« Rendez-vous au PMUUU, à 8 heures du matiiin. »

Chante Gwendoline, entre deux-trois paroles autour de la fin du monde, des comptoirs de bars rennais, des néo-bourgeois gentrificateurs et des mobylettes. « La vie c’est dur putain », ajoutent t-ils vaillamment du haut de leurs falaises bretonnes face aux vagues de cons qui se fracasse sur leur nihilisme décalé, mi trash, mi fendard, mi ricard. A l’écoute de leur album numérique ‘Après c’est gobelet !’ sorti en 2017, mais réédité début 2022 (à croire que les mecs prennent exemple sur Macron), le constat est clair : ça parle de la vraie vie, celle de la France des arrière d’hypermarchés, pas celle des NFT.

Pas vraiment connu en dehors de la rocade de Rennes, de Brest-même et de quelques obscurs blogs biélorusses il y a encore un an, le groupe fondé par Mickaël Olivette et Pierre Barret, à l’origine comme une blague, a été envoyé dans la cour des grands au festival des Transmusicales. Une première fois en 2020 pour une édition en ligne, pour la famille et la fanbase, et enfin devant plusieurs milliers de personnes en Décembre 2021. Edition 2021 à laquelle on était, et qui nous a vus, par un heureux hasard, croiser les deux chanteurs de Gwendoline. Qu’on aura pressés jusqu’à la dernière goutte de sueur gothique au cours d’une interview calés en lendemain de cuite dans des canapés de l’espace presse.

A l’origine, on était partis pour interviewer Lalalar. Mais une indigestion alimentaire d’un des membres du groupes (version officielle), trop de bières en backstage la veille pour leur concert au FGO Barbara (version possible-mais-faut-voir), ou encore une grosse performance sur l’échelle du bat-les-couillomètre (version eh-ouais-mon-pote, c’est-ça-le-rock)… Enfin bref ça s’est pas fait. Morts de faim d’une interview comme des habitants de la colline du crack en recherche d’un caillou, on s’est mis en quête d’artistes avec qui tailler le bout de gras en finissant nos bières coupées à l’eau pour sortir trois lignes qui nous mèneront au Pulitzer.

A traîner notre spleen entre les confrères sur le chemin de la gloire, on a fini par tomber sur d’autres spécialistes de la loose, Gwendoline, l’air un peu hangar, mais réjoui, après leur concert de la veille sur le principal site du festival. Après les avoir appâtés (Hénaff) avec quelques Ricards (Zaraï), on les a invités à prendre des poses viriles pour immortaliser le moment, ongles vernis d’âmes torturées qui font un doigt t’as vu, parce qu’on est un webzine trop indépendant et trop underground. Un chit-chat amenant à un small talk, puis à une bonne marrade, la lumière est venue amener nos doigts à presser le bouton REC du magnéto, pour tirer de tout ça un bon reportage en immersion dans la Shlagwave. A lire ci dessous donc. Maintenant. Voilà.

 

 

Juste pour clarifier parce-que-c’est-pas-clair-votre-histoire, vous êtes Rennais ou Brestois?

Mickaël : On est des Rennais qui ont envie d’être Brestois. Moi j’ai plus d’appart, donc je suis dans mes parents, euh…chez mes parents.

Pierre : Moi je vis à Nantes, mais j’ai envie de me barrer vivre à Brest aussi.

 

Vous arrivez à faire mieux que Jason Williamson – deux chanteurs type Sleaford Mods pour le prix d’un. C’est venu d’où le truc d’être deux chanteurs?

Pierre : On a composé les paroles tous les deux à la base. C’était plus un truc entre une blague et une catharsis; on se délivrait de tout ce qui nous passait par la tête. On s’est mis à faire de la musique et à faire chacun notre tour nos couplets comme des merguez .

Mickaël : Sachant que quand on l’a fait on avait pas du tout vocation à faire de concerts, ni l’envie de le faire. D’où le fait que ça a duré quatre ans et demi, cette histoire de battement entre le fait qu’on ressort l’album maintenant alors qu’on l’a fait il y a quatre ans.

 

Pourquoi vous voulez faire des concerts maintenant, plus qu’il y a quatre ans?

Mickaël : Parce qu’il y a des gens qui veulent bien nous faire faire des concerts.

Pierre : C’est venu d’un de nos potes, Flo, qui bosse à Astropolis, qui nous a poussés à faire des concerts. Au début on y allait à reculons et c’était vraiment horrible. A un moment on a eu l’idée de chanter tous les deux sur les bandes sonores et de faire tout en karaoké. Il y a eu pas mal d’idées. Mais au final c’est vrai que si on peut jouer, avoir des cachets et vivre de ça, au final…On se trahit pas pour autant, je crois?

 

Il faut pas écouter les paroles que vous chantez sur la ligne 13 à l’heure de pointe, c’est un coup à avoir envie de faire sécession avec l’humanité. C’est quoi les réactions ultimes que ces paroles pourraient provoquer?

Mickaël : Il n’y a pas forcément l’envie de générer des réactions chimiques ou sociales à travers ce qu’on fait. On parle justement d’un ressenti que nous on a, après les gens en font ce qu’ils en veulent. C’est un état brut de ce qu’on a pensé à ce moment là.

Pierre : D’autant plus qu’à la base le truc n’était pas voué à être écouté. On se disait qu’on voudrait jamais mettre ça sur un projet musical auquel on tiendrait et qu’on voudrait mettre en avant. Du coup on s’est permis de faire l’album en deux semaines, à se marrer et à boire des coups et à se livrer l’un à l’autre par le biais de la musique.

 

Il y a un truc presque boudhisto-nihiliste chez Gwendoline, non? Genre : « puisque le monde est foutu, concentrons nous sur les choses simples de la vie ».

Mickaël : Justement la musique est parfois un peu gogol et dansante, et ça allège un peu les choses j’ai l’impression. Ça reflète le moment où, quand il y a beaucoup de mauvaises nouvelles, à la télé, dans les journaux, tout ce que tu veux…tu peux quand même en rigoler au lieu d’en pleurer. Et c’est cool d’en faire quelque chose d’un peu comme ça… Juste comme ça quoi.

Pierre : Et puis de notre loose il y a un truc qui ressort. Tu tombes, tu tombes, tu tombes, au bout d’un moment tu rigoles et tu remontes à la surface. C’est ça l’idée aussi : de notre loose en faire un truc marrant. C’est aussi pour ça que le truc le plus fédérateur du set, ce refrain « Rendez-vous au PMU à 8 heures du matin », qui intervient en fin de set une fois qu’on a rabâché tous nos trucs, c’est une manière de dire « Bon les gars tant pis, on savait déjà que le monde était plié, ça servait à rien de faire un concert pour le dire, allez on va se la foutre! »

 

Gwendoline c’est le prénom de qui ?

Pierre : En fait on sait même plus pourquoi on a donné ce nom là !

Mickaël : Il fallait un nom pour soumettre le truc sur Bandcamp la première fois.

Pierre : Je crois qu’on trouvait ça un peu ridicule. Pas le prénom en soi, mais le fait que ça fasse artiste féminine pop, ou DJ. En gros si tu vois Gwendoline dans une prog’, tu ne t’attends pas à ça.

En fait c’est comme pour le nom de l’album, pour lequel on a cherché super longtemps. Il a suffi qu’au Terminus, un bar à Rennes, ce soit la fin du bar, il y ait quelqu’un qui dise « Allez, finissez les bières dans vos verres, après c’est gobelet! » Là on s’est regardés tous les deux trop bourrés, et on a hurlé « C’est bon! On a notre putain de nom! »

 

Ça fait quoi de se dire qu’on a fait deux fois les Transmusicales? Ça met un peu la nique à Nirvana et compagnie quand même!

Mikael : Eux n’ont pas eu le Covid donc c’est pas comparable. Nous on y a pas joué physiquement l’année dernière. En même temps on peut se dire qu’on est passés à la téloche quoi, et ça c’est quand même quelque chose ! Pour les parents et tout, on était à la télé ! Et puis c’est Jean Louis Brossard (le programmateur du festival, ndlr) qui a décidé de nous remettre, donc tant mieux pour nous.

Pierre : L’année dernière c’était vraiment bizarre : il n’y avait pas de public, on était dans l’UBU (salle de concert à Rennes, ndlr), entourés de caméras, et puis après le concert personne n’applaudissait, on a juste bu des coups avec les gens et voilà.

 

Cette année, ce serait quoi le souvenir que vous garderiez de votre concert ?

Pierre : Dès le premier morceau, on a commencé les paroles trop tôt ! On s’est arrêtés, on a repris… Mais en fait après coup c’est bien parce qu’on avait un peu de stress mine de rien. Et qu’on se soit plantés dès le début, après je me suis senti plus décomplexé, en mode c’est bon on y va !

Mickaël : Ça nous a ramenés à notre condition, on est juste en train de faire de la musique. L’erreur est humaine, on est pas des robots. En plus c’est même pas une vraie erreur, c’est juste un truc à la con qui s’entend même pas.

Pierre : Et puis le truc avec ce projet, c’est qu’à aucun moment on s’attendait à être aux Trans. Depuis le début, tout ce qui se passe c’est du bonus. Si jamais ça le fait pas, ça le fait pas, et tant pis on arrête le groupe. On va pas dépendre de ce truc là. Ça m’étonnerait que dans 5 ou 10 ans il y ait encore Gwendoline; c’est voué à crever rapidement.

Mickaël : C’est l’essence du sentiment qu’on a eu quand on a fait ce truc là, on verra !

… J’en ai rien à foutre ?

Pierre : L’élection présidentielle… J’en ai rien à foutre !

Mickaël : Tout ce qui passe à la radio… J’en ai rien à foutre !

Toutes les têtes d’affiches des médias… J’en ai rien à foutre !

C’est tellement la déprime qu’on a envie de se dire qu’on en a rien à foutre parfois, même s’il ne faudrait pas. Mais bon, des fois on en a juste marre. On peut se le dire, il y a le droit.

Pierre : Qu’on soit re-confinés, j’en aurais rien à foutre ! Je serais très content de passer du temps à juste procrastiner, ne rien faire et regarder mon plafond, c’est super.

 

Vous avez sorti votre premier album il y a quatre ans. Depuis vous vous êtes à nouveau fait un délire de deux semaines où vous avez sorti et enregistré ce que vous aviez sur le coeur, pour en faire un deuxième?

Pierre : On a essayé, mais pendant un déconfinement, et on faisait un mois sans alcool, donc il y a plusieurs trucs qui ont fait que ça ne marchait pas. Après on a réessayé en se disant « il faut faire, il faut faire, il faut commencer à faire le deuxième ». Mais on a pas encore retrouvé l’énergie du premier album, où vraiment on se prend un temps, on se retrouve à un moment tous les deux dans nos vies et on a des choses à se dire. Et on vit des choses.

Mickaël : Il faut que ça vienne d’un moment dans la vie qui amène à la musique, et pas se dire « on va aller faire de la musique, du coup on va réussir à faire de la musique. »

 

Vous avez essayé le PMU à 8 heures du matin pour ça?

Mickaël : Ah naan! C’est arrivé, avant, il y a quatre ans. Mais des fois ça peut arriver… Justement, c’est pas prémédité !

Pierre : C’est tout ce truc là qui fait qu’on ne pourrait pas enregistrer en studio. Parce que le fait de caler à l’avance une session où tu vas dire les choses, ça ne marche pas. Surtout que nous il y a ce truc dans le processus de composition qui amène à ce qu’il y ait plein de prises plus ou moins test qui vont se retrouver dans l’assemblage final. Il faut que ce soit le plus vrai possible, et tant pis s’il y a un bruit de bagnole.

 

On s’est dits qu’on allait la jouer façon Konbini sur le reste du temps imparti par les attachés de presse, pour vendre ça à la presse people et devenir riches, mais aussi pour finir nos fonds de bières chaudes sans trop se fouler. 

 

Quel est votre artiste préféré de cette édition des Transmusicales?

Mickaël : Yann Tiersen.

Pierre : Guadal Tejaz.

 

C’est quoi le morceau que vous préférez jouer en concert?

Ensemble : ‘Conspire’ !

 

Quel est l’artiste ou le groupe avec qui vous aimeriez partager une scène?

Mickaël : Beach House

Pierre : Beach House

Y a t-il un concert des Trans qui vous a marqué ?

Mickaël : Is Tropical, quand j’avais environ 15-16 ans

Pierre : Et moi c’est Barnt.