ce qui me fait me remettre en question, ce qui m’interpelle. Malheureusement, dans la musique électronique, c’est cool de danser et tout ça… mais il y a peu de choses qui m’interpellent, notamment dans les textes.
Listen Up : Vos textes ont pas mal évolué depuis vos débuts. Sur vos premiers morceaux, on avait l’impression d’un personnage qui était peut-être plus torturé. Dans le dernier son, La Mort avec Toi, c’est plus violent et incisif.
GOD3FROY : Ce n’est pas forcément toujours le même personnage qui s’exprime. Chaque morceau est pensé différemment, même si on fait toujours du Gargäntua. Ce qui explique aussi cette évolution, c’est qu’on continue à apprendre à faire ce qu’on a envie de faire. Plus le temps passe, plus on fait les prods qu’on a envie de faire, plus on écrit les paroles qu’on a envie d’écrire…
Listen Up : Dans vos textes, on retrouve le registre de l’amour qui est très présent, le religieux, la violence… Comment créez-vous cet univers ?
J4N D4RK : Au niveau de la composition, ce n’est jamais la même chose. C’est très spontané. Parfois ça part de l’instru, parfois ça part d’un gimmick, d’une phrase. Il n’y a pas vraiment de règle. On fait tout à deux, le texte et le son. Et parfois l’un arrive, l’autre suit, ou ça peut changer. Parfois il y a aussi des temps de gestation importants : 2 ans, 3 ans, 4 ans, 5 ans…
GOD3FROY : Il y a des morceaux qu’on fait dans un coup d’enthousiasme, et en même temps ça ne sonne pas comme une évidence… Et le temps passant, ça va être une phrase, une partie musicale, qui commence à nous lasser. En général, ces morceaux-là, on n’est pas pressés de les sortir. On les laisse dans les tiroirs et au bon moment, on s’y remet. Et on réussit à résoudre le problème à ce moment-là.
J4N D4RK : Parfois ça se fait tout seul. C’est le cas du morceau « J’ai faim » par exemple. Qui a été en jachère pendant 2 bonnes années. Je crois qu’on l’a écrit en 2016, et on l’a sorti en 2019 !
Listen Up : Ce soir vous jouez à un festival pro comme le MaMA, avec un projet qui est pas mal plus provoc et incisif que le reste de la programmation. Ça vous fait quoi de jouer ici ?
J4N D4RK : … Ça fait plaisir ! Pourquoi, il faut être un bon enfant pour jouer ici ? *rires*
GOD3FROY : Je pense qu’on est quand même pas mal à se faire chier dans ce qui se fait aujourd’hui. Justement, les pros, s’ils sont là, c’est qu’ils veulent découvrir de nouvelles choses.
J4N D4RK : On aimerait bien que ça suive cette tendance. Et qu’en France, on commence à être moins coincés des trucs expérimentaux, bizarres…
GOD3FROY : … et ça serait bien qu’on n’attende pas de se dire que ça marche aux États-Unis ou en Angleterre, pour se dire que ça peut marcher ici aussi.
Listen Up : Pour repartir sur le live, le côté anonyme, c’est arrivé dès le début dans le projet ?
J4N D4RK : C’est arrivé dans un second temps. Et ça nous semblait bien d’incarner des personnages qui soient autres que ce qu’on est dans la vraie vie. Ça ne nous intéresse pas de vous parler de ce qu’on a mangé à midi.
Listen Up : Mince, c’était notre prochaine question… *rires*
J4N D4RK : Très peu pour nous. On est là pour faire de la musique et du spectacle.
Listen Up : Vous avez des visuels qui sont très orientés metal. Est-ce que c’est une de vos influences ?
GOD3FROY : Oui, ça nous arrive d’en écouter. Mais après, on ne dira pas qu’on est des « metalleux », si tant est que ça veuille dire quelque chose…
J4N D4RK : Je vais peut-être fâcher quelques personnes, mais je regrette que le metal soit quand même un truc un peu fermé, où il y a un peu sexisme… Et je retrouve moins ça dans la musique électronique, qui a un côté plus universel. C’est pour ça qu’on s’est plus retrouvé dans l’electro. Par exemple, je trouve que les pogos c’est typiquement un truc où les gars sont là pour se la montrer. Dans la musique électronique, tout le monde vient, tout le monde est content.
Listen Up : Vous avez choisi pour vos visuels de vous identifier non pas à un style de metal soft, mais plutôt au black metal, qui est beaucoup plus extrême. Pourquoi ce choix ?
GOD3FROY : Déjà, c’est du metal qu’on est arrivés à l’electro. On a eu la sensation en découvrant l’electro que c’était la nouvelle violence. Dans le metal, il y a encore ce sens du spectacle, de la mise en scène, du personnage, du symbole… Qui peut-être manquent à l’electro. En fait, on est juste allés chercher ce qui nous manquait là où c’était, sans trop se poser de questions.
Listen Up : Est-ce que vous pourriez nous donner 5 films gargantuesquement sombres qui vous ont inspirés pour votre identité ?
GOD3FROY : Ça, il faut demander à notre compère J4N D4RK cinéphile…
J4N D4RK : Je vais enfoncer des portes ouvertes, mais d’abord Orange Mécanique. Ensuite Le Cuisinier, le voleur, sa femme et son amant de Peter Greenaway. Pi, avec la BO super Drum & Bass.
GOD3FROY : C’était Clint Mansell qui avait fait ça.
J4N D4RK : En fait, on pourrait donner la plupart des films de Darren Aronofski. Ensuite Phantom of The Paradise de Brian de Palma… Et Tueur né, de Oliver Stone, qui peut vraiment faire le lien avec La Mort avec Toi. C’est un sacré film de chéper, à regarder sous substance.
Listen Up : Enfin, on voudrait savoir un peu ce qui s’en vient pour Gargäntua dans les prochains temps ?
J4N D4RK : Beaucoup de concerts ! Des clips, un album ou EP… On penche plutôt vers l’album, mais à voir.
GOD3FROY : Mais ça ne sera pas avant l’automne 2022. On prend le temps qu’il faut. Ah, et le remix d’un morceau de que nos fans connaissent très bien.
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