A l’été 2019 à Montréal, il était difficile de passer à côté des Louanges et du titre La nuit est une panthère, véritable tube indissociable de cet été au Québec, où tous les coffeeshop de la ville l’avaient dans leurs playlists.
Pas encore de pandémie, loin du tumulte des mouvements sociaux en France, ce titre pop, ode sensuelle m’invitant au laisser-aller dans la langueur de l’été avait été une grosse claque. Et quelle ne fut pas ma surprise en découvrant que ce n’était qu’une des nombreuses pépites de l’album éponyme sorti en 2018. Avec Tercel, Jupiter, Pitou entres autres l’album naviguait entre différents univers, tantôt Lo-fi Hip-Hop, R’n’B, Jazz-fusion ou pop avec toujours le groove pour moteur.

Les Louanges revient aujourd’hui avec Crash, album qui chante l’amour, la rupture ou encore le tourbillon du succès. Vincent Roberge y creuse son R’n’B conscient comme il le dit lui même, dans la veine de son premier opus en y apportant de nouvelles touches 80’s à coup de synth bass vintage et de boîte à rythmes.

Comme dans l’entêtant Chaussée sorti il y a quelques mois déjà, où le crash en voiture est évoqué ici comme métaphore d’une rupture amoureuse : « éjecté de l’auto en marche / Mon coeur et mon corps en morceaux ». Soutenus par un chorus de synthbass, les choeurs féminin confèrent au denier refrain un finish vraiment exaltant mêlant influence soul et pop 80’s.
Vocaux féminin que l’on retrouve également sur le très funky Chéries, où l’on retrouve des vibes façon Prince de la belle époque.

On retrouve dans cet album ces sonorités organiques, ce R’n’B exigent et un peu sale qui caractérise Les Louanges avec des tracks comme Boléro et Encore. Deux titres aux mélopées rêveuses, amers sur les relations amoureuses ou la sortie de l’anonymat pour l’artiste « claque la porte et puis on zoom / Panthère broke out of the zoo ».

Dans l’excellent titre Pigeons, après une intro très Lo-Fi où les accords d’un clavier Rhodes bien noisy sont englués dans un sonore de conversation saturé, un refrain imparable entame le morceaux avec des sonorités de synthèse FM époque Art of Noise. Vincent Roberge y semble s’interroger sur ces longues périodes de tournées, ce mode de vie nomade coupé de ses proches, et l’écart qu’il peut y avoir entre l’idéalisation de la vie d’artiste et ce qu’il en est réellement  : «  Nomade maintenant mode de vie normale / Maussades parfois les couleurs du voyage / La tournée altère le sens de la morale / Best life parfois s’apparente aux mirages » .

Alors qu’il est beaucoup question dans cet album de questionnements sentimentaux et d’un feedback sur les années écoulées depuis le succès de son premier album et les changements induits dans le quotidien du chanteur, le titre Chaperon viens mettre la focal sur un autre thème : les violences faites au femmes. « La chanson la plus délicate que j’ai jamais eu à écrire, sur le sujet le plus hard que j’ai jamais abordé » dira lui même Vincent Roberge.

Exceptionnellement ici le texte n’est plus écrit à la première personne mais relate le parcourt d’un autre : «  T’as jamais voulu faire de mal à personne / Mais là ça change aujourd’hui / Tu veux la venger tu dis ». Des drums sèches et précises et une flopée de synthétiseurs nerveux et aigus confèrent une rage retenue et sous-jacente à l’un des titres le plus poignants de l’album.

Lorsque Listen Up est allé écouter l’album Crash en novembre dernier, il n’a pas été aisé de se faire un avis en une seule écoute mais une chose à retenu notre attention, ce featuring inattendu avec le boss du R’n’B francophone des années 2000, j’ai nommé Corneille!

Finalement quoi de plus normal pour Les Louanges qui se revendique avec un brin d’ironie du R’n’B conscient.

Le titre Crash s’ouvre sur une flûte  aérienne répondant aux accords chauds du synthé, il est à la fois nostalgique et plein d’espoir en l’avenir comme un passage de flambeau de l’ancien au nouveau kid génial de Montréal. Corneille back Vincent et vice versa, la stéréo s’enflamme, les choeurs sont légions. La voix est véritablement mise à l’honneur dans ce titre et la ligne de guitare électrique au centre du mix arrivant sur la deuxième partie du couplet de Corneille (puis jusqu’à la fin du track) vient faire ressortir par effet de contraste les multiples pistes de voix qui naviguent entres nos deux oreilles.

Ce qui marque dans cet album c’est le soin apporté à la notion « d’espace » dans le mix. Les reverb font vivre les vents, les cuivres et les nombreuses nappes de synthé sur les différents titres de l’album créant autant de paysages sonores et de textures au risque peut être d’en noyer un peu les mélodies parfois.

Vincent Roberge et son acolyte et co-réalisateur Félix Petit s’appuient sur les bases plus que solides de leur premier album pour façonner encore un peu plus un son original à la lisière de différents style musicaux mais ne pouvant être assimilé précisément à l’un d’eux.
A travers 15 titres mélancoliques et accrocheurs l’artiste se livre encore un peu plus et valide son crash test, évitant l’écueil de l’immobilisme en explorant toujours un peu plus de nouvelles contrées sonores.