Ayant les yeux rivés sur cette bombe rock depuis Septembre dernier, avant leur passage aux Inrocks Festival en Novembre 2018, on était bien chauds d’enfin interviewer Fontaines D.C. pour leur passage à la Villette Sonique 2019. Plus curieux d’aller poser des questions à leurs acolytes du soir, Just Mustard (interview à retrouver ici), avant leur concert au Point Ephémère, le 22 Avril dernier on avait remis ça à plus tard.
On a enfin mis le grappin sur les boys de Dublin dans leur hôtel, proche du parc de la Villette. A voir l’énergie déployée dans leur réponse par ces nouveaux poètes Irlandais en ce Dimanche matin, on était loin d’imaginer qu’ils allaient devoir annuler leur concert du soir. Mais bon, dans un festival hors normes, en présence d’un groupe qui l’est tout autant, tout peut arriver.
Rattrapage pour les déçu(e)s à la Route du Rock ou au Bataclan le 10 Novembre, et dans l’interview de Fontaines D.C. , Made In Listen Up!, qui suit. Présentations:
Salut les mecs. En quelques mots, comment décririez-vous Fontaines DC?
On est un groupe de Rock n’roll, de Dublin, et on veut dire les choses de manière aussi authentique que possible.
Vous dites passer pas mal de temps dans les pubs. Et en tirer beaucoup d’inspiration, de morceaux de vie authentiques. Quel est votre QG?
Il y en a deux. Le Garage bar, où on est allés parce qu’ils jouaient tout le temps du garage sixties et qu’ils servent de la bière pas chère. C’est là qu’on s’est rencontrés. Et l’autre s’appelle le Kiosk, qui est celui où a été prise la photo qui apparaît sur la face arrière du vinyle, sur laquelle on est tous ensemble. Le genre de bar Irlandais typique, où on te sert du whisky, de la Guinness, tout ça… Où on chante des chansons, où on écrit de la poésie sur des petites tables, en se passant les textes les uns aux autres.
« On fait de la musique juste comme on veut l’entendre. »
Concernant vos relations avec les groupes qui composent une sorte de vague rock irlandaise qu’on sent monter actuellement, comme Girl Band, Just Mustard, ou The Murder Capital, est-ce qu’on peut dire que vous formez comme une famille ?
Ouais, on peut dire qu’on est à moitié une famille, à moitié amis, et à moitié en stage les uns chez les autres. On a appris de Girl Band, les autres ont appris pas mal de choses auprès de nous plutôt en terme de business.
Girl Band a créé comme un langage, éloigné des formes classiques de composition dans le rock. Ils ont mis l’accent sur l’idée de jouer des instruments non pas à partir ce qu’ils avaient pu apprendre ou savoir, mais en fermant les yeux et en se posant la question : « qu’est-ce que je veux entendre ? » Ça peut paraître stupide, mais ça a été quelque chose de fort dont toute la scène musicale de Dublin a pu apprendre. On fait de la musique juste comme on veut l’entendre. Ça a apporté beaucoup de liberté à nous tous de le faire de la sorte.
Comment vous êtes-vous rencontrés, entre vous, Fontaines D.C. , et les autres groupes dont on a parlé avant ?
Nous on s’est rencontrés au Conservatoire, et ce qui nous a rassemblés c’est le fait qu’on écrivait de la poésie.
Pour les mecs de The Murder Capital, c’était assez bizarre. On était en train de boire à côté du Garage bar après y avoir joué. Il y avait ce mec appelé James, qui organisait un concert avec son groupe, qui s’appelait James Mcgovern à ce moment là, dans la salle de concert juste à côté de la nôtre, ce qui s’était pas mal entendu pendant qu’on jouait.
On est allés le voir, il était assez timide à ce moment là, mais très « close cool », essayant de jouer de son style. Carlos et moi l’avons attrapé et on lui a dit: « on doit devenir potes avec toi ou saboter ton concert » (comme il avait perturbé le notre). A partir de là on s’est bien marrés, puis on s’est mis à faire des concerts et à pas mal boire ensemble.
Just Mustard, c’est un groupe qui était sur scène depuis des années, qui jouait dans les mêmes salles que nous. On les connaissait vaguement. Puis, on ne les a pas vus pendant pas loin d’un an. Quand ils sont revenus et qu’ils ont sorti leur album, on en revenait pas, c’était tellement bon!
Ces sons assez rapides, puissants et répétitifs que vous jouez, comment avez-vous voulu les entendre ? Est-ce qu’ils pourraient s’inspirer de la musique de Girl Band ?
On pourrait penser qu’ils viennent de Girl Band, mais eux ne sont pas aussi rapides que nous. La combinaison rapide basse-batterie chez nous vient essentiellement d’une période pendant laquelle on était beaucoup dans la surf music, en s’inspirant par exemple des Beach Boys. On a essayé d’incorporer le surf dans le punk. Les riffs sur Chequeless Reckless et sur Too Real sont des riffs de surf music. On a simplement fait en sorte de les accélérer. On surfait dans nos esprits à ce moment-là.
Vous faites du surf?
On aime tous ça ! On veut aller en faire en Californie un jour.
En parlant de vagues, le concert que vous avez fait au Point Ephémère (le 22 Avril dernier, ndlr) en a fait pas mal. Quel est votre ressenti sur ce moment?
C’est assez dingue. On a ressenti quelque chose de très chaotique. On ne savait pas ce qui était en train de se passer. Et on aurait dit qu’il y avait largement plus de monde à l’intérieur que de personnes qui pouvaient y tenir. Les gens avaient l’air fous. En tous cas, on a vraiment apprécié le concert!
Comment voyez-vous le public parisien/français ?
Oh, le public français est en général très passionné. They give you loads (en Dubliner dans le texte) s’ils t’apprécient, mais s’ils ne t’apprécient pas, they give you loas back too ! (en Dubliner dans le texte aussi)
Votre performance a eu de quoi les passionner! En parlant de ça, pourriez-vous expliquer les mouvements de Grian sur scène? Quand par exemple il joue comme un gars un peu perdu, qu’il va dans le fond de la scène comme pour y chercher quelque chose, puis qu’il revient subitement fixer intensément le public de son regard.
Il ne prépare rien de tout ça à l’avance. Il le fait parce qu’il le sent comme ça. Mais avant d’entrer sur scène c’est assez intense. Il peut être en train de te parler depuis 5-10 minutes et il peut se mettre à sauter partout et claquer dans ses mains et se donner des claques. L’autre jour, à faire ça, il s’est même coupé sans faire exprès. Donc, à partir de ça, on peut dire que comment il est sur scène n’a rien à voir avec quelque chose de prédéterminé. C’est juste de l’instinct.
« Cet album, c’est comme une collection d’émotions, d’idées en lutte les unes avec les autres. »
A propos de votre album, Dogrel, quelle est l’histoire de la couverture?
La photo a été prise par Bruce Davidson. Il a fait beaucoup de photos à Harlem et Brooklyn dans les années 50 et 60, principalement de gens en marge de la société. La photo de l’album a été prise dans un cirque en Irlande dans les sixties.
Sur la piste il y a ce dresseur qui s’interpose entre deux chevaux. L’un des deux a le dessus sur l’autre, qui est à terre. L’un représente une force puissante et écrasante, l’autre représente une force faible et triste. Les deux forces luttent autour du dresseur, au milieu de ce qui devient une sorte de ring. Les protagonistes sont applaudis par le public qui attend de savoir si le dresseur va être dominé, voire tué par ces deux chevaux, ou s’il va reprendre le dessus sur eux.
Cette idée semblait correspondre parfaitement avec le concept de ce qu’est un album. C’est comme une collection d’émotions, d’idées en lutte les unes avec les autres.
On sent une certaine nostalgie dans cette photo. Vous dites souvent être nostalgique du Dublin qui n’existe plus. Quel est-il, ce Dublin du passé ?
Ça vient plus d’une expression commune, d’un sentiment commun. Les Irlandais se réfèrent à cette période comme aux « Rare Old Times ». Une période où les enfants courent dans les rues en criant, où les chevaux tirent des chariots… Le sentiment d’une Irlande non touchée par la modernité et toute cette merde matérialiste superficielle.
En ce temps là il y a aussi eu un crépuscule chaotique d’artistes comme Yeats, Joyce, Beckett, Kavanagh… Ça a été une sorte d’âge d’or de la culture irlandaise. Une période de grand espoir, spécialement étant donné qu’on était un nouveau pays à ce moment là. Libérés de cette idée d’être colonisés. Pas mal de choses ont changé depuis, et c’est devenu un peu plus morne. Donc c’est toujours une période à laquelle on peut se référer quand les choses semblent moins joyeuses.
Est-ce que vous ressentez cette forme de potentiel, presque révolutionnaire, qu’a Fontaines D.C. , avec les autres groupes de la scène irlandaise, de faire resurgir cette Irlande d’avant ?
On ne peut évidemment pas vous dire oui. Ce serait dingue si c’était le cas! On verra, le temps parlera.
D’ici là, merci pour l’interview, et bonne Villette Sonique!
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