Tirer tout l’Acid des synthés qui lui passent sous la main? Claquer des DJ sets enflammés à la précision atmosphérique et qui font s’envoler qui les vit? Produire des remixes de 113 autant que des bombes trancy? Confier la direction d’un de ses EP à David Vunk et sortir un clip dans lequel des Cadillac tunées font des burns entre des pastèques de l’espace qui attaquent des vaches folles à coup de lasers? 

Oui, Eliott Litrowski peut tout cela. Dans un mix vaste et changeant autant qu’intransigeant, qui est entré dans une autre dimension avec la sortie de l’EP ‘Long Short Story’ (Something Happening Somewhere – 2021). On a donc capté l’artiste lors de son passage au dernier Sarcus Festival, pour lui poser la question : « Et dans tout ça, c’est quoi le son Made In Litrowski ?

Comme premier élément de réponse, et pour se donner une idée du set furieux qu’il a donné pendant le festival, rien de telle que sa session HÖR de Juillet dernier!

 

Salut Eliott. La musique que tu produis possède une identité bien marquée,  et se décline dans un éventail sonore assez large d’un EP à l’autre. Qu’est-ce qui t’oriente dans telle ou telle direction?

J’ai beaucoup de références, que j’utilise dans ma musique. Il y a de la Chicago House, il y a de l’électro de Détroit, il y a une époque où je jouais beaucoup d’Italo et ça doit se ressentir aussi. J’ai parfois du mal à définir ma musique, mais quand je demande aux gens le genre qu’il lui donneraient, c’est clairement le mot électro qui revient le plus.

Je dirais donc que je fais de l’électro, et après ce qui m’oriente ce sont les rencontres, ce que j’écoute, les morceaux qui me touchent et les manières dont je cherche à toucher les gens aussi. Je pense que ça évolue et que je n’ai pas un style extrêmement défini. Les gens aiment parfois bien poser les artistes dans des cases, mais j’ai toujours eu un peu de mal avec ça. J’expérimente, j’apprends tous les jours, je ne sais pas ce que sera le prochain EP et tant mieux, on verra!

 

En ce moment, tu es plutôt dans quel univers musical?

J’habite au Danemark, à Copenhague, et la scène y est très tournée trance et techno. Je travaille aussi avec Voiski sur plusieurs morceaux. C’est un artiste qui a un patte bien marquée et ça vient m’influencer aussi. Je dirais donc que je suis dans un univers électro avec plein de synthés, un peu trancy.

 

Tu dirais que ton move à Copenhague à changé quelque chose dans ton son?

Ouais je pense! C’est là que je sors le plus et j’attache beaucoup d’intérêt à la scène locale. La scène là bas elle est trippy, elle est trancy, elle est rapide, et forcément ça a un impact sur moi. J’irais pas jusqu’à aller là où ils vont – je vais pas être le mec qui va jouer de la techno à 150 bpm.

 

Ta description de la scène de Copenhague apporte en effet des éclairages sur certaines sonorités qu’on entend dans tes morceaux, comme ‘Speedchord‘ par exemple.

C’est un de mes morceaux préférés de l’EP (‘Long Story Short’), et ce qui est marrant c’est que c’est un des morceaux qui a été fait le plus rapidement. Je l’ai fait au fond de mon lit, un matin. J’ai pianoté cette mélodie sur mon clavier d’ordinateur et après c’est allé très vite. A la base je voulais peut être faire un morceau un peu trance pour rigoler, et au final je trouve que c’est un morceau qui me définit beaucoup aujourd’hui. Il y a ce côté très électro, ce côté rapide un peu dreamy, il y a ce synthé un peu trancy qui arrive à la fin. C’est un morceau que j’aime beaucoup, et pourtant c’est dur d’aimer sa musique!

Le clip, complètement marteau, tu dirais qu’il te définit aussi ?

Je sais pas! Le clip définit bien le morceau et l’EP. C’est clairement l’adaptation en vidéo du graphisme de l’EP. Ce qui est classe c’est aussi l’interprétation du graphiste en lui-même, qui a fait ce qu’il voulait sans aucune directive. Il s’appelle Jeff Beukema, et est affilié au label ‘Something Happening Somewhere’ – c’est un bon ami de Nuno dos Santos avec qui il travaille régulièrement. J’avais plein d’idées pour le clip, mais il en a eu une bonne avec son interprétation.

 

Tu dirais que c’est venu d’où les marteaux et les clous?

Je sais pas, le graphisme est arrivé comme ça, avec une totale liberté. Je me suis aussi adressé à ce label là parce qu’ils ont une identité graphique que je trouve magnifique. La beauté de faire un disque avec un label comme ça, c’est que tu sais qu’il y a un truc qui va arriver et que ça va être cool.

Le marteau je sais pas comment il est arrivé : ma musique n’est pourtant pas de la grosse techno. Mais il est arrivé, et ça a donné tout à coup une petite histoire à l’ensemble et je trouve ça cool.

 

Ta pratique d’architecte influe sur tes morceaux ou la manière dont tu les construits?

Peut être. Toute chose, créative ou non, que tu fais en dehors de la musique a forcément une influence dessus. Via l’architecture, ma manière de penser les choses, de prendre des décisions sur ma création, forcément ça a un impact.

 

Il y a un univers visuel fort autour de ta musique. As tu déjà été tenté de le transposer sur scène, via du Vjing par exemple?

Je sais pas. Ça demande énormément de temps, notamment d’apprendre à être VJ soi-même, et je n’ai pas le temps pour ça. J’apprécie énormément quand il y a un dialogue avec la personne qui fait les lights. Et puis je fais des DJ Sets, c’est tellement imprévisible que je ne vois pas un mec pouvoir me suivre en tant que VJ, ça doit être l’enfer.

Si j’avais un live, ce serait le cas oui. Même si j’aime le côté un peu sketchy : pas beaucoup de lumière, un petit strobe par là et puis voilà.

 

Concernant la scène de Copenhague, aurais tu des groupes à nous faire découvrir?

Oui! Il y a un groupe assez connu, mais pas tellement en France : c’est Smerz. Ce sont deux filles qui font de la pop électronique, c’est super beau. Elles ont signé chez XL Recordings, le label où il y a aussi Radiohead. Pour moi c’est un des groupes phares en Scandinavie.

En techno j’aime beaucoup Code walk, qui sont deux artistes danois qui oscillent entre techno, UK Bass, Trance avec un univers hyper psyché. Ce qui est intéressant avec eux, c’est qu’ils ont des lives magnifiques, où ils créent tout eux même en direct. Ils ont créé leur propre logiciel où ils séquencent tous leurs trucs. Il y a un côté un peu nerdy qui pourrait être super chiant, mais qui devient super intéressant dans la manière dont ils le font.

Il y a Kasper Marott aussi qui commence à pas mal monter et qui s’exporte bien. Je trouve que ses productions sont super bien faites, super complexes et super travaillées.

Dans le label de Kasper Marott (Axces Recording)  il y a un mec qui s’appelle Popmix. Super artiste qui vient de sortir un EP qui est méga beau. Genre trance, pas du tout agressive avec un peu d’EDM dedans, un peu d’Acid, super planant, une grosse claque.

 

Il y a aussi Perko, qui est écossais, mais qui fait partie intégrante de la scène danoise. Avec Solid blake, ils sont les représentants de la House UK.

Carlo&Selma, de très bons DJs à suivre qui organisent les soirées qui s’appellent ‘Group Therapy’, qui sont les meilleures soirées de Copenhague. Ce sont des soirées queer qui ont lieu une fois tous les deux mois environ. Les résidents sont très très forts.

 

Question qui n’a rien à voir : David Vunk, qui t’a accompagné autour de ton EP « Schmock Machine », il est cool dans la vie?

Il est cool et il est fun… et il est intense! David c’est un personnage, c’est un nounours. C’est un mec super sympa, super poli, super fun, il est hyper ouvert.

Et bosser avec lui c’est un délire : il sort beaucoup, il a aussi sa façon de parler et de voir les choses, c’est un punk quoi. Et faire un disque avec un punk, quand toi tu n’es pas prêt et que tu as envie que les choses soient très contrôlées, c’est un délire. C’est du travail de sortir un disque avec lui, mais ça vaut le coup et son label est bien.

Il a une vision du DJ set où il est là pour faire la fête, et où il hésite pas à passer des trucs connus pour faire chanter les gens. Il aime que les gens captent ce qui se passe et il aime les faire voler. Ça fait des années que je le suis, et je pense qu’il m’influence beaucoup, et que je partage cette vision du DJ set.

C’est quoi ton set up de studio?

C’est assez simple : j’ai Ableton en séquencer, puis plusieurs synthés polyphoniques, plein de synthés monophoniques parce que c’est mon truc.

Un MS-20, un Synthé qui s’appelle le Domino, que j’utilise tout le temps. J’ai la chance d’avoir un Oberheim 6, une belle bête, qui est devenu mon élément principal. En boîte à rythme j’ai un Digitakt où je mets tous mes samples. Et un clavier Arturia Keystep, un clavier midi qui me permet de séquencer mes mélodies hyper rapidement.

 

Tu vas retrouver des potes de Cracki Records à la Peacock Society, t’es chaud?

Oui, je suis chaud! Je suis content parce que je vais jouer avec Voiski, qui est quelqu’un avec qui je m’entends super bien en B2B. Là on a joué au Sucre et c’était la folie. Je pense qu’on a une vision de la musique qui est assez similaire.

 

Quelles sont les prochaines sorties de prévues?

Avec Voiski on bosse, donc il y a de fortes chances qu’il y ait quelque chose qui sorte!

Je suis aussi en train de travailler sur deux remixes, chose que je ne fais absolument jamais. Ce sont un peu mes premiers remixes.

 

Depuis celui de 113?

Depuis celui de 113 oui, donc retour aux sources. C’est sûr que c’est un remix qui a aidé à me faire connaître, qui est toujours joué et qui a touché des gens comme Pedro Winter. Le morceau faisait plus de 100 000 vues sur Soundcloud, ce qui était énorme, surtout à l’époque!

Les samples n’étaient pas cleanés, enfin Cracki avait dû gérer le truc. Et donc recevoir un mail de Pedro Winter quand t’as 25 ans et que t’es en amphithéâtre, tu te dis « je suis foutu » : c’est DJ Mehdi qui avait produit le morceau. Je vois son message qui me dit « Salut, je suis Pedro Winter, j’ai bien reçu ton edit de 113…

…Ça pète, je vais le jouer tous les weekends, trop bien mec, est-ce que t’as d’autres trucs comme ça?! »

Au final, je fais pas d’autres trucs comme ça, mais c’était sympa, je l’ai rencontré, il m’a invité dans ses bureaux. J’étais comme un gamin : aller chez Ed Banger, tu vois.

C’était une belle histoire, et aujourd’hui j’ai avancé, mais je suis très content que les gens le jouent, et je suis même touché qu’après 8 ans les gens le passent encore. Mais ce sont 113 et DJ Mehdi qui ont tout fait!

 

Ils t’ont contacté?

Non, pas directement. J’aurais aimé échanger directement avec eux, et ce morceau je ne l’ai pas choisi pour rien, il est juste trop beau et touche énormément de monde, surtout quand t’es parisien.

C’est un morceau intergénérationel et qui réunit. Moi je suis parisien, j’ai grandi porte de Saint Cloud, je ne suis pas né dans une tour. Mais que quelqu’un du Sud Ouest de Paris fasse un remix d’un groupe de hip hop de Vitry ça peut réunir.

J’ai eu énormément de discussions avec les mecs de Cracki par rapport à ça. Est-ce qu’il y a de la réappropriation culturelle par rapport à ça? Est-ce que c’est une bonne idée? J’ai posé ces questions à plein de monde. Et au final, tout ce que j’ai fait, c’est que j’ai permis à des DJs de le jouer. Même récemment il y a Djibril Cissé qui l’a joué sur RINSE ! Au final j’ai juste mis une 808 saturée sur un morceau de 113, et je ne sais même pas si j’ai changé le BPM.

C’était un geste très simple, et au final je suis content: tu peux avoir un mec bobo et un mec des quartiers qui vont se prendre dans les bras pour chanter ce morceau dans la même soirée !

 

Et maintenant, vers quoi te vois-tu aller ?

Je ne sais pas, ce sont les synthés qui vont me guider !