Mettant terme à cinq années d’attente, les Arctic Monkeys publient Tranquility Base Hotel & Casino. Bien plus que le sixième album d’un des plus grands groupes actuels, il est celui d’Alex Turner, aujourd’hui leader à plein temps. Jusqu’à en devenir son album solo ? 

Comme des grands. Attendus comme aucuns en 2018, ils ont rempli, à Paris, deux Zénith en moins de dix minutes chacun. Outre-manche, une polémique morte née sur le prix des billets n’aura réussi à noircir la vente record d’une tournée des stades. Comme des grands, ils auront réussi à maintenir le suspense sur la date de sortie d’un album mettant fin à cinq ans de silence, à coup de déclarations au coin d’une rue ou au détour d’un ascenseur d’hôtel. Comme des grands, ils n’ont cédé à la tentation du single, celui qui rassure les fans et nourrit les radios avides de tubes.

Un single, ou le titre pas comme les autres, qui vous accroche l’oreille et qui ne peut être écouté qu’une fois. Des onze titres qui composent « Tranquility Base Hotel & Casino« , l’un d’entre eux est irrésistible. Four Out of Five est donc notre single. Il est, en définitive, le point central de cet album : si les Arctic Monkeys ne formait qu’un, à l’unisson, ils sont aujourd’hui un, individuellement. Alors que chacun a mené des projets parallèles depuis le dernier album en date, Matt Helders (batteur) en tête avec sa participation avec Josh Homme pour Iggy Pop, Alex Turner a pris les devants.

Comme un grand, au singulier, le chanteur-guitariste est aujourd’hui devenu leader à temps plein. Sur Four Out of Five, la moitié des Last Shadow Puppets tombe le masque et déroule entièrement son talent vocal. Sur les premières vidéos d’une tournée marathon, Alex Turner incarne ses (propres) compositions comme jamais, et joue un rôle qu’il a pris beaucoup de plaisir à interprété sur la tournée de son side-project avec Miles Kane, The Last Shadow Puppets.

« Tranquility Base Hotel & Casino », un faux troisième album des Last Shadow Puppets ? La comparaison serait réductrice tant  le guitariste Jamie Cook a pris du plaisir à mêler des arpèges sombres et reverbés, qui font l’ADN du groupe, aux claviers tout neufs d’Alex Turner.

 

Arctic Monkeys - Photo Zackery Michael

Arctic Monkeys – Photo Zackery Michael

« Tranquility Base Hotel & Casino », le véritable album solo de ce dernier ? Certains titres, comme Science Fiction, nous feraient répondre positivement. A la différence d’un autre Alex (Kapranos), Alex Turner revient grandi d’un side-project acclamé et ne prend pas peur à l’idée de mettre en avant son chant, ce qui était inenvisageable jusqu’à maintenant. Sur ce sixième album, il n’a jamais été aussi proche de son auditeur, juste derrière votre oreille. Sa voix est pour la première fois le plat principal de cet album complexe. “I just wanted to be one of The Strokes, now look at the mess you made me make » chante Alex Turner sur le titre d’ouverture, Star Treatment. La tête pensante des Arctic Monkeys a appris de ses idoles puisqu’il n’attend pas la séparation de son groupe pour colorier leur carrière de ses propres crayons. Le résultat est impressionnant de maîtrise et demande une multitude d’écoutes avant de pouvoir être saisi.

Sept ans après la bande-originale du film Submarine, ce sixième album est celle d’un jeune génie devenu adulte. Au risque que les Arctic Monkeys deviennent le groupe d’Alex Turner… La frontière est mince, et la tournée sera minutieusement observée. Si  « Tranquility Base Hotel & Casino » était attendu depuis cinq ans, son successeur le sera d’autant plus tant la prise de risque est inégalée pour un groupe dont les fans portent encore dans leur cœur les premiers efforts. Aujourd’hui, seuls les Arctic Monkeys savent où ils vont. Et nous ne pouvons que leur faire confiance… !