Listen Up a eu la chance de rencontrer le jeune groupe new-yorkais Geese en passage à Paris à l’automne dernier pour leur concert à l’International, peu après la sortie de leur très remarqué premier album « Projector » chez Partisan Records. Dans les locaux du label parisien PIAS, dans une salle sentant bon le kebab après une journée d’interviews, nous avons pu poser quelques questions au quintet post-punk dans une ambiance décontractée.

Maxime : D’abord, pouvez-vous nous expliquer comment vous avez formé le groupe ? Comment vous êtes-vous rencontré ?

Gus Green : Alors je suis allé à l’école avec deux d’entre nous depuis toujours. Et on jouait toujours de la musique de temps en temps au moins avec ces deux là en particulier. Et quand suis allé au lycée quand j’avais 14 ans, j’ai rencontré les deux autres, et on a en quelque sorte formé le groupe comme un projet d’enregistrement. Donc seulement un projet d’enregistrement pour faire de la musique et faire tout ce qu’on voulait et glander. Et quand Foster est arrivé, c’était quand on a commencé à écrire le contenu de ce qui allait être sur « Projector ». Voilà comment…

M : Et comment avez-vous choisi ce nom, Geese ? Est-ce une référence à quelque chose ?

GG: En fait oui, mon surnom au lycée était « Goose » (Oie en français), parce que je m’appelle Gus, et on était tellement fatigués de penser à des noms qui craignaient alors on s’est dit appelons nous juste Geese (pluriel de goose).

M : Ok, pouvez-vous me parler de la couverture de l’album que je trouve vraiment intéressante. Qui a fait ça ?

Cameron Winter : En fait, j’ai trouvé le concept et j’ai fabriqué le masque avec ces genres d’yeux d’insectes dessus. On voulait juste quelque chose de pas vraiment… Je veux dire, rétrospectivement c’était très lié aux thèmes de l’album, juste le contraste entre la lumière et l’obscurité et le mystère de cette obscurité et ce genre de choses. Et ensuite on a shooté une version de la couverture en 2019 qui était un peu brouillonne et pas professionnelle. Alors on a retenté, j’ai fait un autre masque et Foster était sur la couverture en fait, c’était lui qui a enlevé son t-shirt et qui est allé dans le froid et l’a fait une nouvelle fois. Et ensuite cette version a aussi pas fonctionné… Alors on est retourné dans le froid glacial, j’ai réparé le masque qui était mal fait avec du carton, donc juste pour un shoot et ensuite il se désagrège. Et Foster a enlevé son t-shirt à nouveau, et là c’était la prise magique.

M : Et avant d’enregistrer l’album, est-ce que vous aviez quelque chose de précis en tête ou ça s’est passé au fur et à mesure ?

GG : En fait, les trucs qu’on faisait avant étaient un peu plus progressifs, vraiment croulants sous leur propre poids en vérité. Et on aime toujours ce genre d’éléments comme des choses plus électroniques et ambiantes et aussi plus heavy, mais on voulait empaqueter le tout dans quelque chose de vraiment plus raffiné et défini. Ce que je veux dire, c’est qu’on pensait pas vraiment à ça sur le moment, mais c’est comme ça que ça s’est déroulé. On voulait surtout écrire des chansons plus basées sur les guitares.

M : Donc vous aviez démarré sur des choses plus électroniques à base de synthé ?

GG: En fait pas vraiment électronique, plutôt très pink-floydesque, king lizzardesque… On essayait d’écrire des chansons en 7/4 qui allaient durer 8 minutes avec genre 3 guitares dessus. Mais pas facile de transposer ça dans beaucoup de contextes…

M: A propos de ça j’avais une question justement, je trouve que l’album sonne très live, on a l’impression de vous entendre jouer dans une salle quoi. Est-ce que c’était intentionnel d’aller vers un son qui n’a pas l’air d’être une machinerie de studio ?

GG: Je dirais ça oui.

CW : Oui carrément. En fait, on a acheté assez de matériel pour qu’on soit capable d’enregistrer en live comme ça. C’était quasi que des overdubs avant ça. Mais c’était important pour nous qu’on puisse jouer toutes les chansons d’un seul coup, si pas pour le simple fait de jouer en live, au moins pour des questions de temps… C’était juste beaucoup plus facile de tout jouer d’un seul coup.

GG: Et c’est une toute autre énergie quand tu overdubs ta propre chanson tu vois ? Tellement de ce qui se passe est dans l’interaction entre les guitares, la basse et la batterie à un moment précis. Donc je pense que c’était ce que j’avais à l’esprit au moins.

M : Vous aviez déjà joué ensemble avant la pandémie ?

GG: Ouais.

M : Et vous aviez déjà fait des concerts ?

GG: Pas beaucoup de concerts. Probablement 7 ou 8 au total, et ça sur les 3 ans sur lesquels on se lançait dans tout ça. En fait on a commencé en 2016.

M : Ca a dû être une vrai transformation depuis ce temps.

GG: Oui. Complètement. On était des personnes complètements différentes, et donc on est plus ou moins un groupe complètement différent.

M : Je voulais discuter de ça, vous parliez de plusieurs groupes progressifs comme King Gizzard. On entend pas mal d’influences sur ce disque. Est-ce que vous avez consciemment choisi de vous inspirer de certains groupes ? Vous avez des influences communes dans le groupe ?

GG : Je crois que oui. C’était plutôt les groupes modernes, j’imagine qu’on peut les qualifier de post-punk qui font des choses sur la scène londonienne de nos jours. Et juste la façon dont ils donnent… Juste la façon dont ils utilisent la combinaison d’une basse avec deux guitares et une batterie. C’était comme trouver l’équilibre entre la mélodie et la dissonance qui était vraiment très intéressant.

CW: Et même plus que ça, le fait qu’on soit si jeunes, et qu’ils ont quasi le même âge que nous en étant si bons à leurs instruments, si audacieux dans ce qu’ils font que ça a placé la barre plus haut pour ce qu’on essayait de faire personnellement.

GG: Oui on avait plus l’habitude des groupes qui étaient dans leur trentaine.

CW: Donc c’était vraiment juste qu’on avait aucune excuse pour ne pas faire quelque chose d’aussi bien que possible.

M : De quelles groupes vous parliez exactement ? Les groupes qui viennent pour beaucoup du Royaume-Uni en ce moment comme Idles, Fontaines DC…

GG : On a écouté tous ces groupes dans la cave où on a enregistré ces chansons mais aussi passé beaucoup de temps à juste être ensemble, se parler et écouter toutes ces musiques.

M : On entend aussi pas mal d’influences plus anciennes dans votre musique, j’ai beaucoup pensé à Television par exemple avec les guitares…

GG : Oui ça c’est un excellent exemple. Ils sont tellement angulaires quand ils jouent. Chaque partie de guitare est géniale.

CW : Ils sont complètement merveilleux. Ils font tellement, ils créent tellement de profondeur, d’émotion avec une esthétique punk en dénudant tout jusqu’à son minimum. Ils font tout ça très bien, et la voix de Tom Verlaine est bizarre mais complètement merveilleuse.

M : Il y a ça dans l’album aussi et puis des groups plus récents comme Deerhunter ou Radiohead periode “In Rainbows” qu’on entend dans l’atmosphère et même la voix.

GG: Oh oui, j’aime tous ces groupes, qui sont très concentrés sur le contraste entre deux différentes ambiances et je crois que qu’on essaye d’aller vers ça, parrce que je trouve que ça rend toute musique intéressante. Donc je crois qu’on essaye d’aller vers ça toujours plus.

M : Qu’est-ce que ça fait de pouvoir jouer des concerts, surtout ici en Europe ? Vous avez déjà joué quelques concerts ces derniers jours ?

GG : Ouais trois concerts à Londres.

M : C’était comment ?

GG : Incroyable. (demande à Dominic DiGesu, bassiste), tu as le fil avec toi ? On a joué à The Windmill et on regardait des vidéos sur Youtube depuis des années de groupes là-bas. Alors quand on y était et qu’on a vu les fils (caractéristiques de l’arrière de la scène du Windmill) qu’on voit dans toutes les vidéos…

M : Ah oui c’est ce qu’on voit à l’arrière effectivement !

GG: Ouais on se disait oh merde on est vraiment ici et donc on en a volé pour nous-mêmes. C’était cool parce que les gens ici ont l’air d’apprécier de la musique plus cérébrale que les jeunes à New York, au moins de ce que je peux en juger, alors j’étais excité de pouvoir jouer ici.

 

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M : Vous jouez ici demain à L’International, qu’est-ce que vous attendez du concert ?

GG: J’ai entendu que ça allait être fou. Ca sera en tout cas probablement assez bondé.

CW : On était si excités pour ça… En fait on vient d’entendre que ça allait être un des concerts les plus excitants de la petite tournée qu’on fait.

GG : On est très excités d’entendre jouer Endorphin Transistor.

M : Vous les connaissez ?

GG: C’est de vieux amis de Max (le batteur) qui ont formé un groupe et qui sont de Paris.

M : Je les connaissais pas.

GG : Ils ont rien sorti pour le moment, mais ils sont supers.

M : Je voulais parler de l’essor du post-punk ces jours-ci, est-ce que vous avez le sentiment de faire partie de de ce movement ? Que pensez vous de cette appellation ?

CW: En fait on l’aime pas trop globalement, pas parce que c’est pas nécessaire mais parce que c’est incorrecte. Je vois des gens qui pensent ça juste parce que c’est de la musique rock qui n’est pas super flashy en termes de grands arrangements ou ce genre de choses mais c’est seulement basé sur l’idée que les instruments sont dépouillés…

GG: Comme toujours, comme tu as dit avant, pleins de choses sont labelisées post-punk de nos jours qu’on ne sait plus très bien ce que c’est. Je pense que la musique qu’on appelle comme de cette façon recèle bien plus que ça. On a pleins d’autres influences mais la réduction au post-punk est vraiment… Je sais pas, c’est une réduction quoi.

CW: Le rock contient bien plus de sens.

GG : Le rock contient bien plus de sens !

M : Vous avez signé sur Partisan Records qui est un super label, comment êtes-vous entré en contact avec eux ?

GG: On a juste montré l’album à beaucoup de gens et on a eu beaucoup de réponses. C’était un des labels qui est arrivé vers la fin du processus. Et puis le fait qu’ils soient basés à Brooklyn et à Londres donc on a pu géographiquement parler avec eux. Ils ont semblé excités et intelligents et avisés et puis prêts à pousser le disque aussi loin qu’on le souhaitait. Et je me suis senti toujours plus OK avec l’idée de travailler avec eux. L’important c’est vraiment les gens avec qui vous travaillez. Je pensais beaucoup au catalogue de groupes quand je cherchais des labels, mais c’est en fait une équipe de gens qui sont vraiment super, juste super.

M : A propos du futur du groupe, quelle est la prochaine étape ? Une tournée ? Un enregistrement ?

Dominic DiGesu: Ces deux choses. Depuis que l’album a été enregistré y’a 2 ans on a eu tout ce temps pour se concentrer sur quoi faire ensuite. Pouvoir sortir des nouvelles choses, c’est ce qui nous excite le plus en ce moment. Bien sûr faire des tournées aussi, mais on aime vraiment beaucoup enregistrer.

M : Donc vous vous voyez plutôt comme un groupe studio avant d’être un groupe de tournée ?

GG: Oui c’est vraiment comme ça qu’on s’est formé. J’adore jouer en live mais c’est totalement différent. Mais il se trouve qu’on fait des nouvelles compositions tout le temps. Donc on est juste en train de travailler sur beaucoup de nouvelles choses qui semblent… Je sais pas je veux pas dévoiler, il y a juste de la nouvelle musique qui arrive, voilà.

CW: C’est fou parce qu’on pensait pas que la première fois en Europe serait sold out comme ça. On doit renvoyer des personnes des concerts. C’est juste très bizarre.

GG: Merci Dieu pour l’Internet. Non je suis content. Mais comme on disait tout à l’heure, on a enregistré l’album comme une capsule temporelle. C’est de ce point de vue très loin d’où nous sommes aujourd’hui. Et on écrit de nouvelles choses depuis presque un an maintenant tu vois. Ce qui m’excite le plus c’est que les gens entendent les prochaines chansons.

M : Sans trop rentrer dans les détails bien sûr, est-ce que ça ressemble au premier album ?

GG: Je vais juste dire “non” (rires).

CW : On va jouer de nouvelles chansons demain. En fait on va même probablement commencer le set avec une nouvelle chanson.

GG: Si tu veux entendre de nouvelles chansons, on en joue habituellement deux ou trois par concert.