Parmi les artistes que nous attendions lors de ce MaMA festival 2022, un groupe est souvent revenu dans la bouche des rédacteur.ice.s. Il s’agit de The Psychotic Monks, quatuor alternatif et noise, véritable électrochoc de la scène indé française de ces dernières années.  Avant de les découvrir sur la scène de la Machine du Moulin Rouge, Listen Up! a eu la chance de rencontrer 2 des membres du groupe pour une interview. Débuts du projet, influences musicales, scène indépendante britannique et rencontre de ses idoles : voici quelques-uns des nombreux sujets abordés au cours de 36 minutes hors du temps.

Listen Up : Salut Martin, Paul ! On est super heureux.ses de faire cette interview avec vous. Commençons par le commencement, pouvez-vous nous parler des débuts du groupe ? 

Martin : On se connait depuis bien avant le début du groupe. Je connais Paul depuis qu’il a quatre ans et moi sept. On a quasiment grandi ensemble et on a commencé la musique ensemble. Après, on a fait un peu chacun notre chemin. On s’est retrouvés en 2015 autour d’un premier projet.

Paul : On a formé le groupe à ce moment-là, puis on a commencé à tourner en 2016. 

LU : Vous avez eu des projets avant ? Vous avez des noms à donner ou ça doit rester confidentiel ?

Martin : Il y en avait pas vraiment un, mais on a fait nos premières reprises ensemble.

Paul : On a commencé, un peu comme tout le monde, avec le dispositif Emergenza. On était un groupe de collège-lycée, on avait nos potes à la fin des concerts qui étaient en mode “votez pour eux” (rires). On est allés jusqu’au New Morning. Et du coup, on découvrait tout ça ensemble.

Bon avec le recul, ça puait un peu l’arnaque… (rires)

LU : Votre projet a une identité propre dans la scène rock indé française. Est-ce que vous pouvez nous parler de vos influences ?

Paul:  L’influence la plus obvious : on a enregistré le dernier disque avec le bassiste de Gilla Band. C’est un groupe qu’on a pas mal écouté et suivi depuis quelques années. Mais on est passés par plein de phases. Il y a eu du Sonic Youth, du Birthday Party… Des trucs plus électroniques aussi, même si ça se ressent peut-être un peu moins. Par exemple, j’avais regardé le documentaire Sisters with Transistors sur des pionnières de la musique électronique. Ça nous a donné envie d’aller dans des terrains un peu plus électroniques. 

Martin : C’est assez multiple. Même au sein de nous quatre, dans le groupe, il y a plein d’influences différentes en fonction de ce qu’on écoute. Et sur tous nos albums, on était dans différents délires musicaux. Le premier était très psyché, heavy-psyché avec des influences un peu stoner. Le deuxième, à force de tourner, est devenu un peu plus punk et noise. Et après deux ans de pandémie mondiale, pendant lesquels on a été pas mal enfermés dans une chambre, il y a un peu plus d’influences électroniques, puisque c’était un peu la seule musique qu’on pouvait faire. 

LU : Votre nouvel album a été produit par Daniel Fox, bassiste de Gilla Band. Comment en êtes-vous venus à travailler avec lui ? 

Paul : On est passés par notre label anglais, Fat Cat Records. Jusqu’à présent, on avait l’habitude de s’auto-produire, surtout en ce qui concerne les prises de sons. Cette fois, on a travaillé avec nos labels, Vicious Circle et Fat Cat. Ils nous ont demandé si on voulait travailler avec un producteur. On avait pas trop trop d’idées, et on a un peu balancé ça comme une blague… “Si vous connaissez le bassiste de Gilla Band…” (rires). Il a été contacté par nos labels et il était partant. 

LU : En quoi ça vous a influencés de travailler avec lui ? 

Paul : D’un côté tu sais que tu vas rencontrer quelqu’un que tu as beaucoup écouté, et d’un autre que vous allez passer 19 jours ensemble au même endroit… En fait ça s’est vraiment bien passé, parfois il était en mode “j’ai envie de m’y reconnaître”, mais souvent il avait le truc cool de nous dire “I don’t care, it’s your record”. En plus, on était dans un contexte un peu particulier. On était dans un studio dans le sud de la France, à Véga, près de Carpentras, où on pouvait enregistrer jour et nuit. 

Tout s’est super bien passé et c’est vraiment le genre de truc où tu te dis “OK, j’ai coché une case”.  Bon, du coup après, j’ai fait une petite pause de Gilla Band. (rires)

Martin : Globalement, la collaboration s’est super bien passée et on a appris plein plein de choses. Et puis c’était une manière un peu particulière de travailler. On a mixé l’album dans la foulée, on a vraiment tout fait en 19 jours. C’était la première fois qu’on travaillait comme ça. 

Paul : Il y avait aussi différentes mains sur la console, ça aussi c’était intéressant. On était sur une vieille console analogique. Et dès le premier morceau, il était en mode “il faut activer tel fader à tel moment”, on était à quatre dessus… C’était organique, c’était super. 

LU : Vous appuyez beaucoup sur le fait qu’il n’y a pas de lead dans votre projet. Est-ce que ça joue sur votre processus de création ? 

Martin : Oui, carrément. Le dernier album a été composé entièrement à quatre parce qu’à l’origine, c’était des jams. Il y a un seul morceau qui a été amené par Clément, le batteur. Mais c’est le seul morceau comme ça, qu’il avait composé un peu avant sur son petit huit-pistes dans sa chambre.

Mais sinon, le reste vient vraiment des deux ans covid, quand la musique était un peu notre exutoire. On avait la chance d’avoir accès à nos studios puisqu’on est résidents à Mains d’Œuvres, à Saint-Ouen. C’était un peu spécial, on était tous seuls dans ce grand complexe… Mais on avait la chance d’avoir des attestations pour aller répéter. On se retrouvait là, et on faisait de la musique. C’était même pas une volonté de composer. C’était plus un exutoire. Et on a enregistré des gigas et des gigas de jam. Ensuite, on les a découpés, on les a transformés, on a écrit dessus et c’est comme ça qu’on a créé l’album.

LU : En parlant de ça : qu’est-ce qu’on peut attendre de votre troisième album, Pink Colour Surgery, qui sortira le 2 février ? 

Paul : On a un peu voulu sortir du côté “Chapters” et de ce qu’on a fait sur les deux premiers. À titre personnel, je n’ai pas, sur ce disque-là, la frustration que j’ai pu avoir sur les deux premiers de l’ordre de “c’est cool, mais il faut être venu à notre rencontre en live pour apprécier les morceaux”. Personnellement, c’était souvent les retours que j’avais. Et là, j’ai l’impression d’avoir réussi quelque chose dans le sens où les morceaux qui ont été enregistrés pour le studio se suffisent à eux mêmes. C’est quelque chose que je trouve très cool. Et puis il y a eu de nouveaux instruments, de nouvelles manières de composer avec les jams…

Martin : C’est aussi la première fois qu’on a un an et demi pour composer, sans un seul concert. Avant, c’était un peu des allers-retours entre le travail en concert et en studio, même si parfois, il y a un sacré décalage entre les deux. Cette fois, quand on est arrivés en studio, on fantasmait plein de trucs de production, et on s’est finalement rendus compte que vu qu’on avait eu énormément de temps, après les prises live, les morceaux étaient déjà sur-arrangés.

Sinon, sur le nouveau disque, il y a des influences un peu différentes par rapport aux deux premiers. On essaie de se détacher de ce qu’on a pu faire par le passé, de côté, très “dark”, des références un peu profondes avec ce côté “Chapters”, du côté fumeux, romantico-je ne sais quoi…. On avait envie de quelque chose un peu plus… Moi, ce qui me vient, c’est “léger”. Mais je me rends compte que pour la plupart des gens ça ne sonnera pas bien. (rires)

Enfin, ce que je veux dire c’est qu’on est allés chercher des influences un peu plus dansantes, un peu plus ouvertes, lumineuses.

LU : Vous avez sorti il y a quelques semaines un nouveau single, “Post-Post-”. Est-ce que vous pouvez parler un peu du sens de cette chanson, de son titre ? Le fait de parler de “post” fait référence au post-punk ? Est-ce que c’est une blague ou quelque chose de plus sérieux ?

Martin: Les deux je pense. Il y a un peu de second degré au niveau du sens du morceau. Je suis peu à l’aise de parler pour quelqu’un d’autre du groupe malheureusement parce que le seul truc qu’on fait pas à 4, c’est les textes. Et là, la personne n’est pas là. C’est des choses qui sont très personnelles. Après, dans le titre il y avait clairement une idée de “post- les deux dernières années”…

Paul: À la base le titre de la jam, c’était “post-post-post”. (rires) 

Martin: Ça venait d’une jam. Des fois on écoute on se dit : “mais qu’est-ce qu’on fait ?” Et puis on met des blagues derrière des styles de musique. Puis il y a plein de trucs qui se passent en ce moment, surtout dans l’esthétique rock et post. Ça nous est resté.

Paul : Sans parler des paroles en soi, il y a plein de résonances. Par exemple, le fait qu’à un moment il soit répété “Post romance”… Pour moi, ça résonne aussi vis à vis du groupe, de l’identité, de notre envie de  sortir de quelque chose de trop romantique. Et c’est un morceau bien plus dansant et consensuel. C’est un peu bête, mais là on a un passage avec un kick sur tous les temps ; il y a six ans, quand on a commencé le groupe on avait des a priori, on se disait que jamais on ferait un truc comme ça, parce que ça ne nous intéressait pas. Du coup, c’est un peu l’idée qu’il ne faut pas dire qu’on fera jamais ça ou ça. C’est chouette. Les choses évoluent.

LU : Dans vos deux albums, il y a des morceaux avec des noms comme “Part” ou “Chapter”. C’est quoi l’histoire derrière tout ça ? 

Paul : On s’auto-influence de références cinématographiques, et on est tous fans de B.O. Pour les disques, on s‘est retrouvés sur l’envie de faire des albums où tu pouvais appuyer sur play au début et être embarqué, et avoir des tracks comme ça c’était un peu des indices. En tous cas, moi je le vois comme ça. On vous propose une histoire. Après on a peut-être pas tous les mêmes histoires en tête, même si on s’est mis d’accord sur l’ordre des morceaux. Mais ce n’est pas non plus quelque chose qu’on a formulé entre nous, en mode “ça, ça parle de ça”, ou “l’histoire, c’est autour de ça”. 

À l’époque du premier album, avec Martin, on faisait beaucoup de jam assez ambient. Au final, quand on a voulu sortir le premier disque, on n’avait pas dix, douze ou quinze tracks sur lesquelles on était hyper convaincus. Du coup on s’est dit que ça serait cool de meubler aussi les quatre-cinq tracks avec des moments plus ambient, qui pourraient s’apparenter à de la B.O. Au final, ce format-là nous a plu et on a voulu faire un peu pareil sur le deuxième disque, avec le côté “Chapters”.

Pour le deuxième disque, on a aussi eu la possibilité de faire des vinyles. Sur le premier, ce n’était pas possible vu qu’on était complètement autoproduits. Mais pour Private Meaning First, on a pu faire un double vinyle avec quatre faces, et donc on a voulu faire quatre parties. Comme ça, tu peux écouter le chapitre 3, le chapitre 2… Après, c’est aussi quelque chose qu’on peut se raconter pour donner du sens à la création. Jusqu’ici on est un groupe qui prend beaucoup de sens par le live. Pour le disque, c’est parfois complexe de retranscrire cette énergie. 

Martin :  C’est histoire d’aller un petit peu plus loin que l’objet et trouver des points de repères, des références, à partir de ce qui nous a influencé pendant l’enregistrement. Après, l’idée, c’est à la fois de donner des points de repères… et de brouiller les pistes. On laisse les gens y réfléchir, se faire leur propre idée et leur propre interprétation. Sur le prochain disque, ça sera un peu différent.

LU : Comment est-ce que vous avez rencontré votre label, Vicious Circle ?

Paul : Je ne sais plus exactement comment c’est venu, mais à l’époque on a démarché Philippe, qui gérait le label. On s’est retrouvés un matin et on a discuté pendant trois heures. Finalement, on a pas vraiment discuté d’une collaboration Psychotic Monks – Vicious Circle. C’était plutôt une rencontre, pour parler de qui on est, de ce qu’on fait… Il y a vraiment eu quelque chose de cool.

Il avait déjà vu un ou deux de nos concerts. Je crois que ça a dû lui prendre un peu de temps parce qu’il a vu des concerts où c’était quand même un peu chelou… (rires)

Martin : Finalement, c’était vraiment une rencontre humaine plus qu’autre chose. Avant, il nous avait vu en concert à Vendôme, dans une toute petite cave. Il était venu, et il nous a dit qu’il avait bien aimé, mais qu’il n’était pas encore hyper convaincu. Il avait trouvé ça un peu trop expérimental. Maintenant, vu le concert… (rires)

Malgré tout, ce jour-là, il était de passage à Paris et il était partant pour nous rencontrer. Il était censé passer une heure, il avait un rendez-vous après. En fait, il est resté trois heures. On a parlé de musique, de cinéma, de plein de trucs et il nous a signés. Et on a appris après qu’il n’avait même pas écouté les démos (rires). La première fois qu’il a écouté l’album, c’est quand il était terminé.

Paul : Il avait cette philosophie de ne pas écouter les démos, parce qu’on s’y attache. Et après, quand le groupe enregistre en version def, il perd un peu de ce qu’il aimait. C’est une sensation que je peux comprendre. Nous-même, parfois, on enregistre des démos et on se dit qu’on a trouvé quelque chose de trop bien dans ce morceau. Et quand on réenregistre, ça ne rend plus pareil. 

Martin : Cette rencontre est à l’image du label. Ils nous donnent la liberté de faire ce dont on a envie, ils nous font confiance.

LU : Vous avez déjà fait plusieurs tournées aux Royaume-Uni. Une de vos vidéos les plus vues est votre session KEXP, qui a été commentée par beaucoup d’anglophones. Quel est votre lien avec le public britannique, et plus largement anglophone ? 

Paul : On a fait quand même beaucoup plus de dates en France, enfin, dans des pays non-anglophones, mais à chaque fois qu’on se retrouve en Angleterre, que ce soit les groupes avec qui on partage les soirées ou les gens qui sont là, il y a un peu un truc en mode… Les gens sont étonnés qu’on soit français et qu’on joue cette musique. On le prend un peu comme un compliment.

Après, même au Royaume-Uni, on est dans des réseaux indés, donc des fois on fait des concerts à 20 personnes, des fois à 300 ou 500 personnes. Mais je pense qu’on a envie d’avoir l’aval de ces gens-là, vu qu’on chante en anglais et que la plupart de nos influences viennent de là-bas.

Martin : C’est assez logique vu que la plupart des artistes qui nous influencent sont britanniques ou anglophones. J’ai la sensation quand on joue là-bas que les gens sont un peu moins ébahis, qu’ils se disent moins “c’est de la musique cheloue”… Après j’ai pas forcément envie de dire qu’on est mieux compris parce qu’on a un public en France qui est très à l’écoute et réceptif. On a un vrai soutien.

LU : C’est quoi votre point de vue sur la scène actuelle du Royaume-Uni ?

Paul : Ils ont… 15 ans d’avance ! On écoute pas mal les groupes comme Black Midi, Black Country, New Road, Giant Swan aussi, qui est un duo de Bristol mi-noise, mi-techno. 

Martin : J’ai toujours cette sensation de creuser, creuser… Et puis d’un seul coup, il y a un groupe qui sort d’Angleterre, ils ont 17 ans et demi et la première fois que tu les vois en live, tu te dis “Ok, j’ai rien compris… Mais je vais y penser pendant très longtemps”. C’est beaucoup de choses qui sont hyper inspirantes.

LU : Sur scène, on a l’impression que vous proposez une performance millimétrée tout en gardant une part d’impro et de lâcher-prise. Comment est-ce que vous travaillez vos lives ?

Martin : On répète beaucoup. Je sais que c’est un peu perso, mais je pense qu’on se rejoint pas mal là-dessus. On est pas hyper fans du côté “on fait un disque et après, sur scène, on joue exactement le disque”. Sans aucun jugement, mais moi quand je vois ça en allant à des concerts je m’ennuie très vite. Sur scène on essaye de créer quelque chose, de partager un moment. Et on se laisse beaucoup de passages pour des moments libres. 

C’est aussi venu avec le fait de faire la tournée, avec beaucoup de concerts. On s’est rendus compte qu’à force de jouer la même chose tous les soirs, il y avait un côté un peu répétitif. Du coup, on veut se laisser plus de temps libre en fonction de ce qu’il se passe, de ce qu’on ressent. Laisser vivre les choses, en fonction des autres aussi, si on va dans le public par exemple… Si l’un de nous va trouver quelque chose à faire parce que ça lui parle sur le moment, l’idée c’est qu’on puisse s’adapter à ça. Ça se travaille d’un concert sur l’autre. On essaye de voir nos sets comme un moment qui va du début à la fin, sans parler au public parce qu’on a du mal à le faire. Des fois, il se passe quelque chose. On se dit que c’était intéressant et on le retravaille en répétition.

 Paul : Je pense qu’on est un peu différents sur ça aussi. Je sais que de mon côté, je travaille énormément les lives en répétition pour essayer d’avoir le côté mécanique, pour essayer de ne plus regarder où tu places tes doigts sur ton manche et pour plutôt essayer de capter des regards et faire vivre la scène. Ça passe par beaucoup de répétitions. Il y a quelque chose de mécanique, de partitionné. Par exemple, je sais que parfois si mes claviers ne sont pas à la bonne distance… je vais me planter. (rires) 

En termes de choré, de danse, c’est des choses communicatives qui sont intéressantes à bosser. Et vraiment, on est des schtarbés, on bosse tout le temps, dès qu’on veut aller plus loin sur de nouveaux morceaux. Je pense qu’en 2019, on s’est retrouvé enfermés à jouer un peu le même set tous les jours, avec en plus des émotions assez éprouvantes. On répète ça et on répète ça et on se fait applaudir pour ça entre chaque chanson… Au bout d’un moment on avait l’impression que les gens attendaient qu’on interprète certaines émotions, la dépression par exemple, et qu’on représentait ça. Et ça finit un peu par bouffer notre identité. Donc on essaye d’avoir des alternatives pour ne pas se retrouver piégés dans la même histoire, dans un set, et pouvoir insérer un côté plus jam. Par exemple, on sait qu’à partir de ce moment-là, on peut jammer. On sait d’où on part et où on arrive, mais entre les deux on se laisse libres.

Martin : Bizarrement, plus les choses sont structurées et partitionnées dans notre tête, plus on se sent libres d’en sortir. Parce qu’on sait qu’on a des points de repère.

LU: Vous jouez ce soir au MaMA. Comment vous vous sentez par rapport à ce genre de festival de showcases ? Le MaMA, le Printemps de Bourges, Eurosonic, les Trans Musicales…

Martin : On peut pas nier que le groupe est aussi un produit. On est plus ou moins à l’aise avec ça. C’est des choses qui mettent la pression, parce que d’un côté on arrive à vivre grâce à ce groupe, et c’est une vie géniale, passionnante, avec beaucoup de voyages et de rencontres. Et il y a des moments où on sait que c’est les moments pro, où il faut faire bonne impression. Et nous on est toujours en mode : “non, il faut faire mauvaise impression” (rires). C’est un peu du sabotage, on aurait envie de dire “fuck” mais d’un côté ça ne va rien changer. Ne pas venir, c’est plus simple, mais on a envie d’aller au plus loin. On est des bons élèves au fond.

Je pense que ce qui a un peu changé, c’est notre envie d’aller au plus loin. Avant le covid, on se posait pas trop la question, alors que maintenant on veut vraiment aller au plus loin, tout en prenant soin de nous. Comme beaucoup, c’est notre rêve de partir et faire 100 dates sur l’année, mais il faut être un minimum stables pour faire ça. Nous on on fait notre taff, être sur scène, et on a de la chance de faire un métier qui nous passionne. C’est un festival pro, on a la chance d’être bien entourés aussi, avec des gens qui sont pro aussi et qui font leur taff. C’est peut-être un peu cliché mais on essaye de se concentrer sur nos musiques, sur ce qui va se passer ce soir entre 22h45 et 23h45, et sur le reste on a chacun nos sensibilités. On ne va pas cracher dans la soupe, on est là. Maintenant, on se dit qu’il vaut mieux y aller doucement que de partir comme une fusée et être épuisés.

LU : Ça c’était bien passé Eurosonic ?

Paul : C’était un des concerts les plus “what the fuck” de notre carrière. C’était au Vera. C’était complètement absurde de voir dans les loges tous ces gens, le crew de Joy Division, de Birthday Party… Je crois qu’on y a joué 32 ans jour pour jour après Joy Division ou quelque chose comme ça. Il y a eu aussi d’autres artistes qui y sont passés, comme Nick Cave, qui nous collent à la peau…

LU: C’est vraiment légendaire, la première salle qui a fait jouer Nirvana en Europe…

Martin : Et c’est marrant aussi parce qu’on peut avoir des ressentis post-concerts super différents. Parfois on a pas du tout vécu le même moment. Pour moi c’était un des meilleurs concerts au niveau des ressentis. Peut-être parce que j’avais arrêté de boire à cette époque-là, j’étais hyper sobre et lucide et j’ai passé un bon moment. Je me suis ditdis “ah oui, ça peut se passer comme ça la musique aussi”. C’était un moment assez magique. 

Alors que notre autre guitariste était en train de dire “mais qu’est-ce qu’on fout là, on est des imposteurs” (rires). Des fois on a l’impression que ça ne dépend pas de nous en fait. Il suffit que les gens soient dans une bonne ambiance, et que quelqu’un mette la bonne énergie…

The Psychotic Monks sera en concert à La Maroquinerie à Paris le 22 mars 2023.

Leur troisième album ‘Pink Colour Surgery’ sortira le 3 février sur Vicious Circle Records et Fat Cat Records.

Interview par Maxime Zimmermann, Mickaël Burlot et Anaëlle Landi

Photos par Mickaël Burlot